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Les partis écologistes en Europe se heurtent-ils à un "plafond de verre"?

Des affiches des verts vaudois pour les élections fédérales de 2019. [Keystone - Jean-Christophe Bott]
Les partis écologistes se heurtent-ils à un plafond de verre? / La Matinale / 4 min. / le 25 octobre 2023
Après la déconfiture des Verts et des Vert'libéraux aux élections fédérales - ils ont perdu 11 sièges sous la Coupole fédérale - la question de savoir si les partis écologistes font face à un plafond de verre se pose. Plusieurs spécialistes accréditent cette thèse au niveau européen.

Des chercheurs ont en effet montré que dans une partie de l'Europe, les partis verts "se sont assez vite imposés comme des acteurs politiques qui comptent" mais que, effectivement, ces partis ne dépassent que rarement un plafond de verre électoral de 10%.

Pour Simon Persico, professeur de sciences politiques à Sciences-Po Grenoble et au laboratoire Pacte, interviewé dans La Matinale de la RTS, il y a un signe clair qui indique que ce seuil est encore infranchissable.

"Pas d'écologiste chef de l'exécutif d'un gouvernement"

"Ce qui est sûr, c'est que pour l'instant, il n'y a pas d'écologiste qui a réussi à devenir chef de l'exécutif d'un gouvernement national. Ils sont entrés dans les parlements, ils sont entrés dans les gouvernements, mais ils ne réussissent pas à devenir chef de l'exécutif. Et ça, c'est clairement l'indication d'une sorte de plafond de verre qu'ils ne réussissent pas à franchir."

Ces dernières années, notamment entre 2018 et 2021, les partis écologistes, en Suisse comme ailleurs en Europe, ont pourtant fait de fortes percées, établissant des records historiques.

Ce succès s'expliquerait notamment par les mobilisations populaires après la signature de l'Accord de Paris, en 2015, et l'essor des grèves pour le climat.

Après la vague verte, le ressac

Mais après la crue, il y a la décrue, une décrue observée ces derniers mois en Finlande, en Suède ou aux Pays-Bas, où les partis anti-écologistes ont gagné du terrain.

Aux Pays-Bas, par exemple, le Mouvement Citoyen Paysan est devenu le premier parti aux élections provinciales du mois de mars. Ce parti est né après des manifestations d’agriculteurs contre la politique environnementale du gouvernement.

"Effectivement, les élections qu'on voit depuis 2022 et 2023 montrent une sorte de reflux par rapport à cette percée de 2018-2020," note Simon Persico.

Thématisation conservatrice et contextes défavorables

"Les partis d'extrême droite politisent des questions liées à l'identité, à l'islam, à l'immigration, des questions qui sont très fortes pour structurer les débats dans les campagnes nationales. Les Verts, sur l'immigration, l'insécurité, l'islam, ils ne font pas des bons scores. Ils font des bons scores quand on parle d'environnement, de réchauffement climatique et de lutte contre les inégalités," analyse le politologue.

>> Lire aussi : Immigration, identité, précarité: quelles angoisses dans les urnes?

Ces dernières années, l'Europe a aussi traversé plusieurs crises: une pandémie, la guerre en Ukraine, l'inflation. Ces crises ont transformé l'ordre des priorités.

Une écologie perçue comme "punitive"

Pauline Plagnat-Cantoreggi, chargée de cours à l’Institut des sciences de l’environnement à l’Université de Genève, estime que la population a pris conscience du réchauffement climatique et de ses conséquences, mais que l'écologie politique peut être perçue comme punitive, ou pas assez concrète, pragmatique.

"C'est très largement reflété par les sondages que l'on peut voir, où [...] on a presque 80% de la population qui pense que le défi climatique est en première place dans les préoccupations. Maintenant, c'est une chose que d'être conscient du problème, et c'en est une autre que de vouloir agir à son niveau individuel, de voir l'ensemble des mesures que ça demande", explique l'enseignante.

"Si ce vote est en baisse, est-ce parce qu'on s'est rendu compte que les efforts demandés étaient trop élevés, ou est-ce parce que, au contraire, on s'est rendu compte que le portage des enjeux écologiques n'était pas seulement l'apanage des Verts, mais également des autres partis politiques?" s'interroge-t-elle. "Il y a une peur que ces programmes environnementaux fassent des plus grandes divisions sociales, ajoute Pauline Plagnat-Cantoreggi. Et puis il y a un pessimisme sur comment est ce qu'on va y arriver", conclut-elle.

+2 à 3 points par décennie

Ainsi, pour une partie de la population, les partis verts en feraient trop. Pour une autre partie - que l'on retrouve parfois sur les autoroutes et les ronds-points - ils n'en feraient pas assez. C'est aussi l'une des explications de ce "plafond de verre" difficile à franchir.

Mais même s'ils sont en recul actuellement, Simon Persico rappelle que les partis verts gagnent environ deux ou trois points par décennie. Une hausse légère, mais qui montre une tendance sur le long terme.

Sujet radio: Pauline Rappaz

Adaptation web: Julien Furrer

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