L'ONU accuse la Suisse d'inaction dans une affaire d'intimidation contre le Fonds Bruno Manser
Le rapporteur spécial de l'ONU a envoyé sa lettre au Conseil fédéral le 8 août dernier, priant le gouvernement suisse de lui répondre jusqu'au 7 octobre. La missive de Michel Forst a été publiée depuis sur le site en ligne de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies.
Le Conseil fédéral répondra bien à cette lettre, a indiqué vendredi un porte-parole de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), confirmant la réception de la missive. Le représentant de l'OFEV n'a donné aucun détail sur le contenu de la réponse à venir du gouvernement, ni sur le moment où elle serait envoyée.
"Faire taire" l'organisation de protection de l'environnement
Dans cette lettre, Michel Forst exprime sa "grande inquiétude" face à plusieurs démarches juridiques du couple d'entrepreneurs malaiso-canadiens Jamilah Taib Murray et Sean Murray et de leur société Sakto Corporation contre le Fonds Bruno Manser.
"De manière évidente", la partie plaignante et ses représentants en Suisse se sert de procédures judiciaires pour "faire taire" l'organisation de protection de l'environnement et son directeur Lukas Straumann, écrit le rapporteur spécial.
Convention de l'ONU à faire respecter
De cette manière, le Fonds Bruno Manser est empêché de faire valoir ses droits basés sur la Convention d'Aarhus. Michel Forst invoque le paragraphe 8 de l'article 3 de cette convention de l'ONU qui règle les droits en matière de protection de l'environnement. Ce dernier exige que les personnes qui exercent leurs droits en adéquation avec la convention ne soient "sanctionnées, persécutées ou harcelées" d'aucune manière.
Le rapporteur spécial de l'ONU se dit "profondément préoccupé" par le fait que la Suisse n'honore pas ses obligations de signataire de la Convention d'Aarhus pour empêcher ces agissements. Il exhorte la Confédération d'engager tous les moyens juridiques possibles pour empêcher des plaintes stratégiques contre des acteurs publics. Il exige aussi qu'elle informe sur les règles éthiques pour les avocats dans ce domaine.
Bras de fer juridique encore en cours
Plusieurs démarches juridiques entreprises contre le Fonds Bruno Manser sont à l'origine de la lettre de Michel Forst au Conseil fédéral. L'une d'entre elles a abouti à une audience de procédure civile, le 16 août dernier, devant la Cour civile de Bâle-Ville.
Le couple d'entrepreneurs Taib-Murray, représenté par le bureau d'avocats bâlois Vischer, avait porté plainte pour violation de la personnalité. Le litige n'est pas encore réglé, les deux parties n'ayant pas trouvé d'accord. Des publications du Fonds Bruno Manser au sujet de Jamilah Taib Murray en sont à l'origine. Cette dernière est la fille d'Abdul Taib Mahmud, chef du gouvernement de l'Etat malaisien de Sarawak durant 33 ans.
C'est dans cet Etat que l'activiste bâlois pour la défense de l'environnement Bruno Manser s'est battu, avec le peuple indigène des Penan, contre la déforestation de la forêt tropicale. Il y a disparu en 2005. Son corps n'a jamais été retrouvé.
ats/edel