"Greek White", "Veganella", "Raclette vegan", "Babybel vegan": au rayon frais d’une grande surface, la gamme des alternatives aux fromages fabriqués sans lait animal est très vaste. La Coop à elle seule n'en propose par exemple pas moins de 25 références. De quoi réjouir les consommateurs intolérants au lactose ou ceux en quête d’une alimentation avec moins de produits d’origine animale.
L’entreprise leader de ce marché en Suisse s'appelle New Roots. Environ 200'000 fromages vegans sont produits tous les mois à Oberdiessbach (BE), au cœur de l’Emmental, où elle est installée. "On mélange des noix de cajou bio avec de l’eau. Ça nous donne un lait végétal et à partir de ce lait végétal, on fabrique tous nos produits”, explique au micro de l'émission basik Alice Fauconnet, co-fondatrice de New Roots. De la fermentation à l'affinage, tout y est fabriqué dans les règles de l’art d’une fromagerie traditionnelle.
30 salariés
Créée en 2015, la jeune pousse s’est depuis bien enracinée. Elle a vendu l’an passé plus de 3 millions de produits, elle emploie 30 salariés et exporte dans sept pays européens. Leur matière première? 150 tonnes de noix de cajou bio du Vietnam et du Burkina Faso importées par bateau. Un aspect auquel tout le monde n'adhère pas, mais Alice Fauconnet se défend.
"On boit tous du café le matin et on mange du chocolat, notamment en Suisse. Ces produits qu’on accepte reposent tous sur l’import. Attendre le fromage vegan au tournant parce qu’on importe notre matière première, c’est un tout petit peu injuste."
Le goût du champignon, il est bien là. Le côté roquefort, côté bleu d'Auvergne ou des choses comme ça, c'est bon. En revanche, côté texture, on oublie
Consciente du défi, l’entreprise teste des produits à base de pois chiches et de graines de lupin suisses. "On voudrait garder une ligne de produits faite à base de noix de cajou. Mais on aimerait aussi accompagner les fermiers laitiers qui le souhaitent en Suisse, pour qu'on puisse ensuite acheter leur production et faire du fromage avec leurs ingrédients."
En ce qui concerne le goût de ces fromages 100% végétaux, basik s’est rendu chez Claude Luisier, affineur de fromages en Valais mais aussi référence sur les réseaux sociaux. Ce dernier a testé la raclette vegan, une imitation cheddar, ainsi qu'un roquefort végétal. "Le goût du champignon, il est bien là. Le côté roquefort, côté bleu d'Auvergne ou des choses comme ça, c'est bon. En revanche, côté texture, on oublie", analyse Claude Luisier. Pour lui, ces produits doivent adopter leur propre nom.
Et le succès est au rendez-vous puisque ces "faux-mages" font recette. En 2021, le marché mondial a atteint plus de 2,15 milliards de francs, avec un taux de croissance annuel estimé à 13% jusqu’en 2030.
Pas d'inquiétude de l'Interprofession du Gruyère
Quoi qu'il en soit, l’Interprofession du Gruyère ne semble pas inquiète du succès grandissant des fromages végétaux. "Les premiers fromages datent d'il y a à peu près 1000 ans. Si c'était un produit qui était totalement à côté de la durabilité, il n'existerait plus aujourd'hui", souligne Philippe Bardet, directeur de l'Interprofession du Gruyère (IPG).
D’autant que le marché mondial du fromage représente plus de 75 milliards de francs, soit 30 fois plus que celui du fromage végétal. Rien qu'en Suisse, les seules exportations fromagères atteignent déjà un montant de 735 millions de francs.
"Un hommage" à l'industrie traditionnelle
A Genève, la Crémerie végane a été la première en Suisse romande à se lancer dans les créations fromagères végétales. Le produit signature de la saison, c’est la fondue végétale qui est aussi fabriquée à partir de noix de cajou. La volonté derrière cette offre est de défendre une alimentation sans produit d’origine animale. "Ce n'est pas une guerre à l'industrie fromagère, puisqu’on s'inspire directement de son savoir-faire. C'est plutôt une déclaration d'amour, un hommage qu'on fait à tout ce savoir-faire", assure Malena Azzam, cofondatrice de l’entreprise.
Le panier moyen d'un client de la Crémerie végane est de 40 francs, soit une addition plus élevée que celle d'une crémerie classique. "On se place au même niveau qu'une fromagerie de quartier. Et donc on ne peut pas acheter en gros", poursuit-elle. L’objectif actuel est de s'inviter sur les tables gastronomiques.
A l’image de la Crémerie végane, le monde des alternatives au fromage est avant tout synonyme d’innovations. De quoi continuer à nourrir un marché bien florissant.
Jeanne Gerbault/fgn