Si les Suisses remontent au classement mondial, ils ne sont pas meilleurs qu’avant. Tel est le paradoxe de cette étude PISA 2022 en comparaison avec les résultats de 2018 et 2015. Le niveau en mathématiques, sciences et lecture des élèves suisses de 15 ans a, en fait, légèrement diminué, avec quelques points de moins en mathématiques et en sciences. Malgré cela, les élèves de Suisse obtiennent de très bons résultats en maths, avec une moyenne de 508 points par rapport aux 472 points de l'OCDE.
En lecture, on enregistre une stabilité, mais les résultats avaient été jugés mauvais il y a quatre ans. La moyenne de la Suisse dépasse toujours celle de l'OCDE (483 points contre 467 points), avec une proportion d’élèves faibles en lecture à 25%.
"Je pense qu'au niveau de la langue, il y a aussi la problématique des élèves qui ne parlent pas du tout la langue d'enseignement chez eux, ce qui peut être une difficulté", avance Marie Pedroni, enseignante au niveau secondaire en Valais, dans le 12h30.
A noter que la Suisse fait partie du nombre restreint de pays (18) dont les résultats sont supérieurs à la moyenne de l’OCDE dans les trois domaines de compétences. Ses résultats varient peu entre les trois enquêtes PISA réalisées depuis 2015.
Le système éducatif comme priorité
"Les mathématiques font souvent peur aux élèves, c'est pourtant un domaine très important dans la vie profesionnelle. On peut donc se réjouir de ce très bon score", s'est félicité dans Forum le ministre valaisan de la Formation Christophe Darbellay.
En ce qui concerne la légère baisse, notamment en lecture, Christophe Darbellay insiste sur le fait qu'il ne faut rien lâcher sur les fondamentaux, car "c'est là où on est vraiment attendu". "En Valais, on a fait que d'investir financièrement dans l'enseignement spécialisé, pour l'accompagnement personnalisé d'élèves ayant des difficultés d'apprentissage. Mettre des moyens dans le système éducatif doit rester une priorité", a-t-il également souligné.
Les autres pays chutent au classement
La Suisse est donc un peu moins bonne, mais meilleure au classement mondial car les autres pays ont vu leurs résultats chuter. La Finlande, souvent prise en modèle, enregistre par exemple une chute de 36 points en lecture, l’Allemagne une dévissée de 31 points en maths. Les jeunes Suisses et Suissesses seraient également meilleurs désormais en lecture que leurs voisins français.
Pour expliquer ces changements, les chercheurs invoquent la responsabilité de la crise du Covid: la Suisse a fermé ses écoles moins longtemps que d’autres pays. Mais ce n’est qu’une hypothèse. "Il semblerait que le fait d'avoir peu fermé les écoles durant le Covid, en comparaison avec d'autres pays de l'OCDE, a peut-être eu une influence bénéfique sur l'apprentissage des élèves", confirme Marie Pedroni.
Des inégalités qui se creusent
L’étude PISA, qui ne fait plus de classement entre les cantons suisses, note par contre que les inégalités entre les élèves se creusent. Un quart des écoliers n’atteignent pas les exigences minimales fixées par l’OCDE. Et la corrélation entre milieu socio-économique défavorisé et mauvais résultats est de plus en plus marquée, note l’enquête.
Le rapport met par ailleurs en lumière le rôle des écoles en tant qu’espace d’apprentissage et d’expérience. Il révèle qu’en comparaison avec les résultats de l’enquête PISA 2018, les jeunes en Suisse sont moins exposés au harcèlement et que le sentiment positif d’appartenance à l’école a augmenté.
Ce constat est intéressant puisque, outre le harcèlement, ce sentiment d’appartenance influe particulièrement sur le bien-être général des élèves. La joie de vivre des jeunes de 15 ans a cependant chuté au niveau mondial, y compris en Suisse.
kkub/fgn/hkr avec ats
La faîtière des enseignants inquiète
L'étude Pisa 2022 a révélé des compétences minimales insuffisantes chez une partie des jeunes Suisses. Pour l'association faîtière des enseignantes et enseignants suisses (LCH), c'est surtout la faiblesse en lecture d'un quart des élèves qui est préoccupante.
Un écolier en Suisse sur quatre, âgé de 15 ans, ne comprend pas un texte quand il le lit. Ces résultats sont inquiétants, estime la LCH. Les enseignants mettent aussi le doigt sur les compétences insuffisantes d'un élève sur cinq en mathématiques. La différence de performance entre les enfants socialement défavorisés et ceux issus de milieux plus privilégiés n'a jamais été aussi grande, relève aussi la faîtière.
Le succès de l'école et de l'enseignement dépend en grande partie de la qualité des enseignants, écrit encore la LCH. Ainsi, une pénurie d'enseignants joue un rôle non négligeable, selon elle. La balle est aussi dans le camp des départements cantonaux de l'instruction, qui devront imaginer des solutions pour lutter contre ce manque, mais aussi aborder l'omniprésence des écrans, l'arrivée de l'intelligence artificielle et l'intégration de la population allophone.