L'intersexuation ne concerne pas uniquement des organes génitaux ou un système reproducteur atypique comme un clitoris plus grand que la norme ou l'absence d'utérus. Au total, il existe plus de 40 combinaisons de variations possibles. L'intersexuation touche aussi parfois les chromosomes et les hormones.
Ces variations sont donc plus ou moins visibles. Certaines personnes les découvrent à l'âge adulte, mais souvent elles sont constatées à la naissance. Et les parents se retrouvent face à une décision très lourde à prendre: aligner ou non les caractéristiques sexuelles de leur enfant à un corps binaire masculin ou féminin.
Cela passe par des prises d'hormones ou des opérations chirurgicales, notamment une vaginoplastie ou une construction de pénis. Certains parents acceptent, d'autres refusent.
"C'est à notre enfant de décider"
Interrogée lundi dans La Matinale de la RTS, une mère zurichoise qui souhaite rester anonyme a donné naissance à un enfant intersexué il y a deux ans et demi. Elle décrit l'hôpital comme "très compétent" et "soutenant", mais ajoute que, quand elle a décliné les propositions des médecins, elle a fait face à quelques pressions. "Ils nous ont un peu poussés à donner des hormones parce que, vis-à-vis de la société, ce n'est pas facile d'avoir un enfant qui est 'les deux'", explique-t-elle.
Vis-à-vis de la société, ce n'est pas facile d'avoir un enfant qui est 'les deux'
Et d'ajouter: "La plupart du temps, on n'opère pas ces enfants pour des raisons médicales, mais pour des raisons sociales, ce qui est très discutable. C'est à la société de changer, pas à mon enfant. Si nous l'avions fait, nous aurions fait de notre enfant un garçon. Mais je trouve que c'est une décision divine et que nous n'avons aucune raison de le faire de notre côté. C'est à notre enfant de décider!"
Manque d'informations
Deborah Abate, cofondatrice de l'association romande pour les personnes intersexuées InterAction, confie que trop peu de parents refusent encore les propositions des médecins. "Les opérations peuvent intervenir pour les parents comme une manière d'agir par rapport à une situation remplie d'incertitudes. Les parents n'arrivent pas à réaliser que ce n'est pas de la magie, c'est de la chirurgie. Cela a des implications à long terme sur la sexualité de l'enfant, sur son bien-être."
Car certains d'entre eux n'avaient jamais entendu parler d'intersexuation. "Au début, j'étais choquée, j'avais peur...", témoigne la maman rencontrée par la RTS. "Je ne savais pas comment la société réagirait face à un enfant intersexué. Mais plus j'ai appris à connaître mon enfant, plus j'ai vu qu'il était très sûr de lui et que je n'avais pas à avoir peur."
Deux motions en débat
L'une des motions discutées au Conseil des Etats cette semaine vise à interdire ces pratiques sur les enfants. Ce texte déposé par le conseiller aux Etats Matthias Michel (PLR/ZG) a peu de chance d'aboutir. Car, selon le Conseil fédéral, certaines de ces interventions sont déjà pénalement répréhensibles.
Mais le milieu associatif insiste sur l'importance d'un article dédié à l'intersexuation. Et les associations ne sont pas les seules à critiquer ces pratiques. A plusieurs reprises, la Suisse a été épinglée sur le sujet par des comités de l'ONU.
La seconde motion va moins loin. Portée par la commission des affaires juridiques, elle demande au gouvernement de veiller au cadre éthique autour des opérations et des traitements des enfants intersexués.
Pour l'heure, les directives exactes ne sont pas encore formulées. Si la motion est acceptée, les organisations des personnes concernées pourront participer au processus. "Elle encourt le risque d'enfermer encore plus les personnes concernées dans des protocoles. Et étant donné qu'actuellement le paradigme médical est problématique, cela risque de le renforcer plutôt que de l'améliorer et de le décloisonner", souligne Deborah Abate.
Mathilde Salamin/vajo