Rebecca Durollet: "Les femmes sont beaucoup plus nombreuses à vieillir sans proches aidants"
Les personnes âgées avec "des proches qui travaillent, avec une vie familiale active, avec un éloignement géographique ou qui ont de mauvaises relation" sont susceptibles de vieillir seules, explique Rebecca Durollet, porte-parole de l'étude en Suisse romande, à la RTS lundi matin.
Selon l'étude, c'est la conséquence principale du principe de favoriser l'ambulatoire avant le stationnaire. "On a envie que les personnes puissent vieillir chez elles, ce qui est une très bonne chose. Mais dans cette politique de l'ambulatoire au stationnaire, on compte énormément sur les proches aidants et on sait peu ce que l'on peut faire si ces proches n'existent pas", détaille la docteure en géographie sociale. Ces personnes peuvent connaître des "obstacles structurels et financiers", peut-on encore lire dans l'étude.
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L'étude, dirigée par le professeur Carlo Knöpfel et menée à la Haute école de travail social FHNW, a été mandatée par un consortium de huit fondations et organisations actives en Suisse. Pour obtenir ces résultats, les enquêteurs ont recueilli les besoins et les témoignages des personnes âgées qui vieillissent sans leurs proches dans cinq localités suisses choisies pour leur diversité.
Beaucoup plus de femmes se retrouvent seules et sont sujettes à des situations très précaires dans la vieillesse
Les femmes sont particulièrement concernées par cette situation de vieillesse solitaire. "Un pourcentage plus élevé" de femmes "se retrouvent seules et sont sujettes à des situations très précaires dans la vieillesse", constate la porte-parole pour la Suisse romande.
Parmi les raisons évoquées, les femmes sont plus nombreuses à "avoir fait un travail non rémunéré durant leur existence et donc à avoir des rentes beaucoup plus basses à l'âge AVS".
Evolution sociétale
Les "changements structurels des sociétés modernes" sont également pointés du doigt par l'étude. Rebecca Durollet précise que, en raison de l'"évolution sociétale, de plus en plus de femmes s'inscrivent sur le marché du travail rémunéré et sont donc moins disponibles pour assurer ce rôle". Car comme elle le rappelle, "ce sont surtout les femmes qui prennent soin de leurs parents âgés".
Mais l'invitée de la RTS note que toutes les personnes qui vivent sans leurs proches ne le voient pas d'un mauvais oeil. "Certaines personnes sont très contentes. C'est un choix". Tandis que pour d'autres, c'est plus difficile. "Elles ont un sentiment de solitude permanent ou ponctuel, surtout en fin de semaine par exemple."
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Accompagnement psycho-social
L'étude met aussi en exergue le lien entre solitude et précarité. En effet, le bien-être psycho-social n'est pas pris en charge en Suisse, alors que les soins physiques le sont. "L'accompagnement psycho-social n'est actuellement pas financé et ça manque", relève Rebecca Durollet. "Certaines personnes peuvent se l'offrir et d'autres pas", fait-elle remarquer. "Dès que ça coûte, ça crée des inégalités importantes."
Pour combattre ces inégalités, l'étude recommande de favoriser le financement de l'accompagnement psycho-social. "Ça contribuerait au bien-être des personnes âgées mais ça contribuerait aussi à faire de la prévention, à aller mieux et à garantir une meilleure santé globale en permettant de mieux détecter les petits problèmes. Donc ça aurait aussi un intérêt pour la collectivité", conclut la porte-parole.
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Julie Marty