Ce rôle de proche aidant suppose une foule de compétences administratives, organisationnelles et humaines. Selon la situation, il peut entraîner un manque à gagner, de la fatigue physique et psychique, des conflits, un sentiment d'incompétence, de culpabilité et de solitude. Pourtant, il est mal reconnu par le personnel de soin, à l’hôpital et bien souvent même par les personnes concernées.
"Une grande partie des proches aidants ne savent pas qu'ils le sont. Il faut les aider à prévenir l'épuisement, trouver des informations, des solutions et des appuis, car ce sont eux qui sont au front", insistait Vincent Huguenin-Dumittan, chef du service cantonal de la santé publique à Neuchâtel, le 30 octobre dans l'émission de la RTS Couleurs locales.
Un constat que Sylvie Le Bail, responsable de l'association Réseau orientation santé social (AROSS), partageait déjà dans Forum en juin dernier: "C'est insidieux. On se retrouve tout d'un coup de plus en plus à faire les courses, s'occuper des papiers, sans forcément prendre conscience que l'on est devenu proche aidant. Une fois qu'on en a conscience, il faut s'assurer de ne pas s'épuiser."
Il y a donc urgence à mieux valoriser ce travail chiffré à 42 millions d'heures par an, soit 3,7 milliards de francs. Selon les associations, il représente même plus de 80 milliards de francs. Cette tâche est par ailleurs lourde à porter. "Un aidant sur trois décède avant la personne qu'elle accompagne, ce qui montre bien qu'elle le fait au détriment de sa propre santé", alarmait Jennifer Meyer, coordinatrice de la plateforme Les Madeleines, le 28 octobre dernier dans France 3 Grand Est.
Un enfant sur dix
Les conséquences sont d'autant plus lourdes quand ce rôle est tenu par des enfants. Une récente étude de la haute école de santé Careum estime que près d'un enfant sur dix entre 10 et 15 ans est proche aidant. Une réalité si difficile à détecter que cela ne pourrait être que la pointe de l'iceberg.
"On part du principe que l'on va essayer de faire ce qu'on n'a pas eu. On se positionne en tant que parrain ou marraine (...) parce que c'est très difficile d'exprimer ce que l'on ressent quand toute l'attention est mise sur la personne malade", déclarait Florian Sallin, de l'association Enfants Aidants, dans La Matinale du 30 octobre.
Pour cette raison, le canton de Genève a voulu mettre l'accent sur les enfants aidants lors de la dernière journée intercantonale de sensibilisation.
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Une loi qui a ses limites
Depuis le 1er janvier 2021, la loi fédérale pour l'amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches accorde un congé indemnisé de 14 semaines aux parents d'enfants gravement malades. Les employés ont aussi le droit de s'absenter pour soigner un proche jusqu'à trois jours par cas et dix jours par année au maximum. Ces heures sont prises en compte lors du calcul d'une rente.
"Avec les mesures proposées, on s'est vraiment focalisé sur les parents d'enfants malades avec une maladie grave ou atteint d'un accident. Les personnes qui viennent en aide à un parent âgé ou une personne qui souffre de démence sont peu concernées, mis à part les dix jours maximum par année de congés payés qu'elles pourraient obtenir", tempérait Julien Dubuis, de l'association Proches aidants Valais, dans le 19h30 le 22 mai 2019.
Certaines voix demandent des solutions plus pérennes, mais plus chères: "Pour moi, la solution serait de rémunérer les proches aidants. Je peux comprendre que l'on pense qu'on pourrait profiter de la situation, mais ce ne serait pas du tout le cas, car la personne la plus adaptée pour s'occuper des enfants avec un handicap reste tout de même leurs parents. Moi, ça me fait mal au coeur de travailler à l'extérieur et de devoir engager du personnel pour s'occuper d'eux", expliquait Laure Chételat, maman proche aidante, dans La Matinale du 29 août dernier.
Aujourd'hui, Fribourg est le seul canton romand à indemniser les proches aidants, entre 15 et 25 francs de l'heure. Le Valais accorde, lui, une réduction d'impôt.
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Une application pour soulager
Pour venir en aide aux proches aidants, une application nommée "Approches" est testée dans le canton de Neuchâtel. Et les premiers retours sont positifs: "Nous avons été soulagés au niveau des éventuels transports à prendre mais aussi de pouvoir trouver une aide au ménage", témoignait une proche aidante dans le 19h30 du 11 avril dernier.
L'application a été lancée par le canton en partenariat avec la haute école de santé bernoise et les données récoltées permettent de mesurer cette activité, de prévenir l'épuisement et d'identifier les besoins. "Cela permet de voir si les services sont répartis de manière non uniforme et d'identifier s'il y a suffisamment de services de coiffures à domicile ou de transports", explique Serge Bignens, directeur de l'Institut d'informatique médical de la Haute école spécialisée bernoise.
Ce projet pilote pourrait être élargi en Suisse romande.
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Et vous dans tout ça?
Des ressources en ligne existent pour les proches aidants dans chaque canton. Vaud propose par exemple des séances de psychologue de soutien.
Des formations en ligne, un soutien téléphonique et des rencontres de parrainages sont aussi disponibles auprès de l'association suisse.
Il est possible de se munir d'une carte proche aidant sur laquelle figure les contacts nécessaires pour que la personne accompagnée ne soit pas laissée seule en cas d'urgence ou d'accident. Plusieurs associations proposent également des services de relève à domicile ou hors domicile.
Depuis 2019, des organisations privées d'aide de soin à domicile peuvent en outre engager et rétribuer les proches aidants, et facturer les prestations à l'assurance.
Claire Burgy