L'histoire remonte à février 2020. Deux hommes violent une femme de 33 ans dans l'entrée de son immeuble, alors qu'elle rentre de soirée. Elle avait rencontré ses agresseurs dans un bar, l'un avait 33 ans, le second 17 ans.
Le Tribunal pénal de Bâle reconnaît l'homme le plus âgé coupable de viol. Il est condamné à quatre ans et trois mois de prison. Le procès de l'agresseur de 17 ans est encore ouvert.
Un recours est déposé, et la Cour d'appel décide de réduire la peine de l'homme de 33 ans. La décision est controversée, car la Cour d'appel a justifié oralement que "l'acte n'a duré que onze minutes" et que "la victime aurait joué avec le feu et aurait envoyé de mauvais signaux lors de la visite d'un club avant l'acte".
Ces propos scandalisent. Plus de 500 personnes descendent dans la rue à Bâle en août 2021. Les manifestantes restent en silence les bras levés pendant 11 minutes.
Confirmation du TF
Un second recours est déposé auprès du Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire de Suisse, dont l'arrêt fait à son tour polémique aujourd'hui.
Le Tribunal fédéral casse certes l'arrêt de la Cour d'appel et estime que l'auteur doit être sanctionné plus sévèrement. Il conclut notamment que le comportement de la victime dans le bar ne doit pas être pris en compte pour atténuer la responsabilité de l'accusé.
En revanche, le Tribunal fédéral estime que prendre en compte la durée relativement courte du viol dans la fixation de la peine est conforme au droit fédéral.
Cette décision passe presque inaperçue en Suisse, mais pas en France, où l'arrêt surprend et fait les gros titres. Les médias s'étonnent qu'un viol de courte durée justifie une peine plus courte.
Une notion qui existe
Charlotte Iselin, avocate spécialiste en droit pénal, explique dans Forum que la notion de durée existe dans les jugements rendus par les tribunaux suisses.
"Il faut rappeler que quand la justice est amenée à trancher une affaire, elle va d'abord définir le cadre légal, en regardant les infractions retenues, pour lesquelles une peine maximum est prévue. Et dans le cadre de cette peine, la justice va déterminer la culpabilité de la personne même."
L'avocate précise: "Dans le cadre de l'examen de la culpabilité, on peut se poser la question de la durée de l'acte. Cela se fait. Par exemple, si une séquestration est commise, la faute n'est bien sûr pas la même si la séquestration a duré deux jours ou trois semaines."
Charlotte Iselin comprend toutefois la colère des féministes: "On peut se demander si la durée est décisive dans le cadre d'un viol. Dans le cadre d'un viol, un acte est commis. On peut aussi même se demander si onze minutes est une durée qui est vraiment courte. Du point de vue de la victime, c'est une durée qui est probablement déjà extrêmement longue. Et on peut se demander si cela est un élément déterminant".
"Peu importe la durée"
Interrogée dans le 19h30, l'avocate Clara Schneuwly est plus affirmative. "Un viol, peu importe sa durée, est d'une énorme gravité. Et puis, ce n'est pas parce qu'un viol est soi-disant court ou soi-disant long que son intensité ne peut pas être pareille."
Avec la médiatisation de l'arrêt du Tribunal fédéral, de nouvelles manifestations sont annoncées, notamment à Genève lundi en fin de journée.
Camille Degott, Pauline Burnier / asch avec F.C.