A Genève, Edina Desboeufs cumule deux emplois pour payer ses études de droit. Sans les 320 francs de subsides qu'elle reçoit chaque mois, sa prime d'assurance maladie qui se monte à 468 francs représenterait le tiers de son budget. Et le problème, c'est que ces subsides ont mis du temps à arriver.
"Je ne pouvais pas payer une prime d'assurance par mois. Il fallait toujours que je la divise par deux. Et ça me met effectivement dans une situation complexe. Et même avec les subsides, ce n'est pas toujours évident parce qu'il y a parfois d'autres dépenses qui interviennent. C'est vraiment la charge que je respecte de manière primordiale, mais elle est assez saignante", témoigne-t-elle mardi dans le 19h30.
Alors qu'elle doit toujours tout calculer, elle redoute déjà la prochaine augmentation. "Je n'ai pas pris en considération cette hausse et probablement que je devrais le faire. Ce que je trouve inquiétant." Pour mémoire, l'annonce des primes maladie pour 2024 est prévue mardi prochain.
Beaucoup de restrictions au quotidien
Dans la vallée de Joux, Christopher Fulchini est père au foyer. Mais il cherche un emploi du soir car sa famille peine à s'en sortir avec un seul salaire. Malgré les subsides, le poids des primes sur le budget de la famille est très important, représentant un peu plus de 600 francs par mois.
"On ne part plus en vacances. On ne met plus de sous de côté", déplore-t-il. Et c'est sans compter sur les activités auxquelles la familles Fulchini doit souvent renoncer. "On ne sort pas en boîte, on va rarement au restaurant. Mais on mange à notre faim pour le moment", relativise-t-il avec amertume.
On ne part plus en vacances. On ne met plus de sous de côté
Et sa compagne Stéphanie d'ajouter: "Je suis inquiète pour le budget, parce que notre salaire augmente mais pas en fonction des hausses des assurances."
Ce contexte d'inflation générale les fait même hésiter à avoir un deuxième enfant. "On a envie, peut-être dans quelques années, d'avoir un deuxième enfant mais avec un seul salaire, ce n'est pas possible. Donc on doit se restreindre sur beaucoup de choses."
Retourner vivre chez ses parents
A Penthalaz, Antoine Jaquenoud est formateur en pratique professionnelle, mais ne travaille pas assez pour toucher des subsides. Il est donc retourné vivre avec sa mère pour pouvoir payer ses primes d'assurance maladie.
Elles sont pour lui une source d'inquiétude constante: "J'ai deux alertes sur mon téléphone pour m'assurer qu'elles soient payées à temps. Aujourd'hui, j'ai un travail complémentaire dans la musique, je suis chef de choeur dans une chorale à Moudon. C'est par cette activité-là que je peux m'assurer a minima de pouvoir payer mon assurance maladie."
Pour l'instant, financièrement, je ne peux pas me permettre d'aller chez le médecin, je me débrouille
Sa franchise est à 2500 francs et la dernière fois qu'il est allé chez le médecin, il a dû emprunter de l'argent à un ami. "Pour l'instant, financièrement, je ne peux pas me permettre d'aller chez le médecin, je me débrouille. Mais un jour, peut-être, il y aura une hospitalisation, n'importe quoi et ça c'est ma plus grande peur, j'avoue."
Sujet TV: Thomas Epitaux-Fallot et Julie Conti
Adaptation web: Fabien Grenon
Stéfanie Monod: "Confédération et cantons doivent s'asseoir autour d'une table"
Pour Stéfanie Monod, professeure à l'UNIL et spécialiste de la question des primes maladie, la Confédération et les cantons doivent maintenant se réunir autour d'une table pour trouver une solution. L'augmentation des primes d'assurance maladie doit en effet cesser.
"On a un système aujourd’hui qui a évolué davantage en fonction de l’offre que de la demande. Or la demande va augmenter ces prochaines années avec le vieillissement de la société", souligne-t-elle dans le 19h30. C'est pourquoi il est important selon elle que la Confédération et les cantons redéfinissent une vision commune, ainsi que de nouvelles priorités.
Elle ne croit pas vraiment le ministre de la Santé Alain Berset quand il dit qu'il est arrivé au bout de ce qu'il pouvait faire au Conseil fédéral sur la question. "Je pense qu’il y a des moyens d'action possibles que le Conseil fédéral pourrait adopter, mais ça n'est pas confortable du tout."
"Je ne fais pas confiance au Parlement qui est beaucoup trop tenu par les lobbies et par cette pression d'un marché qui a totalement pénétré le système de cette assurance sociale. Par contre, je fais confiance aux exécutifs", conclut-elle.