Dans un arrêt dont la publication était initialement prévue lundi prochain, le Tribunal fédéral admet partiellement la demande de révision déposée par l'ancien chef de la Police nationale du Guatemala. Ce dernier s'appuyait sur la décision rendue le 13 juin dernier par la Cour européenne des droits de l'Homme. La CEDH avait estimé que la présidente de la Cour de justice genevoise avait donné une apparence de partialité avant le procès d'avril 2018. La cause est renvoyée à la justice genevoise afin qu'elle reprenne l'instruction au stade où se trouvait la procédure début octobre 2017.
Peu après la décision du Tribunal fédéral, le Service d'application des peines et des mesures genevois (SAPEM) a ordonné la libération d'Erwin Sperisen, qui était détenu à Witzwil (BE). Il est sorti de prison vendredi après-midi.
Jugement "pas impartial" selon la CEDH
Dans ses considérants, le TF a rejeté les critiques du Ministère public à l'endroit de la décision de la CEDH. Le Parquet estimait en effet qu'aucune suite ne devait y être donnée car les juges de Strasbourg se seraient basés sur un état des faits erroné.
De son côté, le Tribunal fédéral rappelle que cette décision est définitive. "En adhérant à la Convention européenne des droits de l'homme, la Suisse s'est engagée à exécuter de telles décisions." Il n'appartient donc pas aux juges de Mon Repos de discuter les motifs ou les conclusions de leurs pairs européens.
Dans sa décision du 13 juin 2023, Strasbourg estimait qu'Erwin Sperisen avait subi une violation de son droit à être jugé par un tribunal impartial. La CEDH se fondait sur des propos de la présidente de la Cour de justice concernant une demande de libération en 2017. Celle-ci avait déclaré que les charges pesant sur l'accusé étaient suffisantes et rendaient vraisemblable la perspective d'une condamnation.
Le Tribunal fédéral fait sienne la conclusion de la CEDH selon laquelle cette violation remet en cause la condamnation du recourant pour complicité d'assassinat. Si la récusation de la présidente de la Cour de justice genevoise avait été admise avant le procès, le tribunal aurait été amené à siéger dans une autre composition. Et il n'est pas exclu qu'il aurait rendu un jugement différent.
Acquittement rejeté
Outre sa libération immédiate, Erwin Sperisen demandait que l'arrêt du Tribunal fédéral confirmant sa condamnation soit annulé et qu'il soit au contraire acquitté de toutes les accusations retenues contre lui. La 1ère Cour de droit pénal rejette cette requête.
La durée de la procédure - plus de 11 ans à ce jour - s'explique par "l'extrême gravité des faits" et les difficultés liées au caractère international de la cause. Il n'y a donc pas de violation du principe de célérité qui, dans des circonstances exceptionnelles, permettrait de prononcer un acquittement, conclut la haute cour.
Dans leur décision de renvoi, les juges fédéraux rappellent que le prévenu doit être replacé dans la situation qui était la sienne au moment des observations litigieuses de la présidente genevoise. La Cour d'appel devra donc décider à nouveau des demandes des parties déposées après cette date.
En outre, le Tribunal fédéral rappelle qu'après l'annulation d'une condamnation à la suite d'une révision, le principe de l'interdiction de la "reformatio in pejus" s'applique. Autrement dit, la sanction ne peut pas être aggravée.
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ats/ther/vic
Le Parquet genevois prend acte
Le Ministère public genevois a déclaré prendre acte, vendredi, de l'arrêt du Tribunal fédéral qui considère que l'ancien chef de la police nationale du Guatemala Erwin Sperisen doit être rejugé par la Chambre pénal d'appel et de révision. Le double national suisse et guatémaltèque avait été condamné à 15 ans de prison pour complicité d'assassinat.
Le Parquet genevois rappelle toutefois, dans un communiqué laconique, que l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme en juin dernier et celui rendu par le Tribunal fédéral vendredi "portent exclusivement sur la question de l'apparence de partialité d'une juge et nullement sur les motifs ayant conduit à la condamnation d'Erwin Sperisen".