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Que vont décider nos élus fédéraux? Radiographie du nouveau Parlement

Grâce au questionnaire Smartvote on peut déjà voir à quoi va ressembler le nouveau Parlement fédéral
Grâce au questionnaire Smartvote on peut déjà voir à quoi va ressembler le nouveau Parlement fédéral / 19h30 / 2 min. / le 27 novembre 2023
Durant la campagne électorale, presque tous les parlementaires élus à Berne ont rempli le questionnaire Smartvote, répondant à des questions précises sur leurs orientations politiques. Maintenant que les deux chambres sont constituées, il est possible d’analyser l'ADN profond du nouveau Parlement et de deviner les futures majorités potentielles.

Depuis le week-end dernier, le nouveau visage des Chambres fédérales est connu. Quatre ans après la vague verte, le peuple a décidé de redonner un coup de barre à droite.

Mais comment cela se traduit-il concrètement? Quelles pourraient être les futures majorités de la 52e législature qui commence début décembre? C'est ce que nous avons tenté de savoir en analysant les réponses des parlementaires élus au questionnaire Smartvote, sur quatre grandes thématiques.

PRIMES MALADIE ET COÛTS DE LA SANTÉ

Toutes les enquêtes d’opinion le montrent, les primes d'assurance maladie sont la principale préoccupation des Suissesses et des Suisses. Pour le nouveau Parlement, il s’agit donc de trouver des solutions pour soulager le porte-monnaie des ménages et freiner l’explosion des coûts de la santé. Qu’elles viennent des partis, des assureurs, des médecins ou d’un autre groupe d’intérêts, les propositions ne manquent pas, mais aucune d'entre elles ne semble pour l'heure pouvoir rassembler une majorité.

>> Retour sur les propositions des partis dans le 19h30 du 19 septembre 2023 :

Au Parlement, le problème de la hausse des primes d’assurance-maladie est connu mais les solutions divergent selon les partis politiques
Au Parlement, le problème de la hausse des primes d’assurance maladie est connu mais les solutions divergent selon les partis politiques / 19h30 / 2 min. / le 19 septembre 2023

Les cantons sont régulièrement pointés du doigt dans la hausse des coûts. C'est pourquoi certains, à l'instar de la faîtière des assureurs Santésuisse, veulent centraliser un peu le système et donner à la Confédération la possibilité de planifier l'offre hospitalière au niveau national. Mais ces velléités sont largement balayées par les nouveaux élues et élus. Une hausse de la participation des assurés aux frais de santé est également exclue. Seuls les élus PLR et vert'libéraux, une grosse moitié du groupe UDC et quelques représentants du Centre y sont favorables.

Une autre solution pour réduire la charge des ménages consiste à augmenter les subsides accordés aux assurés les moins aisés. Cette idée convainc une majorité du nouveau Parlement. Les Chambres ont d'ailleurs déjà légiféré en ce sens, face à la menace de l’initiative "Maximum 10% du revenu pour les primes" lancée par le PS. Mais le contre-projet indirect adopté en septembre dernier a été jugé "totalement insuffisant" par les socialistes qui ont décidé de maintenir leur texte.

L'initiative devrait être soumise en votation l'an prochain, tout comme un autre texte lancé par Le Centre, qui demande l'introduction d'un frein aux coûts dans le domaine de la santé, sur le modèle du frein aux dépenses de la Confédération. Là aussi, aux yeux du parti de Gerhard Pfister, le contre-projet imaginé par le Parlement ne va pas assez loin. En l'absence de véritable compromis politique face à l'explosion des primes, c'est donc le peuple qui aura la lourde tâche de mettre tout le monde d’accord.

TRANSPORT, ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT

En matière de transport, d'énergie et d'environnement, le Parlement issu des élections de 2023 marche sur les pas du précédent. La majorité des nouveaux élus confirment en effet les grandes orientations d'inspiration libérale prises récemment par les Chambres fédérales ou le gouvernement: autorisation du tir préventif du loup, élargissement des tronçons d'autoroute très fréquentés ou encore assouplissement des règles de protection de l'environnement pour favoriser le développement des énergies renouvelables. Le sort de ces deux dernières décisions, contre lesquelles des référendums ont été lancés, pourrait aussi être tranché par le peuple.

Bien que plus à droite que l’ancien, le nouveau Parlement reste néanmoins opposé à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Sur ce point, on assiste au traditionnel combat entre la gauche, alliée aux Vert’libéraux, qui défend la sortie de l’atome et veut promouvoir les énergies renouvelables, et le bloc PLR/UDC, qui ne souhaite pas fermer la porte au nucléaire. Arbitre de ce débat, Le Centre penche pour l’heure très majoritairement du côté de l’opposition aux nouveaux réacteurs.

Sur les questions environnementales, des avancées sont possibles ces quatre prochaines années. Il en va ainsi de l’interdiction des plastiques à usage unique. Dans les deux chambres, une majorité se dégage en faveur de cette mesure, déjà mise en oeuvre par l’Union européenne. C’est encore une fois les élus du Centre qui devraient jouer le rôle de pivot sur cette question.

L’initiative biodiversité, qui veut consacrer 30% du territoire national à la sauvegarde de la biodiversité, ne devrait quant à elle pas trouver grâce auprès du nouveau Parlement. Jusqu’à présent, les deux chambres s’affrontaient quant à l’opportunité d’y opposer un contre-projet, comme le souhaite le National. Difficile de dire si la majorité des sénateurs vont désormais se ranger derrière la Chambre du peuple, qui a proposé une nouvelle version édulcorée de son contre-projet.

SÉCURITÉ, ARMÉE, NEUTRALITÉ

En matière de défense, la guerre en Ukraine a profondément marqué les esprits. Malgré la dégradation des finances fédérales, le principe d’une augmentation progressive du budget de l’armée jusqu’en 2030 a ainsi été accepté. Le nouveau Parlement est en phase avec cette décision. Mais en cas d’arbitrage budgétaire ces prochaines années, l’armée pourrait en pâtir. Là encore, ce sont les élus du Centre qui feront pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

Dans le même ordre d’idée, l’augmentation de l’effectif de l’armée à 120’000 soldats et soldates, contre 100’000 à l’heure actuelle, est plébiscité par la majorité des parlementaires élus ou réélus cet automne. En revanche, ce serait non au développement de la coopération avec l’Otan. Le Conseil des Etats y est favorable, mais au Conseil national, une alliance entre l’UDC, Les Verts et une grande partie du groupe PS a la capacité de couler une telle proposition.

Plus d’un an et demi après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et en dépit des pressions internationales, il semble qu’il n’y ait toujours pas de majorité au Parlement sur la réexportation des armes de fabrication suisse. Les Verts et la frange la plus pacifiste du PS se liguent aux défenseurs de la neutralité, UDC en tête, pour refuser à d’autres Etats le droit de réexporter les armes suisses dans des pays en guerre, et ce même si des garde-fous sont posés.

Cependant, une interprétation stricte de la neutralité est largement rejetée par la majorité des nouveaux parlementaires. Sur cette question, l’UDC fait presque cavalier seul. Quelques rares élus centristes et libéraux-radicaux partagent la lecture très étroite que le premier parti du pays fait de la neutralité. Une telle vision commanderait par exemple l’abandon des sanctions économiques prises par la Suisse contre le régime de Vladimir Poutine.

QUESTIONS DE SOCIÉTÉ

En matière de santé, d’environnement ou de sécurité, on devrait compter, on l’a vu, sur un Parlement ancré à droite. En revanche, sur les questions de société, les élus semblent plus ouverts aux idées progressistes. C’est peut-être au cours de la prochaine législature, par exemple, que la consommation du cannabis sera légalisée en Suisse. En tout cas, une majorité des deux chambres se prononce en faveur d’une telle mesure. Il en va de même pour l’euthanasie active pratiquée par un médecin.

Deux ans après le oui du peuple au mariage pour tous, la question des droits des couples de même sexe ne fait, elle, presque plus débat. Quelque 80% des membres du nouveau Parlement estiment qu’il est juste d’accorder les mêmes droits aux couples homosexuels et aux couples hétérosexuels. Signe de l’évolution des mentalités, plus de la moitié des représentants UDC au Conseil national et la quasi-totalité des élus du Centre sont aujourd’hui acquis à cette idée.

En matière d’égalité, les nouveaux parlementaires ne sont toutefois pas prêts à toutes les avancées. Défendu par la gauche et les Vert’libéraux, un contrôle plus strict de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes aurait peu de chance aux Etats. Quant à un allongement du congé rémunéré pour les nouveaux parents, il échouerait de peu. Le camp du oui pourrait trouver les voix qui lui manquent au sein du groupe du Centre, particulièrement divisé sur cette question.

Enfin, en ce qui concerne les thèmes liés à la numérisation de la société, une nette majorité du nouveau Parlement souhaite réguler les grandes plateformes en ligne, notamment pour lutter contre la désinformation, ainsi qu’interdire la reconnaissance faciale automatique dans l’espace public.

Les élus sont par ailleurs largement favorables au développement de la téléphonie mobile de cinquième génération (5G) et se disent opposés à la réduction de la redevance radio-TV à 200 francs.

Un Parlement plus à droite, davantage porté sur les questions de sécurité que de protection de l'environnement, mais néanmoins ouvert à des avancées sur certains thèmes de société: voilà l'image générale que révèle cette radiographie du nouveau Parlement. Mais la politique, c'est plus que des croix dans un questionnaire. A Berne, les quatre prochaines années nous réservent sans doute quelques surprises.

Didier Kottelat et Pierre Nebel

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La méthode

Lancée en 2003, la plateforme Smartvote est une aide au vote en ligne développée et gérée par Politools, une association à but non lucratif. Elle permet de comparer ses propres opinions à celles des candidates et candidats sur la base d’une liste de questions très concrètes et propose une recommandation de vote.

Avant les élections fédérales, Smartvote a ainsi soumis une liste de 75 questions à l’ensemble des candidates et candidats de toute la Suisse. Parmi les 246 parlementaires qui forment le prochain Parlement, 235 ont répondu au questionnaire, soit un taux de réponse de plus de 95%. Ce sont ces données que nous avons passées au crible.

Au Conseil des Etats, 41 des 46 futurs sénatrices et sénateurs ont participé à l’enquête. Les cinq élus qui n’ont pas répondu sont les suivants: Mauro Poggia (MCG/GE), Pascal Broulis (PLR/VD), Andrea Caroni (PLR/AR), Erich Ettlin (Le Centre/ OW) et Daniel Fässler (Le Centre/AI).

A la Chambre du peuple, six des 200 membres manquent à l’appel. Il s’agit d’Olivier Feller (PLR/VD), Jacqueline de Quattro (PLR/VD), Thomas Aeschi (UDC/ZG), Alois Huber (UDC/AG), Magdalena Martullo Blocher (UDC/GR) et David Zuberbühler (UDC/AR).