Trois ans après, le Covid-19 semble un lointain souvenir. Mais cet événement inédit restera comme un bouleversement historique, évidemment pour toute la société, mais aussi pour les Chambres fédérales: sessions interrompues et annulées, séances délocalisées à BernExpo, Palais fédéral barricadé sous la menace des opposants aux mesures sanitaires. Le travail des élus et élues s’en est trouvé considérablement chamboulé.
Parlement parfois au second plan
La pandémie a aussi eu un impact sur les rapports de force entre le Parlement et le Conseil fédéral. Au plus fort de la crise, comme la loi le prévoyait, c’est le gouvernement qui a géré la situation. Il a dû prendre unilatéralement des décisions à coups d’ordonnances urgentes, reléguant ainsi le Parlement en une chambre d’enregistrement. Ce qui n'a pas forcément plu sous la Coupole.
Cette situation s’est par la suite en partie répétée, notamment lors de la débâcle de Credit Suisse. Mais l’Assemblée fédérale n’a pas chômé pour autant.
"L’institution a bien fonctionné"
La succession des crises a forcé les élues et les élus à multiplier les séances de commissions. Car les enjeux étaient centraux, explique le PLR Jacques Bourgeois, qui achève sa quatrième et dernière législature au Parlement.
"On a eu un certain lot de gros gros dossiers à traiter en urgence, pour la plupart. Et je crois que l’institution a bien fonctionné, pour éviter qu’il y ait un écueil à quelque part".
Des dossiers parfois mis sous toit en un temps record, comme l’offensive solaire, au moment où le spectre d’une pénurie d’électricité était le plus fort.
Multiplication des crédits extraordinaires
Autre impact de ces crises à répétition: les dépenses. De nombreux crédits extraordinaires ont été débloqués en urgence, évidemment durant la pandémie, mais aussi pour accueillir les réfugiés ukrainiens, éviter un black-out électrique ou sauver le Credit Suisse. Plusieurs dizaines de milliards de francs ont été déboursés.
Enfin, les crises ont mis à l’agenda des thèmes peu ou pas présents en 2019: énergie, neutralité, réfugiés, régulation bancaire. Ces thèmes sont depuis abondamment débattus aux Chambres fédérales et auront certainement un impact le 22 octobre prochain.
Assemblée plus jeune, féminine et écologiste
Les élections de 2019, quant à elles, avaient marqué un tournant, avec un Parlement plus féminin, plus écologiste, plus jeune aussi. Quatre ans plus tard, difficile de mesurer de grands effets de cette recomposition politique. Du moins sur le fonctionnement des Chambres fédérales, selon les parlementaires interrogés par La Matinale de la RTS.
Mais sur les dossiers politiques, les avis divergent. A gauche, on observe un réel effet sur certains sujets sociétaux, même s'il reste limité, selon la socialiste Ada Marra, elle aussi sur le départ, après 16 ans sous la Coupole.
"Il y a des timides avancées sur l'égalité homme-femme, sur l'égalité de genre, mais sur le cœur de nos injustices sociales, aucune ! Ce Parlement, cette majorité, sur les questions des primes maladie, des loyers, elle reste comme avant, malgré l’avancée progressiste en 2019".
Quant aux questions climatiques, la vague verte s’est ressentie au début de la législature, avec un Parlement plus ouvert sur ces questions. Mais tout a basculé le 13 juin 2021. Après une campagne mouvementée, le peuple refuse les initiatives anti-pesticides et surtout la loi CO2. Ce refus de la loi CO2 échaude le centre-droit. Depuis, le Parlement freine sur ces dossiers.
Des sujets qui traînent
D’autres enjeux, comme les coûts de la santé ou le pouvoir d’achat, traînent aussi, faute de majorité à Berne. La raison: des divergences importantes entre les deux Chambres fédérales. Plusieurs compromis négociés et adoptés au National par la gauche et le Centre ont en effet été refusés aux Etats.
Pourtant ces partis forment aussi une majorité dans cette chambre. Mais les élus du Centre y sont plus conservateurs et n'ont pas toujours suivi la ligne du parti. Au point que certains à Berne parlent désormais du Conseil des Etats comme d'une "chambre de blocage". A cela s'ajoutent les objets adoptés par le Parlement, mais refusés par le peuple, au nombre de quatre depuis le début de la législature.
Sujet radio: Valentin Emery
Adaptation web: Julien Furrer