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Le Conseil fédéral, ça change quoi pour vous?

Le Conseil fédéral, ça change quoi pour toi? [RTS - Katia Da Souza]
Le Conseil fédéral, ça change quoi pour toi? - [RTS - Katia Da Souza]
Mercredi prochain, le Parlement va élire le nouveau Conseil fédéral. Sur les sept ministres, six se représentent et deux candidats sont en lice pour remplacer Alain Berset. Sur quels critères l'Assemblée fédérale élit-elle les membres du gouvernement? Comment s'assurer que ce collège soit à la fois uni et représentatif des citoyens de Suisse? Au fond, le Conseil fédéral, ça change quoi pour vous?
Le Conseil fédéral, ça change quoi pour vous?
Le Conseil fédéral, ça change quoi pour vous? / Ça change quoi pour vous ? / 6 min. / le 7 décembre 2023

C'est l'une des particularités de la Suisse: depuis 1848, le pays est gouverné par sept personnes. Au début, les sept ministres étaient radicaux, les ancêtres du PLR. Progressivement, les grands partis du pays ont pu y être représentés selon le principe de la démocratie de concordance.

Les catholiques conservateurs, ancêtres du Centre, y gagnent un premier siège en 1891, puis un deuxième en 1919. Le Parti des paysans, artisans et bourgeois (PAB), ancêtre, lui, de l'UDC, y entre en 1929, suivi des sociaux-démocrates, ancêtres du PS, pendant la guerre en 1943.

La formule magique

En 1959, ces quatre grands partis se mettent d'accord sur ce qu'on a appelé la formule magique (deux PLR, deux PDC, deux socialistes, un UDC), qui durera une quarantaine d'années.

"Elle a en partie perduré à partir des années 80-90, un peu par inertie. La Suisse a été soumise à une telle commotion sur le plan extérieur, avec la chute du communisme et le projet européen, qu'elle s'est recroquevillée dans son passé", analysait sur la RTS Francis Python, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Fribourg.

En 2003, l'élection de Christoph Blocher donne un deuxième siège à l'UDC, aux dépens du PDC (l'actuel Centre). Cet équilibre est aujourd'hui de plus en plus discuté en raison de l'évolution du poids des partis. Le PLR (14,3%) et Le Centre (14,1%) sont presque au même niveau en termes de part électorale, mais les premiers ont deux ministres, alors que les seconds n'en ont qu'une. Les Vert.e.s, qui flirtent avec les 10%, ne sont pas représentés au gouvernement.

Certains s'opposent toutefois à un changement de configuration. "J'entends des discours qui méprisent ce qu'est la formule magique. Il s'agit de 60 ans de prospérité, de sécurité, de liberté. Je m'inscris en faux face à ceux qui voudraient aujourd'hui la balayer comme une vieillerie qui sent la naphtaline", pestait en juillet dernier dans l'émission Forum le président de l'UDC Vaud Kevin Grangier.

>> Le sujet du 19h30 sur la question de la redéfinition de la formule magique :

Alors que le Centre est désormais le 3e parti de Suisse, la "formule magique" du Conseil fédéral doit-elle être redéfinie ?
Alors que le Centre est désormais le 3e parti de Suisse, la "formule magique" du Conseil fédéral doit-elle être redéfinie ? / 19h30 / 2 min. / le 23 octobre 2023

Les enjeux de l'élection du 13 décembre

Pour remplacer le conseiller fédéral et actuel président de la Confédération Alain Berset, le Parti socialiste présente deux candidats à l'élection du Conseil fédéral. Mais chacun des sièges peut être potentiellement attaqué. Les rumeurs évoquent notamment de celui du PLR Ignazio Cassis, ministre en charge des Affaires étrangères.

"On voit que le PLR est historiquement bas. Ils doivent prendre leurs responsabilités pour la démocratie", estimait au 19h30 Aline Trede, cheffe du groupe des Vert.e.s au Parlement, après les élections fédérales du 22 octobre. Le parti écologiste a par la suite décidé de lancer un candidat en la personne du Fribourgeois Gerhard Andrey.

>> Lire à ce sujet : Les Vert-e-s lancent officiellement Gerhard Andrey pour le Conseil fédéral

Il n'est pas le premier Vert à se lancer dans la course au Conseil fédéral. Avant lui, Regula Ritz, Luc Recordon et de nombreuses élues vertes ont tenté leur chance mais ont échoué. Pour cette élection, Gerhard Andrey n'est ni soutenu au centre ni réellement à gauche. Ses chances de décrocher un siège sont donc minces. Mais l'histoire de la politique suisse a montré que ces attaques fonctionnent parfois. Christophe Blocher avait par exemple été évincé par Eveline Widmer-Schlumpf, après avoir lui-même évincé Ruth Metzler.

>> Lire aussi : Les autres partis affichent des doutes quant à une candidature verte au Conseil fédéral

Une autre idée d'aménagement du gouvernement, relancée en 2019, concerne le nombre de sièges du Conseil fédéral, afin de le faire passer de 7 à 9 membres. "Cela permettrait de garantir une large représentativité des minorités, qu'elles soient linguistiques, régionales ou culturelles. Une forme d'éclatement des partis politiques au niveau des Chambres fédérales garantirait une meilleure représentativité de la population", argumentait dans le 19h30 le conseiller aux Etats jurassien Charles Juillard, député du Centre, en 2019.

La représentativité

Le Conseil fédéral se doit d'être représentatif. Outre les partis, le genre, la langue et la région sont aussi des critères importants. Le 10 mars 1993, 10'000 féministes avaient soutenu Christiane Brunner pour succéder à René Felber. La candidate socialiste s'était vu barrer la route par le Parlement, qui lui avait préféré le Neuchâtelois Francis Matthey. Ce dernier refusera son élection en faveur de la Genevoise Ruth Dreifuss.

Les deux hommes alémaniques proposés par le PS pour succéder à Alain Berset lors de l'élection du 13 décembre prochain présentent des différences. Le Bâlois Beat Jans est urbain et expérimenté, il équilibrerait ainsi un Conseil fédéral plutôt rural. "Je représente les grandes villes. Dans un moment où le fossé entre la campagne et les villes grandit, nous avons besoin de quelqu'un qui construit des ponts", a déclaré le candidat dans le 19h30.

De son côté, le Grison Jon Pult parle le romanche et est originaire de la campagne. A 39 ans, il est plus jeune que la moyenne d'âge du gouvernement, qui s'élève à 59 ans, soit l'âge de Beat Jans.

>> Lire aussi : Beat Jans face à Jon Pult, l'expérimenté Bâlois ou l'étoile montante grisonne au Conseil fédéral?

Selon la conseillère aux Etat neuchâteloise verte Céline Vara, "l'âge est primordial, car le Conseil fédéral est très peu représentatif" sur ce critère. "Nous avons un gouvernement qui avoisine les 60 ans. Vous n'avez pas les mêmes préoccupations à 60 ans qu'à 30 ans. Sur sept sages qui gouvernent en Suisse, il devrait y en avoir un ou deux qui ont moins de 50 ans", a-t-elle plaidé début décembre au micro de la RTS.

>> Le sujet du 19h30 sur la question de l'âge des membres du Conseil fédéral :

La prochaine élection du successeur d'Alain Berset pose la question de l'âge des membres du Conseil fédéral.
La prochaine élection du successeur d'Alain Berset pose la question de l'âge des membres du Conseil fédéral. / 19h30 / 2 min. / le 1 décembre 2023

La collégialité

Quelle que soit leur couleur politique, les conseillères et conseillers fédéraux doivent d'abord représenter le Conseil fédéral et s'efforcer de parler d'une seule voix. Parfois, ils se retrouvent à porter des réformes ou des projets qui vont à l'encontre de leur parti.

En remplaçant la socialiste Simonetta Sommaruga à la tête du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC), le conseiller fédéral UDC Albert Rösti a par exemple dû défendre la loi climat qu'il combattait avant son élection.

>> Lire à ce sujet : Albert Rösti défend la loi climat, attaquée en référendum par son parti

Les ministres sont aussi tenus à la confidentialité sur les discussions du gouvernement. C'est d'ailleurs ce qui a été fortement reproché au conseiller fédéral Alain Berset dans l'affaire des Corona Leaks, ces indiscrétions dans la presse sur les restrictions liées à la pandémie de Covid-19. Les commissions d'enquête du Parlement qui se sont penchées sur l'affaire ont dénoncé une ambiance délétère au Conseil fédéral. La ministre en charge des Finances Karin Keller-Sutter réfutait dimanche dernier ce constat.

>> Relire : Le climat au Conseil fédéral est très bon, assure Karin Keller-Sutter

Et vous dans tout cela?

En Suisse, la population ne choisit qu'indirectement les personnes qui la gouvernent. Elle peut toutefois compter sur le fait que sept cerveaux valent mieux qu'un.

Son levier d'action existe au travers des élections fédérales, qui se sont tenues en octobre dernier. Les prochaines auront lieu dans quatre ans.

Si le gouvernement suisse semble parfois loin du quotidien des citoyennes et citoyens, il prend pourtant toutes les semaines des décisions qui les concernent directement. En cas de crise, son impact est encore plus grand, comme on a pu le voir avec le droit d'urgence pendant la pandémie.

Claire Burgy

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