André Borschberg: "D'ici 2050, on arrivera peut-être à être neutre en carbone dans l'aviation"
L'enteprise H55 a réussi récemment à lever 45 millions de dollars de fonds, une belle réussite dans un climat économique tendu. La recherche de financement est d'ailleurs une constante, presque un travail à part entière.
"On est trop content mais il faut se rendre compte que ce genre de sociétés dépensent beaucoup et qu'on a besoin de beaucoup de temps pour arriver à un produit qui soit finalement commercialisé et qui permette de générer des revenus", explique André Borschberg.
"La Suisse est très bien positionnée sur l'énergie"
Spécialisée dans la fabrication de batteries, l'entreprise H55 a décidé d'établir son siège social en Suisse, dans le canton du Valais. Pour son créateur, c'était une évidence.
"Il s'agit d'abord de notre héritage, puisque H55 est vraiment le dérivé des technologies que nous avons développées avec Bertrand Piccard dans le projet Solar Impulse. Mais c'est surtout un projet autour de l'énergie et la Suisse est très bien positionnée dans ce domaine: en termes de connaissances, de technologies, d'activités universitaires. On a donc un tissu économique très approprié", analyse-t-il.
Pour l'instant, la technologie de H55 est utilisée uniquement sur des avions d'entraînement qui font des vols d'une heure, ce qui correspond bien à l'autonomie des batteries. "Le but est d'avoir d'ici l'année prochaine jusqu'à 2030 des centaines d'avions électriques qui utilisent cette technologie, de telle sorte qu'on puisse en démontrer la fiabilité pour des avions de plus grande capacité, des avions de transport", précise André Borschberg.
"Rien n'est impossible"
Questionné pour savoir s'il sera vraiment possible un jour d'effectuer des vols longs courriers 100% électriques, le patron de H55 juge que "rien n'est impossible" mais admet que cela prendra quoi qu'il arrive beaucoup de temps et demandera peut être d'autres technologies.
"C'est pour ça qu'il faut commencer avec la petite aviation. Chez H55, on travaille sur des projets pour des avions de deux à cinquante places, nous sommes donc déjà dans l'aviation de transport de catégorie moyenne (...). Pour les avions de très grande capacité, je pense qu'on utilisera d'autres technologies", avance-t-il.
L'une des pistes évoquées est souvent l'hydrogène, mais pour André Borschberg il est encore trop tôt pour savoir laquelle sera la bonne: "Est-ce qu'on arrivera à être neutre en carbone d'ici 2050 dans l'aviation? Peut-être, mais seulement si on commence aujourd'hui", estime-t-il.
Et de rappeler l'importance capitale d'être soutenu, également par le monde politique. "C'est ça qui nous ouvrira la porte pour la suite de notre développement".
Le défi de la sécurité
Au-delà de la puissance et de l'autonome des batteries, l'un des gros chantiers reste la fiabilité et la sécurité des technologies. A l'heure où plusieurs incidents ont été répertoriés avec de petites batteries en lithium de passagers, ces dernières prenant feu par exemple au cours d'un vol, quid des risques sur d'énormes batteries en lithium censées faire fonctionner un avion?
André Borschberg le concède d'ailleurs volontiers, dans l'aéronautique, le droit à l'erreur n'existe pas, sous peine de conséquences qui peuvent très vite s'avérer fatales. "Aujourd'hui, le défi de l'aviation, c'est la certification. C'est démontrer que les technologies sont 100% sûres. C'est-à-dire, montrer qu'aucune panne ne crée une situation catastrophique. Et c'est difficile pour des autorités qui ne savent pas encore exactement ce qu'elles doivent exiger des fabricants, car elles ne connaissent pas encore bien le domaine, qui est très vaste", analyse-t-il.
Mais si les défis sont réels et encore nombreux, André Borschberg a appris à avoir une certaine confiance dans ces technologies. Une confiance sur leur qualité et sur leur potentiel qui s'est forgée au cours des 13 années passées avec Solar Impulse.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Tristan Hertig