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Aumônière, avocat, enseignante, conseils d'administrations: quelle vie après l'arène politique?

La Grande Edition: la vie après la politique. [RTS]
La Grande Edition : la vie après la politique / Mise au point / 52 min. / le 8 octobre 2023
À l'approche des élections fédérales, une quarantaine d'élues et élus ne briguent pas de nouveau mandat et s'apprêtent donc à quitter le Parlement. Alors qu'il existe autant de manières de tourner la page que de parcours de vie, l'émission Mise au Point s'est penchée sur ce retour à la "vie civile" à travers six anciens et futurs retraités ou retraitées de la politique fédérale.

Au total, 29 membres du Conseil national ne briguent pas de nouveau mandat, tandis que huit sénateurs ou sénatrices quitteront dans tous les cas le Conseil des Etats. Pour la plupart de ces 37 personnalités politiques (dont une dizaine romandes), cette étape marquera la fin de leur carrière à l'échelon national, entre appréhension, satisfaction et nostalgie.

Membres de la "génération 2007", la conseillère nationale Ada Marra, son collègue Christian Lüscher et la conseillère aux Etats Adèle Thorens ont ainsi participé en septembre à leur dernière session parlementaire, après 16 ans passés sous la Coupole.

Ada Marra - Continuer la lutte aux côtés de l'Eglise

Ada Marra (PS/VD) est politicienne professionnelle depuis de longues années. Pour elle, cette fin de députation représente donc un bouleversement total. Durant ses 16 ans au National, elle aura mené de nombreux combats, au Parlement et devant les médias, sur ses thèmes de prédilections: l'immigration, l'intégration et la défense des plus précaires. Sa plus grande victoire reste indéniablement l'acceptation par le peuple en 2017 de la naturalisation facilitée pour les étrangers de troisième génération.

C'est sur ces mêmes thèmes que se jouera la prochaine étape de sa carrière. Durant la pandémie, elle a créé une association qui entend lutter contre les expulsions de locataires précaires en négociant des solutions de paiement avec leurs bailleurs. Et côté professionnel, elle sera dès novembre engagée par l'Eglise catholique vaudoise en tant qu'aumônière - accompagnante spirituelle - dans les hôpitaux. "Ça ne sera pas de la politique, ça sera de l'humain!"

Christian Lüscher - L'avocat qui doit apprendre à disparaître

Christian Lüscher (PLR/GE), de son côté, n'a jamais lâché son activité professionnelle durant sa carrière à Berne, malgré un succès politique indéniable. À peine deux ans après sa première élection, il était déjà candidat au Conseil fédéral et réalisait un score honorable face à Didier Burkhalter. Le Genevois a aussi volontiers joué la carte de sa vie privée - et même celle du théâtre - pour faire parler de lui.

Une exposition médiatique dont il aura, de son propre aveu, du mal à se départir. Il compte toutefois suivre du mieux possible le conseil de son meilleur ami au sein du PLR, l'ex-conseiller national Hugues Hiltpold: servir et disparaître. "Dès l'instant où il a cessé de servir, il a décidé de disparaître politiquement. (...) Je dois dire qu'avec mon égo surdimensionné, ça va être un peu plus compliqué. Je vais devoir apprendre à disparaître", admet-il.

À l'heure du bilan, au-delà des désaccords idéologiques, "j'espère juste qu'on me reconnaîtra l'amour d'être à Berne et l'énergie que j'ai pu y apporter", confie-t-il encore.

Adèle Thorens - La transition écologique auprès des entreprises

Figure il y a 16 ans d'une "première vague verte" au Conseil national, la Vaudoise Adèle Thorens a incarné, au fil des années, une aile plutôt centriste de son parti. Spécialiste de l'économie circulaire, elle accède en 2019 au prestigieux Conseil des Etats pour un dernier tour de piste.

Élue récemment à la tête du conseil d'administration d'une entreprise qui garantit le respect des exigences du label bio dans les exploitations agricoles, l'écologiste compte désormais sur le secteur privé pour poursuivre sa carrière. Très sollicitée, elle compte multiplier ce type de mandats dans des sociétés triées sur le volet. Son activité principale sera toutefois l'enseignement: à la rentrée 2023, la future ex-sénatrice a été nommée professeure associée en politiques territoriales et éthique à la HEIG d'Yverdon, où elle formera de futurs économistes et ingénieurs aux questions de durabilité.

Une nouvelle vie aux contours déjà bien fixés donc, avec toutefois une crainte: "L'intensité de l'engagement politique, c'est difficile à vivre mais c'est aussi quelque chose qui est probablement addictif. Et quand on fait de la politique, on sait pourquoi on se lève tous les matins. J'espère que ce sens, je vais pouvoir le maintenir dans ma nouvelle vie."

Isabelle Chevalley - Renouer avec le terrain... et l'Afrique

Et puis, il y a celles et ceux qui ont déjà franchi le pas et sont passés à autre chose. Pour Isabelle Chevalley (PVL/VD), la sortie de piste s'est faite à mi-mandat en 2021, après vingt ans de politique active, de l'Assemblée constituante vaudoise au Conseil national. "En politique, il faut deux qualités: la persévérance et la patience. Et j'avais perdu la patience", explique-t-elle. "Après, on devient cynique et aigrie. Et ça, ce n'est pas moi! Donc je me suis dit qu'il fallait que je me rende utile autrement."

Désormais active entre la Suisse et l'Afrique, aux côtés de son mari burkinabè, celle qui se dit "Africaine de coeur" travaille désormais à des initiatives de terrain. Elle envoie du matériel scolaire dans des écoles du Burkina Faso, et elle a monté plusieurs projets de recyclage de déchets au Sénégal en collaboration avec un entrepreneur local. Elle a également développé un partenariat avec l'entreprise Sococim, la plus grande cimenterie d'Afrique de l'Ouest, pour alimenter ses fours en pneus usés récupérés au sommet des décharges de Dakar.

Doris Leuthard - Réapprendre à organiser sa vie soi-même

Si la fin de carrière est marquante lorsqu'on est parlementaire, elle l'est d'autant plus lorsque l'on est ministre: Doris Leuthard a quitté la politique en 2018 après douze ans passés au Conseil fédéral. Très populaire dans les sondages, sympathique et combative, elle s'est rapidement imposée comme l'une des stars du gouvernement. Elle affiche d'ailleurs un bilan spectaculaire en votations populaires: 16 victoires pour seulement deux défaites.

Doris Leuthard a dû réapprendre à conduire par elle-même. [RTS]
Doris Leuthard a dû réapprendre à conduire par elle-même. [RTS]

Cinq ans plus tard, l'ancienne ministre PDC a apprivoisé son nouveau rythme. À 60 ans, elle a su rebondir dans le privé et, comme souvent chez les ex-élus, ce sont des mandats dans des conseils d'administration qui agrémentent sa retraite. Elle est vice-présidente de ceux de Coop et sa filiale Bell, et membre de celui de Stadler Rail. Mais le retour à la vie civile ne s'est pas fait sans encombres pour autant. "Il faut s'habituer à s'organiser. Avant, c'était naturellement mon équipe qui s'occupait de mon organisation. C'est un changement qui est parfois un peu sous-estimé", confie-elle. "Et il n'y a pas de transition: vous travaillez à 150% et, d'un jour à l'autre, c'est le vide."

Il a par exemple fallu réapprendre à conduire par soi-même. "Pendant 13 ans, j'avais toujours un chauffeur, car on utilisait les temps de trajet pour lire des documents ou faire des téléphones. Alors maintenant, je suis ma cheffe, je conduis. Et au début, c'était aussi quelque chose à réapprendre."

Jean-François Rime - Une retraite "forcée" mais sereine

Jean-François Rime (UDC/FR), quant à lui, n'a pas choisi le moment de son départ. En 2019, il est éjecté de manière surprenante du Conseil national, non-réélu alors qu'il était un véritable poids lourd du Parlement. Président de l'USAM, candidat à deux reprises au Conseil fédéral et parlementaire influent jusqu'à Zurich, il concède avoir péché par excès de confiance durant la campagne.

Retraité de la politique mais aussi de son emblématique scierie de Bulle, qu'il a remise à son fils mais dans laquelle il se rend encore presque chaque matin, il consacre désormais ses journées à ses loisirs, en particulier la chasse. "J'ai un projet de voyage en Namibie", confie-t-il. "Je tirerai probablement une ou deux antilopes mais je ne suis pas du tout à la recherche de trophées. C'est plutôt pour faire un voyage et voir quelque chose de nouveau avec des amis."

Reportage: François Roulet

Texte web: Pierrik Jordan

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