A 3000 mètres d'altitude, sur le chemin d'accès à la Cabane Britannia à Saas Fee (VS), les signes de ces bouleversements sont indéniables.
Marc Renaud, président de la commission des cabanes du Club Alpin de Genève, a parcouru ce chemin de nombreuses fois, mais il continue d'être choqué par ce qu'il voit. Le glacier qui dominait autrefois le paysage a considérablement reculé, laissant derrière lui un terrain rocailleux.
"Quelle horreur!"
"Oh la la, quelle horreur! C'est un choc! Ce glacier est vraiment en train de mourir. L'année dernière, il allait jusqu'au début du chemin, là il n'y a plus de glace", déplore-t-il dimanche dans l'émission de la RTS Mise au point.
Il est sûr que l'année prochaine le glacier disparaîtra complètement
"La dernière fois, il y a un mois, il y avait 1,5 mètre de plus de glace, il reste maintenant seulement un 1,5 mètre. Il est sûr que l'année prochaine le glacier disparaîtra complètement", prévoit Marc Renaud.
Ainsi, le chemin d'accès à la Cabane Britannia a dû être fermé en raison de chutes de rochers, conséquence directe de la fonte des glaces. Un nouvel itinéraire, plus long et plus difficile, a été aménagé en catastrophe, dans un environnement lunaire laissé par le glacier. Le sol est aussi devenu instable, provoquant des fissures dans la cabane.
Plus d'eau en fin de saison
Le glacier jouait également un rôle essentiel en tant que réserve d'eau pour la cabane. Des mètres cubes de glace étaient fondus pour la cuisine et l'approvisionnement en eau. Cependant, cette abondance est devenue une rareté à la fin de l'été.
Fabienne, une aide à la Cabane Britannia, témoigne: "Au début de la saison, on avait beaucoup de neige, on l'a recouverte avec des bâches et là il en reste très peu. Tout a fondu, ça ne coule plus. Il reste juste un tout petit peu sous une bâche, mais pas assez."
Les randonneurs demandent où est la douche, et on doit leur répondre qu'il n'y en a pas, car on n'a pas d'eau. Certains ne comprennent pas, non plus, pourquoi ils paient 12 francs le litre d'eau...
Au moment du tournage de la RTS, la cabane est encore ouverte pour un mois, mais les gérants devront compter uniquement sur la pluie et le rationnement. Les visiteurs sont confrontés à des restrictions drastiques, notamment en ce qui concerne l'eau.
"Les randonneurs demandent où est la douche, et on doit leur répondre qu'il n'y en a pas, car on n'a pas d'eau. Certains ne comprennent pas, non plus, pourquoi ils paient 12 francs le litre d'eau...", explique Fabienne.
Analyser les sols
Pour tenter de préserver le plaisir d'une vie en altitude, le Club Alpin Suisse collabore avec PERMOS, un réseau d'étude du pergélisol. Les scientifiques, comme Cécile Pellet, étudient les effets du réchauffement climatique sur l'environnement alpin. Ils cherchent notamment à déterminer la profondeur de la couche active du pergélisol, qui est en expansion en raison du dérèglement climatique.
Cette couche active, qui fond en été et regèle en hiver, est essentielle pour comprendre la stabilité du terrain. Son approfondissement pose des défis considérables pour les cabanes alpines, dont de nombreuses sont construites à proximité de pergélisol.
Déplacer ou abandonner des cabanes
Avec 61 des 153 cabanes du Club Alpin Suisse situées à proximité de pergélisol, principalement en Valais, la question de l'avenir des cabanes préoccupe la commission centrale des cabanes.
"Ses réunions sont extrêmement importantes parce que tous les projets de cabane y sont traités. On a des spécialistes, ingénieurs, architectes... L'objectif est d'utiliser l'argent le mieux possible, parce que ça coûte très cher de construire en montagne", indique Marc Renaud, qui représente les exploitants au sein de la commission.
Cela fait que trois ou quatre ans qu'on se pose la question: est-ce que les investissements d'aujourd'hui se justifient encore à cet endroit?
Le défi est de taille, car les cabanes historiques doivent être rénovées ou remplacées, comme la Mutthornhütte, menacée par des éboulements dans une région instable. Les fondations des cabanes doivent désormais être conçues pour résister aux mouvements du sol causés par le changement climatique.
Ulrich Delang, responsable des cabanes du Club Alpin Suisse, souligne les difficultés émotionnelles auxquelles sont confrontées les sections locales lorsqu'elles doivent décider de l'avenir de leurs cabanes historiques. "Cela fait que trois ou quatre ans qu'on se pose la question: est-ce que les investissements d'aujourd'hui se justifient encore à cet endroit?", explique-t-il.
Un investissement colossal
Le but ultime est de préserver le patrimoine culturel et sportif que représentent ces cabanes en montagne. Cependant, la réalité du changement climatique signifie que certains édifices pourraient devenir trop dangereuses et devoir être abandonnés.
Les questions de financement et de pertinence à long terme se posent également. La reconstruction de la Rothornhütte à Zermatt, menacée d'effondrement, illustre les efforts financiers déployés pour préserver ces lieux emblématiques. Une nouvelle cabane moderne est en construction, 60 mètres plus bas. La facture s'élève à 3,7 millions de francs.
Érigée sur du rocher stable, la nouvelle cabane en construction permettra d'améliorer le confort, notamment avec moins de lits dans les dortoirs... et une vue inédite sur les montagnes. Le chantier continuera jusqu'à l'arrivée de la neige pour une inauguration au printemps, à l'heure pour le début de saison.
Sujet TV: Céline Brichet et François Rüchti
Adaptation web: Valentin Jordil