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L'augmentation du nombre de mineurs roms dans les rues genevoises interroge

Une mendiante avec un enfant, sur le Pont de la Machine, à Genève. [keystone]
Le nombre d'enfants sans-abris de la communauté rom augmente à Genève / La Matinale / 4 min. / le 22 décembre 2023
De nombreux sans-abri passeront Noël dans la rue. Parmi eux, à Genève, plus d'une dizaine d'enfants de la communauté rom, dont un bébé de six mois. Et c'est sans compter ceux qui dorment dans des hébergements d'urgence.

L'association Mesemrom apporte régulièrement de la soupe aux familles roms qui ont élu domicile au bord du Rhône à Genève. Originaires de Roumanie, ces dernières vivent pour la plupart dans des tentes installées sous les ponts.

"Je dors là", explique au micro de La Matinale l'une d'entre eux. "D'ailleurs, le fermoir de la tente est cassé. J'ai mis une couverture dessus pour qu'il fasse moins froid, parce que j'ai très froid." Elle avoue se laver dans l'eau froide, "juste à côté". "J'ai besoin d'un endroit pour dormir à l'intérieur, parce que dormir ici ce n'est pas possible. Je n'ai pas d'habits chauds, ni de couverture", poursuit-elle.

"Moi, je vis ici depuis trois mois, avec ma femme et mon enfant, qui est à l'école", poursuit un homme, lui aussi issu de la communauté rom de Genève. Il confie avoir essayé de trouver des places dans un abri PC, mais sans succès. "A la Servette aussi, il y a plein d'enfants qui dorment dehors."

"Ils devraient donner une place au moins pour les enfants qui vont à l'école", tonne l'un de ses compagnons d'infortune. "Vers la discothèque, vers l'hôpital, il y a plein de gens qui dorment et même un enfant dans une poussette."

Changement concernant le suivi des familles roms à Genève

Il faut dire que le suivi des familles roms a changé à Genève, ce qui explique pourquoi des enfants issus de cette communauté vivent davantage aujourd'hui dans la rue. Peu après le Covid, le service de protection des mineurs a en effet mis un terme à son accompagnement des mineurs roms en situation de précarité.

Avant cela, il aidait les familles à se stabiliser et les redirigeait vers des structures d'aide. Mais le Département de l'instruction publique estime désormais que "les enfants vivant dans la rue avec leur famille sont avant tout sous la responsabilité de leurs parents". Le département précise qu'il intervient seulement en cas de mise en danger immédiate de l'enfant, comme lors d'un grand froid. Un changement de pratique que regrettent les acteurs du terrain.

A noter aussi que les familles roms peuvent prétendre aux hébergements d'urgence mis à disposition par la Ville de Genève. Cependant, les places manquent. D'ailleurs, la Ville a indiqué à la RTS être préoccupée par la situation et ouvrir des places supplémentaires pour les familles cet hiver.

Ils se sentent "oubliés"

Sur le terrain, les Roms disent se sentir "oubliés". Ils déplorent un traitement différencié à leur égard, rappelant qu'ils sont Européens et qu'ils veulent trouver du travail. Ce qui est mal compris du grand public, selon Yann Waechter, coordinateur du pôle de médiation intercommunautaire à Caritas Genève.

"Il y a souvent cette idée d'une communauté rom qui serait nomade. On estime pourtant à 10% le nombre de Roms qui seraient nomades. Et quand on parle des Roms de l'Europe de l'Est, on est même pas à 1%." Il déplore ainsi une confusion entre migration économique et nomadisme. "Ce qui amène une grande confusion en attachant la vie à la rue à une espèce de culture de liberté. Ce qui permet de cacher, probablement, la source qui est la grande pécarité."

Précarité invisible

Une précarité parfois invisible puisque les enfants roms peuvent être scolarisés. Il est donc fréquent qu'ils aillent à l'école tout en vivant dans la rue, comme en témoigne ce père de deux enfants en bas âge.

"Les enfants n'en parlent pas forcément à l'école mais tout le monde le sait. Les maîtresses, les enseignants mais aussi les élèves. Parfois, les enfants me disent: 'papa, papa, il y a une petite fille qui m'a dit qu'on est pauvres, qu'on dort dehors. Comment elle le sait?' C'est pas simple, mais on doit dépasser ces moments-là."

Certaines villes, à l'instar de Lausanne, gèrent le problème autrement. Pour aider les familles précaires, dont des familles roms, la capitale vaudoise vient de déployer un projet pilote d'hébergements d'urgence de transition. L'objectif est que chaque enfant scolarisé ait un toit. Ce dispositif a déjà permis de stabiliser la moitié des situations suivies à ce jour, selon la municipale Emilie Moeschler.

Charlotte Frossard/fgn

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