Lorsque l'unique parent à la maison est atteint dans sa santé ou son autonomie, de nombreux jeunes prennent en charge une partie de ses responsabilités. Ils apportent un soutien émotionnel et gèrent une partie de l'organisation du quotidien de la famille.
Près d'un enfant sur dix serait concerné en Suisse. Une étude de la Haute école spécialisée Kalaidos a estimé que 8% des enfants âgés de 10 à 15 ans seraient des proches aidants.
L'Office fédéral de la statistique (OFS), quant à lui, calcule, qu'une personne sur trois entre 15 et 24 ans apporte une aide informelle à un proche.
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Prise de conscience
Ces situations ne sont donc pas exceptionnelles, mais de nombreux jeunes proches aidants ne se reconnaissent pas comme tels. "Beaucoup de jeunes ne s'en rendent pas compte", explique Véronique Petoud, déléguée cantonale genevoise aux proches aidants, lundi dans La Matinale de la RTS.
"Pour eux, c'est normal de soulager quelqu'un de sa famille quand il arrive quelque chose, donc cette normalité ne les pousse pas à se reconnaître comme proches aidants", poursuit-elle.
L'un des principaux enjeux consiste donc à aider ces jeunes à se reconnaître comme proches aidants, car ces situations peuvent envahir leur quotidien. La maladie - psychique ou physique - d'un parent empiète parfois sur leur santé mentale ou leur éducation.
Des cas de rupture scolaire peuvent être observés et ces dynamiques familiales peuvent même influencer leurs choix d'orientation professionnelle, indique Véronique Petoud.
Ces situations, parfois vues comme honteuses, peuvent également isoler ces jeunes. "Ils se trouvent très embarrassés d'expliquer ce qu'il se passe chez eux, donc ils rentrent très vite et souvent, ils sont aussi en isolement par rapport à cela", explique la déléguée cantonale aux proches aidants.
Soutenir les familles
Pour Anne de Montmollin, directrice de la Fondation As'trame, qui accompagne les enfants dont un proche est touché par la maladie, soutenir ces jeunes est indispensable, mais ne suffit pas. Il faut aussi soutenir les familles.
"Pour qu'un jeune se retrouve aidant, c'est que la famille est suffisamment fragilisée: le deuxième parent est absent ou le réseau familial est insuffisant", explique-t-elle. Des solutions peuvent être trouvée pour soutenir le parent en difficulté et par la même occasion, l'enfant qui l'aide.
Afin de sensibiliser la population à la réalité des proches aidants, dix cantons proposent des événements et des rencontres lundi, à l'occasion de la journée d'engagement en faveur des personnes proches aidantes.
Elias Baillif/Mathias Délétroz/edel
"Tout le focus est mis sur la personne malade, jamais vraiment le proche aidant"
Les enfants proches aidants sont trop souvent oubliés, selon Florian Sallin. Le président de l’Association enfants aidants s'est lui-même retrouvé dans cette situation, sa mère souffrant d'un trouble schizo-affectif.
"A l'âge de sept ans, j'étais déjà en train de contrôler sa médication, d'appeler ses médecins et parfois, en état de crise, d'appeler l'ambulance dans les cas d'extrême urgence", témoigne-t-il dans La Matinale de la RTS.
Cette situation était difficile à comprendre pour un jeune enfant et Florian Sallin regrette le peu de soutien qu'il a reçu à l'époque. Il s'engage aujourd'hui, par le biais de son association, à aider les jeunes proches aidants. "On va essayer de faire ce qu'on a pas eu", affirme-t-il.
Soutien et conseils
L’Association enfants aidants permet aux jeunes de parler avec des adultes ayant vécu la même situation qu'eux. "Si un enfant voit des témoignages d'un adulte qui a eu un vécu similaire, il osera demander de l'aide et sortir un petit peu de cette solitude et de la honte d'avoir un parent qui n'est pas forcément normal", explique Florian Sallin.
Selon lui, lorsqu'un parent est malade, toute l'attention se porte sur lui et l'enfant est parfois oublié. "Lorsqu'un enfant va visiter son parent à l'hôpital psychiatrique, personne ne lui demande véritablement s'il a besoin d'aide à la fin", regrette-t-il.
Les membres de l’Association enfants aidants jouent donc le rôle de parrains et marraines pour ces jeunes et leur proposent des conseils, des activités, des groupes de soutien ou encore des groupes de parole, qui peuvent aider les enfants à exprimer leurs sentiments.
"C'est parfois très difficile d'exprimer ce qu'on ressent", explique Florian Sallin. "On a beaucoup de culpabilité. On a l'impression de ne jamais être légitime dans ce qu'on a à dire, parce que tout le focus est mis sur la personne malade, mais jamais vraiment sur le proche aidant qui souffre également."