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Abus sexuels: les évêques suisses veulent instaurer un tribunal ecclésial pénal et disciplinaire

La Conférence des évêques suisses annonce vouloir créer un tribunal pénal ecclésial pour traiter les cas d'abus
la Conférence des évêques suisses annonce vouloir créer un tribunal pénal ecclésial pour traiter les cas d'abus / 19h30 / 2 min. / le 23 septembre 2023
La Conférence des évêques suisses veut mettre en place un tribunal ecclésial pénal et disciplinaire pour l'Eglise catholique romaine en Suisse. Cette décision fait suite à l'ampleur des cas d'abus sexuels révélés par une étude de l'Université de Zurich.

Les lois pénales civiles suisses continueraient à avoir la priorité et les autorités de poursuite pénale seraient obligatoirement impliquées dans tous les cas d'abus ou d'autres infractions commises ou ayant été commises dans le contexte ecclésial.

Le tribunal ecclésial s'occuperait en plus des sanctions nécessaires en cas de violation d'une loi ecclésiastique, peut-on lire dans un communiqué de la Conférence des évêques suisses (CES) samedi matin.

>> Lire aussi : La justice ne s'empare pas forcément des cas révélés d'abus sexuels dans l'Eglise

Afin de concrétiser la mise en place d'un tel tribunal national, les évêques suisses chercheront à s'entretenir avec les responsables du Vatican dans les semaines à venir, lit-on plus loin.

Autres mesures envisagées

Les trois mandants de l'étude de l'Université de Zurich, qui a révélé récemment l'ampleur des abus sexuels dans l'Eglise catholique en Suisse, -  la CES, la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) et les communautés religieuses catholiques romaines de Suisse (KOVOS) - ont pris des mesures supplémentaires. Parmi celles-ci, la poursuite de cette étude menée par deux historiennes.

Un service national de collecte des signalements de victimes va être mis en place. De plus, les membres de la CES ont signé un engagement personnel pour que toutes les archives ecclésiastiques sous leur responsabilité restent accessibles et qu'aucun document ne soit détruit.

La CES a encore décidé d'introduire une procédure d'évaluation psychologique approfondie pour les séminaristes et les candidats au noviciat ainsi que pour d'autres agents pastoraux. Cette procédure d'évaluation existe déjà dans de nombreuses régions, mais elle sera désormais standardisée et professionnalisée à l'échelle nationale et sera obligatoire partout. Les dossiers personnels de tous les collaborateurs pastoraux seront professionnalisés. Ces mesures devraient être mises en place d'ici fin 2024 au plus tard.

>> Les explications du 12h30 :

L'abbé d'Einsiedeln Urban Federer devant des fidèles lors d'une messe dans le cadre de la Conférence des évêques suisses, le mardi 19 septembre 2023 à Saint-Gall. [Keystone - Gian Ehrenzeller]Keystone - Gian Ehrenzeller
La Conférence des évêques suisses souhaite mettre sur pied un tribunal ecclésial pénal pour l'Eglise / Le 12h30 / 2 min. / le 23 septembre 2023

"Aller plus loin"

Interrogé dans Forum, Roland Loos, vice-président de la RKZ, a semblé satisfait après cette annonce. Il estime toutefois qu'il faudrait aller encore plus loin sur la question d'un changement structurel de l'Eglise et "pas seulement culturel".

"Dans l'Eglise, tous les pouvoirs sont concentrés au niveau de l'évêque. Il faut introduire des approches séparées entre les pouvoirs. Il y a aussi toute la question de la morale sexuelle. On considère que la vie privée est la vie privée. Cela ne regarde ni l'employeur, ni l'Eglise", développe-t-il sur la RTS.

Pour Roland Loos, il s'agit notamment de remettre en question l'obligation du célibat pour les prêtres: "Si chacun est libre de vivre sa vie comme il l'entend, cela crée des êtres humains qui sont plus à l'aise et plus équilibrés, qui n'ont pas besoin de s'attaquer à d'autres."

>> Ecouter les réactions de Felix Gmür et Roland Loos dans Forum :

L'abbé d'Einsiedeln Urban Federer devant des fidèles lors d'une messe dans le cadre de la Conférence des évêques suisses, le mardi 19 septembre 2023 à Saint-Gall. [Keystone - Gian Ehrenzeller]Keystone - Gian Ehrenzeller
Felix Gmür et Roland Loos s’expriment sur les mesures annoncées par la Conférence des évêques / Forum / 13 min. / le 23 septembre 2023

"J'ai toujours dit qu'il n'était pas nécessaire que le célibat soit obligatoire, comme j'ai toujours dit que je pouvais imaginer des femmes prêtres", a de son côté réagi l'évêque de Bâle et président de la Conférence des évêques Felix Gmür dans Forum. "Ce n'est malheureusement pas à nous de décider. C'est une question de l'Eglise universelle. Il faut que je m'implique au niveau mondial dans le synode pour changer cela."

En réaction aux annonces du jour, la présidente de la CECAR, la fondation qui vient en aide aux victimes d'abus sexuels dans un contexte écclésial, Sylvie Perrinjaquet, dit attendre de la Conférence des évêques qu'elle fasse un point régulier sur les mesures proposées.

"S'ils le font, on pourra se dire qu'il y a une volonté d'aller de l'avant et de remédiation. Si au contraire, dans une année, ils nous disent: 'on est en pleine réflexion', alors la confiance ne reviendra pas", explique l'ancienne conseillère nationale neuchâteloise.

Ce à quoi Felix Gmür répond: "Nous avons déjà entrepris les premiers pas, pour que la mise en oeuvre soit rapide."

Abus documentés

Dans leur étude-pilote publiée le 12 septembre, les chercheuses de l'Université de Zurich ont recensé au moins 1002 cas d'abus sexuels commis par des membres du clergé et des religieux catholiques depuis 1950. Selon les historiennes, il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg, car la plupart des cas n'ont pas été signalés et les documents détruits.

Les abus ont été commis par 510 personnes sur 921 victimes. Près de 56% des victimes étaient des hommes et dans 74%, elles étaient mineures. Les auteurs étaient, à quelques exceptions près, des hommes.

Le rapport documente des actes d'abus allant du franchissement problématique des limites aux abus systématiques les plus graves, impliquant le viol, et ayant duré des années. De nombreux cas ont été passés sous silence, dissimulés ou minimisés par l'Eglise catholique, avait déclaré l'une des auteures de l'étude.

>> Revoir le débat d'Infrarouge sur les abus dans l'Eglise :

Église catholique: la fin de l'impunité ?
Église catholique: la fin de l'impunité ? / Infrarouge / 61 min. / le 20 septembre 2023

>> Lire aussi : Mille situations d'abus sexuels documentées dans l'Eglise catholique en Suisse

ats/mera

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L'évêque de Bâle reconnaît des erreurs

Le président de la Conférence des évêques suisses (CES), Felix Gmür, reconnaît des erreurs dans l'enquête sur les abus sexuels au sein de l'Eglise catholique. "Les personnes concernées n'ont pas été assez prises en considération. J'en suis vraiment désolé".

"La perspective des victimes n'a pas été suffisamment prise en compte", ajoute l'évêque de Bâle dans un entretien diffusé dimanche par la NZZ am Sonntag. Il admet avoir accordé au début de son mandat épiscopal plus d'importance à l'exécution juridiquement correcte des cas d'abus. "J'ai changé de perspective avec le temps", assure-t-il.

Felix Gmür dit être favorable à un accompagnement externe de l'enquête de l'Eglise sur les cas d'abus sexuels, comme l'a demandé la Conférence centrale catholique romaine de Suisse. L'évêque de Coire Joseph Bonnemain, chargé d'une enquête sur des dissimulations de cas d'abus sexuels au sein de l'Eglise, "a dit qu'il serait heureux de recevoir un tel soutien. Et je trouve cela aussi super".