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Les récoltes de betteraves sucrières en baisse inquiètent les producteurs

Des betteraves sucrières du domaine agricole de Georges Allaz à Villars-le-Terroir, dans le Gros-de-Vaud. [KEYSTONE - Laurent Gillieron]
La récolte des betteraves en déclin à cause de l'interdiction de produits phytosanitaires / La Matinale / 4 min. / le 22 septembre 2023
La récolte de betteraves sucrières démarre tout prochainement en Suisse. Mais depuis plusieurs années les quantités exploitables sont en baisse, inquiétant les producteurs. La faute, selon eux, à la sécheresse et à l'interdiction des produits phytosanitaires sans lesquels les betteraves sont trop vulnérables.

Comme chaque année à la même période, les producteurs de betteraves sucrières s'apprêtent à découvrir avec inquiétude le fruit de leur travail de ces six derniers mois.

Dans quelques jours, les betteraves vont être sorties de terre, avant d'être transportées dans l'une des deux sucreries du pays où elles seront transformées. La première se situe à Frauenfeld (TG) et la seconde à Aarberg (BE). Les belles années, quelque 250'000 tonnes de sucre sont extraites.

Moment d'inquiétude et de frustration

Mais d'habitude joyeuse, la récolte est devenue ces dernières années un moment d'inquiétude et de frustration pour de nombreux producteurs. A l'instar de Pierre-Alain Epars à Penthalaz, dans le canton de Vaud. Il est producteur et vice-président de la Fédération Suisse des Betteraviers.

"On a plusieurs problèmes sanitaires dans la betterave. Maintenant, on a le charançon de la betterave qui est apparu fortement cette année", explique-t-il dans La Matinale. "Il creuse des galeries dans la racine de la betterave. Le gros risque, c'est que ça provoque une pourriture avec l'éventualité que ces betteraves ne puissent pas être transformées en sucre."

>> Voir le sujet du 19h30 :

Le charançon et les fortes chaleurs ont altéré une partie de la récolte des betteraves sucrières en Suisse
Le charançon et les fortes chaleurs ont altéré une partie de la récolte des betteraves sucrières en Suisse / 19h30 / 2 min. / le 17 octobre 2023

>> Lire aussi : L'agriculture suisse au défi de la chaleur et de la sécheresse estivales

Dernière bonne récolte en 2015

Pour produire 250'000 tonnes de sucre chaque année, les sucreries ont besoin de 20'000 hectares de betteraves, comme cela a été le cas en 2015 qui constituait une bonne récolte. Mais ces dernières années, la production a baissé et atteint désormais un peu plus de 16'000 hectares.

Pour produire 250'000 tonnes de sucre chaque année, les sucreries ont besoin de 20'000 hectares de betteraves, comme cela a été le cas en 2015 qui constitue une bonne récolte. [afp]
Pour produire 250'000 tonnes de sucre chaque année, les sucreries ont besoin de 20'000 hectares de betteraves, comme cela a été le cas en 2015 qui constitue une bonne récolte. [afp]

La faute aux épisodes de sécheresse, mais surtout aux attaques répétées des ravageurs qui prolifèrent. Et les producteurs ne peuvent pas faire grand-chose pour s'en débarrasser. Ils se disent même démunis depuis l'interdiction de certains pesticides et autres produits phytosanitaires.

"Chaque année, on nous interdit d'utiliser des matières actives pour lutter contre les maladies, les ravageurs et les mauvaises herbes. Cela pose un problème pour arriver à subvenir aux besoins des sucreries. Car on a tendance à avoir un rendement sucre à l'hectare qui diminue", déplore Pierre-Alain Epars.

Certains produits phytosanitaires restent autorisés actuellement pour la culture des betteraves. Mais ils ne sont pas ou plus assez efficaces selon Basile Cornamusaz, responsable de l'antenne romande au Centre betteravier suisse.

"Tous les produits ne sont pas efficaces contre tous les ravageurs qu'on a. Nous sommes aussi dans une impasse avec certains ravageurs car on n'a pas forcément la possibilité légale d'utiliser certains produits."

Pierre-Alain Epars plaide, lui, pour une utilisation ciblée de certains produits phytosanitaires pour sauver certaines récoltes. "On est conscients qu'on ne peut pas utiliser n'importe quoi comme produits. C'est clair. Mais c'est comme les médicaments, de temps en temps, il en faut quand même. C'est ce qu'on demande, qu'on ait toujours une solution de secours en cas de problème réel pour soigner nos betteraves comme on soignerait un être humain. Qu'on ne nous enlève pas toutes ces possibilités."

Pression politique forte

Le Centre betteravier suisse dit être en contact régulier avec les services de la Confédération. Les problèmes rencontrés par les producteurs sur le terrain sont signalés et discutés.

Mais il existe un obstacle, comme le note Basile Cornamusaz, responsable romand de l'Association des betteraviers: "La pression politique sur les produits phytosanitaires est très forte, avec notamment les deux initiatives qui étaient passées devant le peuple en 2021. On sait aussi que dans le pipeline, il y a énormément d'autres textes de lois ou d'initiatives qui sont pendantes au Parlement et qui sont directement liés à l'utilisation de ces produits."

Contacté, l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires précise que les critères d'autorisation des produits phytosanitaires sont définis dans l'Ordonnance sur les produits phytosanitaires. Ils sont devenus de plus en plus stricts au cours des deux dernières décennies afin de mieux protéger l'homme, l'animal et l'environnement. De nombreuses substances actives et produits anciens ne répondent plus aux critères.

Ces critères sont soutenus par le WWF Suisse qui constate que, dans de nombreux cas, les interdictions de produits phytosanitaires favorisent l’innovation et qu'il y a un marché en plein développement. Le WWF estime aussi qu’il est préférable de privilégier la qualité à la quantité.

Robin Baudraz/fgn

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