Pétition des Erythréens pour éviter les contacts forcés avec leur ambassade

Plus de 43'000 personnes originaires d’Erythrée vivent en Suisse, selon les derniers chiffres du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM). Cette communauté est l'une des plus représentées parmi les demandeurs d’asile. Beaucoup fuient une dictature, l'Erythrée étant parfois qualifiée de "Corée du Nord de l’Afrique".

Elles déposent jeudi une pétition munie de plus de 5000 signatures pour que les autorités helvétiques modifient leur pratique en matière d’asile. Pour se marier, ou obtenir un permis B, la Suisse exige des Erythréens un passeport. Cela leur impose une visite à l’ambassade.

Ce "contact forcé" les met en danger, estiment-ils. Le régime en profiterait pour récolter des informations personnelles sensibles et prélever un impôt.

"Taxe de 2%"

"A chaque fois qu'un Erythréen ou Erythréenne a affaire à l'administration érythréenne, il passe par l'ambassade. Systématiquement, on lui impose une taxe de 2% soit sur son salaire, soit même sur l'aide sociale que la personne touche", dénonce dans La Matinale Samson Yemane, président de l'Association des médias érythréens de Suisse.

Celui qui est aussi conseiller communal socialiste à Lausanne donne un exemple: "Si moi j'ai besoin d'un acte de naissance, je vais aller auprès de l'ambassade et on va faire tout un calcul. Ça fait environ 20 ans que je suis en Suisse, j'ai travaillé tant d'années et l'ambassade va estimer que je dois donner 15'000 francs pour avoir l'acte de naissance. Et ça, c'est une vraie corruption. Ce qui est recherché par ce régime, c'est vraiment de renforcer la dictature érythréenne à travers toutes ces recettes financières."

Mais cela ne s'arrête pas là: "En parallèle, ces personnes peuvent subir des menaces. On va les obliger de payer chaque année sous menace de mettre en prison certains membres de leur famille restés en Erythrée. Il y a une vraie contrainte, et nous on aimerait que la Suisse ne pousse pas les Erythréens à aller auprès de leur ambassade."

>> L'interview de Samson Yemane dans La Matinale :

Amanuel Yemane

Le SEM s'en défend. Il affirme qu'aucun requérant ou réfugié, persécuté ou menacé par le régime de façon avérée, n'est obligé d'entrer en contact avec l'ambassade érythréenne.

Samson Yemane nuance et évoque une zone grise où les personnes fuyant l’Erythrée, pour des raisons politiques, n’ont pas pu apporter les preuves de la menace qui pèse sur elles, du matériel et des documents qui peuvent se perdre en traversant de façon illégale les frontières.

Après un certain temps, ces personnes, déboutées de l’asile en Suisse, pourraient faire une demande de régularisation. Elles devront alors entrer en contact avec leur ambassade. "Et c’est là que ces personnes peuvent subir des menaces", conclut Samson Yemane.

Racket et propagande

Les associations érythréennes en Suisse se battent depuis une dizaine d'années contre ce qu’elles appellent "les stratégies" du gouvernement: racket, mais aussi propagande, via de prétendus festivals culturels.

Ceux-ci ont beaucoup fait parler cet été après des affrontements entre Erythréens à Zurich, projetant cette discrète communauté à la Une des journaux, au grand dam de Samson Yemane. La violence est le fait d'une infime minorité selon lui, mais elle exprime aussi un ras-le-bol.

Contactée, l’ambassade d’Erythrée en Suisse ne nous a pas répondu.

Julie Rausis/asch