Peu connu en Suisse romande, Junge Tat, un groupuscule qui se décrit comme un mouvement identitaire et patriotique, fait particulièrement parler de lui depuis quelques semaines outre-Sarine. Le groupe, qui est composé d'une vingtaine de membres actifs, se serait vu octroyer quelques mandats pour la campagne électorale de certains membres de l'Union démocratique du centre (UDC).
Début octobre, Maria Wegelin, présidente de l'UDC Winterthour (ZH) et candidate au Conseil national, a choisi de temporairement renoncer à ses fonctions dans le parti suite à un article du SonntagsBlick qui avait révélé que la politicienne zurichoise avait donné mandat à deux activistes de Junge Tat de la soutenir dans sa campagne électorale sur les réseaux sociaux.
Le même journal alémanique avait aussi récemment dévoilé que le chef de Junge Tat était membre des Jeunes UDC du canton de Thurgovie. La section incriminée n'a pour l'instant pas donné de position claire sur la question, mais elle dit envisager l'expulsion de ce militant.
Un groupe sous surveillance
Le groupuscule, qui demande la "remigration", soit le retour forcé ou non de personnes immigrées dans leur pays d'origine, a également fait parler de lui au Tessin après avoir déroulé le week-end dernier une banderole avec le slogan "Migrants go home" contre la tour du château de Bellinzone.
Selon plusieurs chercheurs, Junge Tat prône aussi des idées néonazies. Le groupe est sous surveillance de la police fédérale (Fedpol) et plusieurs procédures sont en cours contre ses membres.
Contacté par la RTS, Junge Tat dit se considérer comme un groupe neutre et indépendant de tout parti, même si le mouvement admet que sa vision du monde se recoupe largement avec le premier parti de Suisse. Sur les réseaux sociaux, ses membres repartagent même largement les publications de l'UDC, au point que le groupe n'exclut pas d'éventuelles collaborations avec le parti "si nécessaires et possibles".
>> Lire : Junge Tat, symbole d'une extrême droite de plus en plus décomplexée
Position floue de l'UDC
La position de l'UDC vis-à-vis du groupuscule reste floue et n'a quant à elle jamais été tranchée officiellement par le parti, qui ne soutient pas Junge Tat...ni ne les condamne. Exemple en octobre 2022, lorsque Junge Tat s'est fait connaître après avoir perturbé un événement de lecture pour enfants animé par des drag queens à Zurich. Tous les partis de la Ville avaient co-signé une lettre pour condamner cette action, sauf l'UDC.
Pour le professeur Oscar Mazzoleni, politologue spécialiste de l'UDC à l'Université de Lausanne, le parti de Marco Chiesa doit clarifier sa position, au risque de perdre de la crédibilité auprès de son électorat plus modéré.
Interrogé dans Forum, le conseiller national bernois Manfred Bühler s'offusque de devoir prendre position. "Je suis étonné qu'on essaie de nous forcer la main pour nous obliger à nous ériger en juges moraux, comme le font tous les autres", estime-t-il.
L'UDC se retrouve donc prise entre deux feux, elle qui ne s'est jamais positionnée comme un parti d'extrême droite, mais qui joue un rôle de catalyseur pour des personnes aux idées plus radicales.
"La présence d'un parti comme l'UDC, qui défend les valeurs de la Suisse, fait qu'il n'y a pas de parti politique d'extrême droite dans notre pays. S'il y a une vingtaine d'individus isolés, c'est négligeable en termes d'importance numérique, et cela montre que l'UDC est un parti qui fait en sorte que l'extrême droite n'a pas à exister en Suisse", explique encore Manfred Bühler sur la RTS.
Sujet radio: Gabriela Cabré
Adaptation web: Jérémie Favre
Et en Suisse romande?
Des personnes proches des milieux néonazis ont cherché par le passé à rejoindre des sections de l'UDC en Suisse romande, notamment en Valais et à Neuchâtel.
Ces deux sections cherchent désormais à se distancier de ces milieux d'extrême droite. Elles ont mis en place des procédures de vérification des nouveaux adhérents, qui passent par exemple par une veille des réseaux sociaux.
L'UDC épinglée par la Commission fédérale contre le racisme
A deux semaines des élections fédérales, l'UDC a été épinglée par la Commission fédérale contre le racisme. Dans son viseur: des visuels publiés sur les réseaux sociaux qu'elle qualifie de racistes et xénophobes.
Intitulée "Nouvelle normalité?", la campagne est faite de photos-chocs et relate des faits divers réels, avec des populations étrangères stigmatisées.
La Commission fédérale s'en inquiète dans un courrier et a demandé à l'UDC d'arrêter de diffuser ces messages. "Les sujets des campagnes ne sont pas seulement racistes et xénophobes, mais ils sont incendiaires et attisent délibérément des émotions négatives", écrit-elle.
Interrogé dans le 19h30, le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS) s'insurge: "Nous sommes contre la censure. Nous allons continuer à dire la vérité aux Suissesses et aux Suisses."
Et Manfred Bühler d'abonder dans Forum: "Nous n'avons absolument pas un programme qui soit xénophobe."