C'est sur les trois kilomètres de route agricole qui séparent sa maison de son travail que Marc Muller, ingénieur en énergie, a eu une idée qui pourrait bien contribuer à l'indépendance énergétique de la Suisse. "Ce sont des surfaces qui sont déjà prises sur la nature. Donc ce sont des surfaces déjà imperméables et on pourrait produire ici de l'énergie en mettant des panneaux solaires sur les routes", imagine-t-il dans le 19h30.
Selon lui, le potentiel est énorme, au point de produire autant d'énergie qu'avec tous les projets d'installations photovoltaïques prévus en montagne.
"En Suisse, il y a 65'000 kilomètres de petits chemins et de routes agricoles qui pourraient facilement être équipés de couverture solaire. Si on couvrait seulement 3% de ces routes, on pourrait produire 2 terawatts-heure (TWh), ce qui suffit quasiment à couvrir tous les besoins énergétiques de l'agriculture suisse", explique-t-il.
La position du Conseil fédéral attendue cette année
Pour les initiants, tout pourrait aller très vite si l'infrastructure profite aux agriculteurs. Le Conseil fédéral devrait clarifier la situation cette année encore.
"La spécificité de la zone agricole, c'est qu'on ne peut réaliser des infrastructures que si elles sont utiles à l’agriculture et le but de mon intervention est de faire dire au Conseil fédéral que cela peut être dans l’intérêt de l’agriculture de produire de l’électricité indigène sur place le long des axes déjà utilisés", détaille le conseiller national vaudois Raphaël Mahaim (Vert).
Une idée "loin d'être bête"
Du côté des agriculteurs, l'initiative peut séduire. "C'est difficile de se représenter un toit sur plusieurs kilomètres au milieu des champs, mais l'idée est loin d'être bête", estime Julien Duc, agriculteur à Lully (VD).
Le projet soulève toutefois certaines questions: "Il y a plein de points qu'il faudra observer au niveau de notre travail, de la pratique, comme le gabarit des véhicules, mais aussi voir comment cela se marie dans le paysage."
Autant d'interrogations auxquelles les initiants souhaitent répondre le plus rapidement possible. Six projets pilotes pourraient bientôt voir le jour en Suisse romande.
Sujets TV: Julien von Roten et Cédric Jordan
Adaptation web: Jérémie Favre
Des cultures recouvertes de panneaux solaires en Valais
Allier culture et production d'énergie, voilà un moyen qui pourrait permettre aux producteurs de maximiser leurs revenus avec deux sources de rendement. A Conthey (VS), l'Agroscope teste actuellement la culture de petits fruits sous des panneaux solaires.
A l'heure de la récolte, les framboises semblent bien s'accommoder de cette couverture photovoltaïque. "Si on compare la durée de la récolte, il n'y a pas de différence. Ça a aussi été une bonne protection contre la grêle au mois de juillet. Au niveau de la qualité des fruits, il n'y a pas de différence non plus. En revanche, ce qu'on constate, c'est qu'on est un peu plus tardif par rapport à du tunnel", explique André Ançay, responsable du groupe petits fruits à l'Agroscope.
Un système améliorable
Le système reste perfectible. La structure est par exemple perméable à la pluie, ce qui perturbe la récolte et peut induire des risques sanitaires.
"Agronomiquement, nous avons déjà beaucoup de contraintes en matière de climat, d'insectes et l'utilisation minimale de pesticides. Si on n'arrive pas à gérer la pluie sur des petits fruits comme ça, il y a vite des problèmes de pourriture ou un usage excessif de fongicides", précise Adèle Airaud, ingénieure agronome et responsable de culture pour l'entreprise Pitteloud Fruits SA.
Des panneaux spécialement conçus
Les panneaux ont été posés en juillet dernier, leur structure a été pensée spécialement pour s'adapter aux cultures.
"Il y a de l'espace entre chaque cellule, ce qui permet de laisser passer une partie de la lumière. Le verre est aussi diffusant pour qu'elle arrive aux plantes de façon homogène et bien répartie", relate Mathieu Ackermann, directeur technique chez Insolight.
L'investissement est important par rapport à un tunnel traditionnel. Il faut compter un million de francs à l'hectare pour la pose de panneaux agrivoltaïques, soit quatre fois plus que pour une culture conventionnelle. "Avec seulement la culture, on n'arrivera pas à amortir l'installation, mais combiné à la production d'électricité, je pense que ça sera intéressant", estime André Ançay.
L'installation peut toutefois être amortie en dix ans et produire l'équivalent de la consommation de 150 à 200 ménages par hectare.