"L'avis d'ici": les Suisses et les Suissesses face à leur identité nationale
Tous les quatre ans, dans le cadre des élections fédérales, les partis rivalisent d'idées et de slogans. Mais sont-ils à la hauteur des préoccupations des Suissesses et des Suisses? Dans "L'avis d'ici", 18 personnes issues de différentes régions de Suisse romande partagent leurs inquiétudes et leurs préoccupations dans les différents rendez-vous d'actualité de RTS La Première.
Cette semaine, les témoins partagent leurs préoccupations sur la thématique de l'identité, en se demandant ce que signifie être suisse et en évoquant le rapport du pays avec le reste du monde.
Débat à Forum
La Suisse dans le monde
Le 6e grand débat en vue des élections fédérales était organisé jeudi à Sierre (VS) sur le thème de la Suisse dans le monde. .
Dans le cadre de l'opération "L'avis d'ici", l'émission Forum a soumis les trois témoignages de la semaine - à découvrir ci-dessous - à six candidates et candidats au Conseil des Etats ou au Conseil national, toutes et tous sortants: Isabelle Chassot (Le Centre/FR), Jean-Luc Addor (UDC/VS), Carlo Sommaruga (PS/GE), Damien Cottier (PLR/NE), Nicolas Walder (Vert-e-s/GE), Céline Weber (Vert'libéraux/VD)
Se sentir Suisse?
Une identité pas simple à définir
L'identité suisse n'est pas simple à définir dans un Etat fédéral, constatent les trois nouveaux témoins de "L'avis d'ici".
Vincent Schicker, jeune Valaisan de 27 ans, a longtemps vécu en France et étudie désormais à l’Université de Fribourg. Son ressenti, c'est qu'"on est Fribourgeois avant d’être Valaisan, Valaisan avant d’être Vaudois. Je pense qu'un des traits qui définit cette identité suisse, c’est cette appartenance cantonale".
Pour Patrick Rochat, agriculteur de 43 ans dans le Jura bernois, il faut entretenir ce système qui porte ses fruits: "Les régions arrivent à se défendre elles-mêmes, ce qui ne se passe pas en France parce que tout le gouvernement est centralisé à Paris. En Suisse, les cantons ont du poids. Je pense que c’est ça qui fait la force de la Suisse".
Celui qui a aussi été conducteur de locomotive pour les CFF et les BLS se réjouit aussi des outils de la démocratie directe: "ça c’est vraiment être Suisse. Le fait qu’un groupe de personnes puisse se soulever contre des décisions politiques, c’est fondamental. Pour ça on est un modèle."
Fitore Pula, Suissesse originaire du Kosovo, a 49 ans. Elle vit à Genève et est arrivée en Suisse en tant que réfugiée à l'âge de 18 ans. Elle travaille comme déléguée au CICR. "Il a fallu 35 ans pour que je vote pour la première fois de ma vie. Pour moi, d’avoir un passeport, ce sésame qui permet d’être citoyen à part entière, c’était très important", explique-t-elle.
"Je suis arrivée dans les années 90, tout de suite j’ai eu droit à l’école, à l’Uni, à l’éducation. Et aujourd'hui j'essaie à mon tour de rendre la bienveillance que j’ai reçue", ajoute Fitore.
Bien-être animal
Une agriculture suisse plus respectueuse des animaux?
Les enjeux liés au bien-être animal et aux conditions d'élevage sont de plus en plus thématisés et touchent aussi les éleveurs comme Patrick Rochat, qui gère avec son épouse un troupeau de vaches Angus au-dessus de Vauffelin, dans le Jura bernois.
Pour préserver au maximum les bêtes du stress de la mise à mort, elles sont abattues dans leurs remorques à l'abattoir et l'éleveur tient à être présent à leurs côtés. Une pratique qui reste peu courante, même si les alternatives à l'abattage industriel se développent. "J'ai une amie qui est en train de mettre en place l'abattage à la ferme, et nous peut-être qu'on s'y mettrait aussi", note-t-il.
Loin de la grande industrie, son exploitation comprend peu de bêtes, ce qui permet au couple de travailler en accord avec leurs valeurs. "Finalement, ça ne nous coûte qu'un peu de temps", souligne-t-il.
"On a une clientèle très réaliste, qui nous pose aussi des questions", complète sa compagne. "Il y a beaucoup de clients qui apprécient ce côté-là, de manger de la viande heureuse, qui n'a pas été stressée de la naissance à la fin. Et si nous, on a bien fait notre travail, c'est le cas."
Neutralité
La "Suissitude" au travers de l'engagement humanitaire
Arrivée en Suisse en 1992 à l'âge de 18 ans en tant que réfugiée du Kosovo, la Genevoise Fitore Pula travaille comme déléguée au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) depuis près de 20 ans. Actuellement, elle fait le lien entre les familles et les prisonniers de guerre du conflit russo-ukrainien.
Pour elle, l'action humanitaire est une manière de vivre son identité suisse. "Le premier contact que j'ai eu avec une institution humanitaire, c'était avec le CICR. En 1999, j'avais trois de mes cousins qui étaient emprisonnés (...) Depuis ce temps, la Suisse représente cette organisation neutre, indépendante, qui permet de réunir les familles et de donner de l'espoir (...)", raconte-t-elle.
"Ce n'est pas juste un métier, c'est un dévouement, c'est le travail d'une vie. Par le fait de cet exil, d'être venue en Suisse en conséquence de la guerre et d'avoir eu l'accueil que j'ai eu, je me suis sentie redevable", poursuit-elle.
Multilinguisme
Un atout de promotion qui peut parfois inquiéter
Le multilinguisme est souvent vanté comme une richesse de la Suisse, et une compétence importante dans le monde professionnel. Pour les écoles supérieures, proposer des filières bilingues est ainsi un argument de poids pour attirer des étudiantes et les étudiants.
Mais la difficulté de devoir jongler entre deux langues tout en accomplissant un cursus universitaire peut également constituer un frein à l'inscription. C'est ce qu'a découvert Vincent Schicker dans son activité d'assistant à la promotion des études de l'Université de Fribourg, qui propose notamment une filière bilingue en droit, une offre unique en Suisse.
Culture
Le folklore comme danse identitaire
Les jeunes sont plus nombreux qu'on ne le pense à pratiquer la danse folklorique, bien que ce ne soit pas toujours facile pour eux d'en parler.
A chacun sa motivation. Pour Vincent Schicker, c'est une histoire de tradition. "Ça tient chez moi d'un intérêt historique. J'ai fait des études d'histoire et je m'intéresse aux danses traditionnelles et folkloriques. Il y a vraiment eu ce souci culturel chez moi. Pour ma part, ce n'est pas lié à une question identitaire", indique-t-il dans La Matinale de mercredi.
Pour d'autres jeunes danseurs de son entourage, la danse folklorique n'est pas synonyme de moquerie. "Les gens sont admiratifs et même curieux!" Ce type de danse est aussi une manière "de préserver les identités des régions et des pays". En tout cas, ce qui compte c'est de bien présenter ce que c'est et pourquoi on le fait.
"C'est la manière dont on présente cette danse qui détermine ce que les gens vont penser. Je parle très vite des voyages et de promouvoir l'identité de la Suisse. Ça permet d'enlever le préjugé que c'est pour les vieux ou autre", témoigne un autre danseur du groupe de Vincent Schicker.
Le lien avec la nature et les gens
La vente directe comme revenu important
Pour les paysans de montagne, la vente directe est très importante car elle leur permet d'avoir suffisamment de liquidités pendant une semaine sans aller à la banque. Mais c'est aussi un moyen d'aller à la rencontre du client.
Patrick Rochat et son épouse exploitent les 47 hectares d’une bergerie au-dessus de Vauffelin dans le Jura bernois. Ils vendent leurs produits au marché de Bienne. "La vente directe représente une part importante du revenu", déclare-t-il dans La Matinale de mardi.
"Mais c'est beaucoup de travail car il faut maintenir les clients", admet-il.
Pour lui, la vente directe permet de partager une image: "les clients viennent régulièrement pour acheter nos produits". "Une part d'habitués viennent par tous les temps. Donc si on manque un marché, ils nous le reprochent la semaine d'après", développe-t-il.
Cette vente directe lui permet aussi autre chose: être Suisse. "C'est un symbole. Etre Suisse c'est avoir des belles montagnes vertes et entretenir nos pâturages. On est grassement aidé", reconnaît-il. "C'est le climat et le sol qui donnent les produits qu'on a!"
Le lien avec la patrie d'origine
Le regard des Kosovars vivant en Suisse sur l'actualité
Les tensions demeurent vives à la frontière nord du Kosovo. Le gouvernement kosovar a formulé dimanche une demande à la Serbie, l'invitant à retirer ses troupes de cette région, une semaine après qu'un commando serbe eut perpétré une attaque meurtrière dans un village.
Comment les Kosovars vivant en Suisse perçoivent-ils ces tensions? Elles ravivent des souvenirs douloureux pour Fitore Pula. Cette Genevoise a fui le Kosovo en 1992, alors qu'elle avait 18 ans, pour trouver refuge en Suisse avec sa famille.
Bien qu'elle soit naturellement optimiste, cette recrudescence des tensions l'inquiète profondément. Elle partage ses inquiétudes avec sa famille restée au Kosovo.
La guerre a profondément marqué le destin familial de Fitore Pula, mais elle a également eu un impact sur sa carrière professionnelle. Elle travaille depuis vingt ans en tant que déléguée au Comité international de la Croix-Rouge.
Le CICR lui permet de collaborer avec des collègues et des amis originaires de tous les pays de l'ex-Yougoslavie. Ils partagent tous un idéal commun: l'espoir de la paix pour les générations futures dans les Balkans.