Depuis plusieurs années, les prises de contact avec des spécialistes ne cessent d'augmenter. En 2020, trente-sept personnes ayant une attirance pédosexuelle ont demandé de l'aide ou un renseignement, cinquante-six en 2021 et onze de plus l'année passée, selon le rapport d'activité de l'association Dis No.
Seulement, le réseau de soin thérapeutique est saturé et cela contrevient au but de la prévention, avec ou sans thérapie, qui est d'empêcher un éventuel passage à l'acte, et de lutter contre la consommation d'images pédopornographiques.
Par souci de précision, les personnes dont il est fait mention ici ne sont pas celles qui ont commis des actes sexuels sur des enfants, mais des individus qui ressentent de l'attirance sexuelle envers des mineurs ou consomment des images pédopornographiques.
"Une frustration sexuelle et sentimentale"
La RTS a recueilli le témoignage d'une personne ayant des attirances pour les adolescents et contre lesquelles il lutte en allant voir un psychothérapeute. "Tout d'abord, c'est une frustration qui est sexuelle, parce qu'il n'y a pas la possibilité d'assouvir le désir sexuel que tout le monde a", raconte le témoin.
"C'est aussi une frustration sentimentale, parce que c'est impossible de construire quelque chose de romantique, dans une relation réciproque. Et la plus grande frustration, c'est celle de ne pas pouvoir parler de la souffrance au quotidien", exprime-t-il.
En Suisse, les spécialistes de la question de l'attirance pédosexuelle sont rares et les personnes concernées rencontrent souvent des difficultés à les joindre. "Le plus dur, c'est le premier pas, c'est cet appel. Parce qu'on a évidemment peur que tout soit tracé, que notre appel soit rendu public. On ne sait pas qui est à l'autre bout du fil", ajoute le témoin.
Le défi de la prise en charge
L'association Dis No vient en aide aux personnes qui ont des fantasmes sexuels sur des mineurs, et qui peuvent aussi consommer du contenu pédopornographique. Elle traite régulièrement les appels et les messages qu'elle reçoit par mail et provenant de toute la Suisse romande. Cloé Rawlinson, psychologue intervenante, relève une différence entre les contacts oraux et écrits.
"Prendre contact par mail, c'est plus sécurisant. Même si sur notre site il est écrit comment appeler de manière anonyme et comment le faire via son téléphone", explique-t-elle. "Pour beaucoup, c'est la première fois qu'ils parlent de ça. Devoir le verbaliser à quelqu'un, alors que pour certains ça n'a jamais été fait, c'est un premier pas trop confrontant", précise la pyschologue.
Le réseau de soin thérapeutique, quant à lui, est surchargé. "On est dans une période où le réseau de soin, c'est-à-dire la prise en charge thérapeutique, est saturé. On a de la peine à placer les personnes qui nous sollicitent auprès de psychothérapeutes", affirme Hakim Gonthier, le directeur de Dis No.
Selon lui, il faudrait élargir ce réseau au-delà des profils spécialisés dans la pédophilie. "Parfois, les professionnels n'ont pas forcément de spécialisation sur la thématique, mais peuvent avoir un intérêt à prendre en charge ce public. Et pour nous, c'est déjà suffisant", ajoute le directeur de Dis No.
Pas de profil-type
A Genève, la police scrute les contenus pédopornographiques et donc pédocriminels de toute la Suisse romande. L'année passée, trente-huit cas ont été signalés. "Quand une personne est repérée, on la dénonce dans le canton dans lequel elle habite. Si l'on repère une personne dans le canton de Neuchâtel, par exemple, on va contacter les collègues neuchâtelois pour leur transmettre ce dossier", explique Patrick Ghion, chef du Centre régional de compétences cyber romand.
La prise en charge du dossier et la mise en place d'une opération de police se fait ainsi dans les cantons dans lesquels sont logés les suspects. Ceux-ci n'ont par ailleurs pas réellement de profil-type. "Ça touche toutes les tranches de la population. En termes d'âge et surtout en termes de milieu social: tout le monde peut être concerné", précise Patrick Ghion.
Ecouter l'émission vacarme sur la pédocriminalité et sur la prise en charge des personnes concernés:
Sujet TV: Jacqueline Pirszel
Adaptation web: Raphaël Dubois