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Le Conseil fédéral veut abaisser la redevance radio-TV à 300 francs

Le Conseil fédéral rejette l’initiative qui veut baisser la redevance radio-télévision à 200 francs et propose un contre-projet à 300 francs
Le Conseil fédéral rejette l’initiative qui veut baisser la redevance radio-télévision à 200 francs et propose un contre-projet à 300 francs / 19h30 / 2 min. / le 8 novembre 2023
Le Conseil fédéral veut abaisser la redevance radio-TV à 300 francs par année d'ici 2029, contre 335 actuellement. Le chiffre d'affaires permettant une exonération pour les entreprises serait revu à la hausse, de 500'000 francs à 1,2 million.

Le Conseil fédéral a mis mercredi en consultation une modification d'ordonnance en ce sens. Dans un communiqué, le gouvernement explique qu'il préfère agir par ce biais plutôt que de proposer un contre-projet direct ou indirect à l'initiative "200 francs, ça suffit!" car il souhaite garder la responsabilité de fixer le montant de la redevance.

Le Conseil fédéral rejette l'initiative. Si elle était acceptée, la quote-part de la redevance de la SSR passerait de 1,25 milliard à 650 millions. Cela aurait des "répercussions importantes sur l'offre journalistique et l'ancrage régional de la SSR".

Renforcer le paysage médiatique

Invité dans La Matinale de la RTS, Gilles Marchand, directeur de la SSR, a accueilli la nouvelle avec "un sentiment très partagé". S'il salue la décision du Conseil fédéral qui, selon lui, "a compris le désastre que cela serait pour la production suisse", il s'inquiète tout de même de l'impact d'une réduction de la redevance.

Le directeur de la SSR regrette que cette annonce intervienne "au moment même où tous les médias suisses, la presse écrite en particulier, traversent une difficulté absolument considérable". "On est en train d'affaiblir de manière générale l'offre médiatique en Suisse et c'est dangereux pour l'ensemble des acteurs concernés", affirme-t-il.

Gilles Marchand estime que le paysage médiatique est devenu extrêmement fragmenté avec le développement des réseaux sociaux, des fake news et la surreprésentation des plateformes internationales et que, dans ce contexte, il faudrait au contraire "renforcer les acteurs qui investissent dans la qualité de l'information, dans la production suisse, etc.".

"Ce n'est pas que nous, bien évidemment", dit-il, "mais plutôt que d'affaiblir une place médiatique en général dans un pays, je pense qu'il est de l'intérêt public d'essayer de la renforcer pour que les uns et les autres puissent s'informer, se documenter, mais aussi se divertir de manière adéquate en Suisse".

>> Ecouter l'interview de Gilles Marchand dans La Matinale :

Gilles Marchand s'exprime sur la proposition de redevance à 300 francs proposée par le Conseil fédéral
Gilles Marchand s'exprime sur la proposition de redevance à 300 francs proposée par le Conseil fédéral / La Matinale / 6 min. / le 9 novembre 2023

Donner un signal aux ménages

Avec son projet, le Conseil fédéral veut donner un signal aux ménages, a précisé le conseiller fédéral en charge de la Communication Albert Rösti. Leur budget destiné aux médias a en effet augmenté avec l'utilisation d'offres de télévision et de streaming payantes.

L'initiative SSR "200 francs, ça suffit!" a été déposée en août. Elle était munie de 126'290 signatures valables. Le texte demande que la redevance Serafe pour la radio et la télévision soit abaissée à 200 francs par an. Elle fait suite à l'initiative "No Billag", qui a été rejetée en mars 2018 par 71,6% des votants.

Le texte a été lancé par l'UDC, l'Union suisse des arts et métiers (usam) et les jeunes PLR. En plus de la baisse de la redevance concernant les appareils des ménages, les initiants demandent la suppression de la redevance des entreprises. La répartition de l'argent de la redevance doit en revanche rester identique pour les chaînes de radio et de télévision privées, selon le texte.

"Renforcer la SSR"

Avant de devenir conseiller fédéral, Albert Rösti faisait partie du comité d'initiative. Le Bernois s'est dit "assez persuadé" que la proposition du Conseil fédéral puisse barrer la route à l'initiative.

Dans le 19h30, Albert Rösti affirme que le Conseil fédéral aurait dû présenter ce projet tôt ou tard. "Le service public est très important pour moi mais le statu quo n'est pas une option. Il n'y a jamais de bon moment pour réformer les structures."

"Le Conseil fédéral présente un projet pour contredire l'initiative à 200 francs et renforcer la SSR", renchérit-il.

Faire payer le service public par l'impôt plutôt que par la redevance n'est pas une meilleure solution, selon Albert Rösti, "car les gens veulent plutôt baisser les impôts", argumente-t-il.

Il ajoute que "les budgets de la Confédération sont très serrés".

>> L'interview d'Albert Rösti dans le 19h30 :

Redevance radio-télévision: Le conseiller fédéral Albert Rösti justifie la proposition d’une baisse à 300 francs
Redevance radio-télévision: Le conseiller fédéral Albert Rösti justifie la proposition d’une baisse à 300 francs / 19h30 / 2 min. / le 8 novembre 2023

Une baisse en 2 étapes

Selon le projet du Conseil fédéral, la redevance doit être abaissée en deux étapes. Elle descendra tout d'abord à 312 francs en 2027 puis à 300 francs en 2029. La modification du seuil d'exonération pour les entreprises est, elle, prévue pour 2027 et touchera quelque 63'000 entreprises supplémentaires.

"80% des entreprises seront ainsi exonérées", a relevé Albert Rösti. Pour les ménages collectifs comme les homes, la taxe passera de 670 francs à 624 en 2027 puis à 600 francs en 2029.

Pour la SSR, cette modification de la redevance représente une baisse de 170 millions de francs, dont 11 millions sont imputables à l'exonération des entreprises. A cela, il faut ajouter des pertes de revenus publicitaires estimées à 20 millions, a indiqué le directeur de l'Office fédéral de la communication Bernard Maissen.

Interrogé sur le nombre de postes de travail qui pourraient être supprimés, Albert Rösti n'a pas pu donner de chiffres précis, mais a parlé de plusieurs centaines. Il espère qu'au vu du délai, cela pourra se faire par des fluctuations naturelles.

Nouvelle concession en 2029

Si le Parlement ne présente pas de contre-projet, l'initiative "200 francs, ça suffit!" devrait être soumise au peuple en 2026, selon le Conseil fédéral. Ce dernier élaborera ensuite la nouvelle concession de la SSR, qui doit entrer en vigueur en 2029. L'année prochaine, il prolongera donc la concession actuelle jusqu'en 2028.

Le Conseil fédéral avait déjà fixé les grandes lignes de la future concession en septembre 2022: la SSR doit axer davantage son mandat sur l'information, la formation et la culture. Dans les domaines du divertissement et du sport, elle doit se concentrer sur les événements qui ne sont pas couverts par les autres diffuseurs. Dans son offre en ligne, elle doit se concentrer davantage sur les contenus audios et vidéos, comme l'exigent les éditeurs.

Consultation jusqu'au 1er février

Le montant de la redevance annuelle a baissé ces dernières années. En 2019, la facture était passée de 451 à 365 francs. Depuis 2021, elle est de 335 francs. À chaque fois, le Conseil fédéral a pris la décision seul.

La consultation court jusqu'au 1er février.

ats/lan

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Un flot de critiques, les éditeurs pas satisfaits

Le projet du Conseil fédéral d'abaisser la redevance radio-TV à 300 francs par an a suscité un flot de critiques. Pour ses détracteurs, la réduction des recettes aura des répercussions sur la qualité des programmes et pour les minorités linguistiques, avec au final la crainte d'un affaiblissement de la démocratie.

Si la principale entreprise concernée, la SSR, salue le rejet de l'initiative "200 francs, ça suffit!" par le Conseil fédéral, elle s'inquiète d'une baisse de ses recettes d'environ 170 millions de francs à terme.

Une cure d'amaigrissement qui aurait inévitablement des répercussions négatives sur les programmes, souligne-t-elle. Par exemple dans les domaines de l'information régionale, des productions sportives, des coproductions de films suisses et des enregistrements musicaux, ainsi que des grands événements populaires. Et le personnel serait également touché.

Stations régionales et culture touchées

Les syndicats des médias SSM et syndicom s'opposent "de toutes (leurs) forces" au "démantèlement" prévu, qui menace pour eux "gravement la qualité du service public".

Les stations de radio et de télévision privées titulaires d'une concession et chargées d'un mandat de prestations sont également touchées, de même que la création cinématographique et musicale suisse, ainsi que l'ensemble de la branche culturelle, relèvent-ils.

Avec sa dernière décision, le conseiller fédéral Albert Rösti "poursuit l'érosion de la diversité et de la qualité des médias dans le paysage médiatique suisse", fustigent les syndicats.

Pour l'Alliance Pro Diversité des Médias, vouloir "affaiblir substantiellement l'entreprise publique de médias à une époque marquée par la désinformation" relève d'un "manque de clairvoyance".

"Grande incompréhension"

L'Union syndicale suisse (USS) s'oppose à "un démantèlement en catimini". Arrivant précisément "dans le contexte de mesures d’austérité draconiennes et de licenciements en masse dans le secteur des médias, cette décision pour une réduction des moyens du service public ne peut que rencontrer une grande incompréhension", écrit-elle.

Les principales victimes de ce démantèlement seraient en premier lieu, en plus du personnel, les régions périphériques et les minorités linguistiques, souligne l'USS.

Les éditeurs pas satisfaits

Les éditeurs ne se satisfont pour leur part pas d'une réduction du montant de la redevance. "Il est urgent de redéfinir rapidement le mandat de la SSR", ont indiqué dans un communiqué les associations d'éditeurs Médias Suisses, Schweizer Medien et Stampa Svizzera. Une telle mesure est ralentie inutilement par la prolongation de la concession actuelle du média de service public jusqu'en 2028 annoncée par le gouvernement, soulignent les trois associations. L'adaptation de la concession doit se faire plus rapidement.

Initiative maintenue

Pour le coprésident du comité d'initiative "200 francs, ça suffit", la proposition du Conseil fédéral de réduire la redevance radio-TV n'est qu'un "marchandage pour gagner des électeurs". En outre, le chiffre d'affaires autorisant l'exonération de la taxe pour les PME est fixé à un niveau beaucoup trop bas, estime-t-il.

Même avec une limite à 1,2 million de francs, de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) devraient toujours payer deux fois des impôts, à titre privé et pour l'entreprise, a affirmé mercredi l'ancien directeur de l'Union suisse des arts et métiers (usam) Hans-Ulrich Bigler.

Pour lui, 200 francs de redevance sont suffisants. Il estime donc que l'initiative doit être soumise au peuple malgré les propositions du Conseil fédéral.

La SSR doit remplir sa mission principale, qui doit être définie politiquement et non par l'entreprise elle-même, considère aussi le coprésident du comité de l'initiative lancée par l'UDC, l'usam et les jeunes PLR.