Ils ont 15 ans et sont en dernière année d'école obligatoire en voie générale au cycle d'orientation de la Veveyse, à Châtel-Saint-Denis, dans le canton de Fribourg. Aujourd'hui, pas de Molière ou de Baudelaire au menu, mais l'histoire de vie d'un homme qui a perdu son épouse lors des attentats du Bataclan.
La plupart des élèves n'ouvriront pas d'autres livres ces prochains jours, ni sans doute ces prochaines semaines. Selon les derniers chiffres, seuls 20% des jeunes liraient régulièrement.
Problèmes de compréhension
Déchiffrer un texte est une chose, en comprendre le sens, une autre. La dernière étude PISA montre que parmi les jeunes de 15 ans, un quart n'était pas capable de rechercher des informations simples dans un texte court.
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"C'est compliqué. On voit que les élèves lisent sans comprendre. C'est quelque chose d'assez incroyable. C'est comme s'ils n'arrivaient plus à se faire des images mentales de ce qu'ils sont en train de lire, c'est juste des mots alignés les uns aux autres", résume Aurélie Pittet, enseignante de français.
Le rôle des écrans?
Marie Pedroni, enseignante depuis 15 ans, a écrit un livre sur cette problématique et s’interroge sur les causes de cette baisse de niveau qui s'accélère.
"Pour l'école, il y a peut-être une part de remise en question à faire, mais elle serait inutile s'il n'y a pas en même temps une remise en question dans le cercle familial ou au moins une sensibilisation à faire chez certains parents", soutient-elle. "Je pense notamment que le rôle des écrans n'est pas anodin du tout", précise-t-elle.
Un constat que faisait déjà en 2019 Lionel Alvarez, le responsable du Centre de Recherche sur l'Enseignement/Apprentissage par les Technologies numériques à la HEP Fribourg, après les résultats de la dernière enquête PISA. "Plusieurs recherches montrent que plus il y a d'ordinateurs dans une classe, moins les compétences en lecture sont bonnes", disait-il au micro de La Matinale.
"Comment voter si on ne sait pas lire?"
Invité du 19h30 jeudi, Georges Felouzis, professeur en Sciences de l'éducation à l'Université de Genève, estime de son côté que les écrans sont une cause possible, même s'il tempère. "Les études ne vont pas toujours dans le même sens. La question c'est [de savoir] ce que lisent les jeunes et ce qu'on leur fait lire, ce que les parents lisent aux enfants. Tous ces éléments-là sont très importants."
Le professeur voit notamment un décalage entre ce qui est disponible sur les écrans et sur le papier. "Beaucoup d'écrits valorisés par l'école sont plutôt sur des supports sous forme classique de livres. Il y a donc probablement un décalage à ce niveau-là", analyse-t-il.
Pour ce spécialiste, il est surtout important de commencer tôt, car l'habitude de la lecture demande du temps. "Plus les apprentissages sont précoces, plus ils sont ancrés dans la personne. Savoir lire, comprendre un texte, avoir un rapport critique à celui-ci, cela demande une longue pratique", décrit-il.
Celui qui est membre d'une commission sur l'équité dans l'éducation estime par ailleurs qu'on a là un défi national très important, intimement lié à la démocratie. "Si vous ne savez pas lire ou que vous avez des difficultés de lecture, comment allez-vous pouvoir voter en tant que citoyen libre de ses choix?" conclut-il.
Reportage TV: Marion Tinguely
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: ther