Publié

Le phénomène du "sharenting" est problématique en Suisse aussi

Filmer ses enfants sur les réseaux sociaux n'est pas sans risques. [Depositphotos - VitalikRadko]
Le 'sharenting' ou la surexposition des enfants sur les réseaux sociaux / On en parle / 8 min. / le 2 novembre 2023
Exposer ses enfants sur les réseaux sociaux n’est pas sans risques. Pourtant, ces derniers ont aussi leur droit à l’image. Ce phénomène porte un nom, le "sharenting". Si la France projette de légiférer en la matière, la Suisse mise pour l’instant sur la prévention.

Mettre des photos de son enfant sur les réseaux sociaux en partageant ses premiers pas, son premier pipi sur le pot ou son bain est tentant. Cela pose pourtant un problème, celui du droit à l'image. Ce phénomène porte un nom: le "sharenting", combinaison des mots anglais "share" (partager) et "renting", deuxième partie du mot "parenting" (être parent).

Si l'enfant aussi a droit à la protection de son image, ce dernier n'est pas toujours en âge de donner son consentement. Il ou elle se retrouve à son insu sur les réseaux sociaux avant même d'être conscient de leur existence. À un point tel qu'en France, le Secrétariat d'Etat chargé de l'Enfance envisage d'intervenir dans certains cas, en retirant aux parents le pouvoir de gérer eux-mêmes l'image et la gestion numérique de leurs enfants.

Des risques de détournement de photos

En Suisse aussi, Pro Juventute se penche sur cette question. Pour Concetta Scarfò, coordinatrice compétences numériques pour Pro Juventute, "les photos publiées sur internet et les réseaux sociaux peuvent être utilisées à des fins pornographiques. C'est quelque chose qui se déroule partout, pas seulement en Suisse. Il faut vraiment que les parents soient prudents lorsqu'ils publient des photos sur Internet. Malheureusement, des personnes mal intentionnées pourraient utiliser ces images", explique-t-elle dans On en parle.

Les montages dégradants réalisés à l'aide de photos existantes et de l'intelligence artificielle sont aussi une menace. "Cela arrive déjà en Suisse. C'est ainsi que fonctionne tout ce qui est lié à la pornographie." Concetta Scarfò recommande aussi de faire preuve de prudence en utilisant les services de messagerie comme WhatsApp, puisque tous les contacts ont accès aux statuts et photos de profil.

Faire preuve de prudence

Sur les réseaux sociaux, des garde-fous sont pourtant disponibles. "Il est par exemple possible d'appliquer des filtres supprimant le visage de l'enfant. Éviter de publier des photos de son fils ou sa fille à la mer par exemple est aussi une solution. Au-delà de ces précautions de base, je recommande le partage auprès de personnes de confiance uniquement", poursuit Concetta Scarfò.

Parfois, le problème ne vient pas des parents, mais du reste de la famille comme les grands-parents, les oncles et les tantes. Comment aborder le sujet? "Il faut les avertir des risques justement. Et puis je pense que ni l'oncle ni la marraine ne souhaitent que leur neveu se retrouve sur des forums pornographiques. Il suffit d'ouvrir ouvertement la conversation sur ce sujet en disant ‘je préfère ne pas prendre de risque pour mon enfant, donc essaye de respecter mes choix s'il te plaît'".

Le problème peut aussi venir des enfants, toujours plus nombreuses et nombreux à posséder des portables avant 10 ans. "C'est tout un apprentissage pour les parents que de les sensibiliser aux risques qu'ils prennent lorsqu'ils partagent des photos entre amis. Je conseillerais aux enfants de choisir les amis à qui ils envoient ces photos et que cela soit fait via un profil et un groupe WhatsApp privés."

Législation en France

Face au phénomène du "sharenting", la France réfléchit à appliquer certaines lois. Est-ce que Pro Juventute souhaite que la Suisse en fasse de même? "Je pense que la Confédération met déjà en avant la prévention, ce qui est un aspect très important. C'est aussi ce que Pro Juventute fait. Il faudrait réfléchir à ce qu'il est possible de mettre en œuvre en matière de loi ou d'ordonnance, parce que cette thématique est privée. Dans tous les cas, il faut suivre les évolutions technologiques pour réguler effectivement ces dangers", conclut Concetta Scarfò.

Sujet radio: Théo Chavaillaz

Adaptation web: Myriam Semaani

Publié