Anticipation et travaux d'aménagement ont permis d'éviter le pire lors des dernières intempéries
Avant même les trois jours de précipitations qui ont fait grimper les eaux à des plus hauts historiques mercredi matin, le mois de novembre a été particulièrement arrosé. "Ces derniers jours, les bassins versants étaient complètement saturés", a souligné Bettina Schaefli vendredi dans La Matinale de la RTS. "S'il n'y avait pas eu de décrue aussi rapide, ça aurait pu être pire", notamment dans le cas de l'Arve à Genève, note-t-elle.
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Si les dégâts sont restés limités et si aucune victime n'est à déplorer, c'est aussi en raison de l'anticipation et de la coordination dans la communication des risques. "Depuis le début du XXIe siècle, on a eu des événements à répétition. Chaque région a eu un événement dont elle se souvient, comme Genève en 2015 [avec, déjà, une crue historique de l'Arve, ndlr]", confirme la professeure en hydrologie. "Grâce à ces antécédents, on sait mieux gérer, avertir la population, se coordonner".
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La renaturation des cours d'eau porte ses fruits
L'amélioration des prévisions météo a elle aussi contribué à cette bonne préparation. "Les modèles s'améliorent au fur et à mesure. Il y a également des privés qui interviennent et font des prévisions pour les producteurs hydroélectriques. Et surtout, la Confédération a mis en place un système avec une seule application, celle de Météosuisse, qui va avertir la population", poursuit Bettina Schaefli.
Il y a aussi un retour sur investissement des améliorations des cours d'eau mises en place ces dernières années. "A chaque endroit où on fait des aménagements, par exemple si on donne plus de place à la rivière, ça va être payant lors des crues", soutient la spécialiste, qui estime toutefois qu'il est encore trop tôt pour quantifier précisément l'apport de ces renaturations et autres travaux d'aménagement.
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Se préparer aux changements climatiques
Avec les changements climatiques, ces crues de grande ampleur pourraient se répéter. "L'essentiel est de se rendre compte qu'elles peuvent se produire à toute saison. A cause du réchauffement, on peut avoir un événement du genre à la mi-novembre, à une époque où normalement on a l'habitude qu'il neige en montagne et que peu d'eau, par exemple, arrive jusqu'à Genève".
Une partie du travail des hydrologues consiste à se préparer à ces changements et à voir de quelle manière ils interviennent dans la formation des crues, tout comme des sécheresses - un dernier aspect sur lequel la recherche n'a pas encore beaucoup avancé.
Sujets radio: Foued Boukari, Philéas Authier
Adaptation web: Vincent Cherpillod
Le lac de Bienne a frôlé la crue en raison de son rôle de tampon
Le lac de Bienne a frôlé la crue ces derniers jours. La faute aux précipitations et à la fonte des récentes chutes de neige, mais aussi au barrage de Port, près de Bienne, qui détermine la débit de l'Aar quand elle sort du lac.
Dans la nuit de mardi à mercredi, alors que le niveau montait à toute vitesse, l'ouvrage laissait passer le strict minimum d'eau. Mais difficile de faire autrement: c'est un accord entre six cantons qui détermine le fonctionnement du barrage. Son but est notamment d'empêcher que l'Aar ne déborde en aval, inondant avec elle les villes de Soleure et d'Olten. Au plus fort de la crue, ses affluents faisant déjà monter dangereusement le niveau de la rivière, il a fallu réduire le débit de l'Aar à Bienne pour limiter les risques.
Depuis la construction, à la fin du XIXe siècle, du canal de Hagneck qui dévie les eaux de l'Aar dans le lac de Bienne, ce dernier joue donc le rôle de tampon. Mais si les pluies du début de semaine avaient continué, elles l'auraient fait déborder, ainsi que ceux de Neuchâtel et de Morat, qui y sont reliés par des canaux.
Baisser le niveau des lacs à l'avance
On peut toutefois essayer de contenir ce risque, selon le directeur du bureau Hydrique Ingénieurs Philippe Heller, interrogé vendredi dans La Matinale de la RTS. "Une façon de faire est d'essayer le mieux possible de voir ces crues arriver, et quelques heures ou quelques jours en avance, de baisser légèrement le niveau de ces trois 'réservoirs' pour absorber la crue qui arrive", a-t-il expliqué.
En prévision des crues de cette semaine, le niveau du lac de Bienne avait justement été baissé de quelques centimètres. "Evidemment, anticiper les crues paraît être une solution très élégante, mais les prévisions météorologiques restent soumises à une certaine incertitude", relativise aussi Philippe Heller.
Des lacs moins remplis pour s'adapter aux changements climatiques?
Les lacs de Neuchâtel, de Bienne et de Morat pourraient être de plus en plus mis à contribution, car le réchauffement climatique risque d'amener davantage d'épisodes de pluies intensives. Il faudrait donc réfléchir à changer durablement le niveau des lacs, estime l'hydrologue. Avec "une exploitation de ces lacs à un niveau légèrement inférieur, on pourrait bénéficier d'un réservoir tampon un peu plus grand pour absorber les crues".
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Il y a donc un compromis à trouver entre les différentes utilisations autour de ces lacs, que ce soit pour les besoins agricoles, pour la navigation ou encore pour les loisirs, conclut-il.