"On commence la journée à 7h avec un planning de livraison et à 7h30, il est déjà chamboulé": Frédéric Voisin ne cache pas sa lassitude. Son entreprise, CHN Transports, basée à Nyon, est prise en étau entre Genève et Lausanne. Pour lui, la situation sur l’A1 n'est plus tenable, il estime que les embouteillages génèrent un manque-à-gagner de 1260 francs par semaine.
Une troisième voie entre le Vengeron (GE) et Nyon
Pour juguler le trafic, le Conseil fédéral a prévu d'élargir les autoroutes sur six tronçons. Un projet estimé à 5,3 milliards de francs. Côté romand, Berne veut élargir la section Nyon-le Vengeron de l'A1 à trois voies dans les deux sens. "C'est indispensable", estime Frédéric Voisin. "On a une autoroute qui n'a presque pas bougé depuis 60 ans. Elle a été prévue pour 15 à 20'000 véhicules par jour, aujourd'hui on en a plus de 100'000. Il faut trouver des solutions pour que ce soit plus fluide."
40'000 heures de bouchons
En 2022, l'Office fédéral des routes a enregistré près de 40'000 heures d'embouteillage, du jamais vu.
Derrière ses six écrans, Daniel surveille la situation de près. Dans la centrale de gestion du trafic de l'Office fédéral des routes, à Emmen, les aiguilleurs de la route se tiennent prêts à intervenir.
"Le réseau autoroutier suisse est couvert par plus de 5000 caméras. Mon rôle, c'est d'observer l'état du trafic. S'il y a des embouteillages, je peux mettre en place des déviations et j'envoie une notification pour informer les usagers de ce qui se passe."
Élargir les routes a-t-il encore du sens?
Face aux embouteillages quotidiens sur l’A1, certains renoncent à prendre la voiture. À la gare de Nyon, Delphine Barut, comédienne et mère de deux enfants, se déplace uniquement en train et à vélo. Il lui faut une quinzaine de minutes à vélo pour rejoindre le village de Duillier.
"Quand je vois toutes ces voitures les unes derrière les autres avec une seule personne par véhicule, je trouve ça vraiment dommage. Avec tout ce qu'on nous dit sur l’écologie, il faudrait plutôt se concentrer sur les transports publics."
Son mari Emile abonde dans le même sens: "Si on favorise la voiture, plus de gens vont choisir ce mode de transport. Cela va rajouter de la circulation et à Duillier, par exemple, il n'y a qu'une route et il y a déjà pas mal de circulation".
Plus de routes, plus de voitures
Quel est l'impact d'un élargissement autoroutier? Au nord de Zurich, l'OFROU vient de mettre en service un troisième tube dans le tunnel de contournement du Gubrist. "Le trafic circule nettement mieux et il y a 75% d’accidents en moins. La circulation sur les routes régionales s'est reportée sur l'autoroute. On a donc les voitures là où on les veut, c'est-à-dire sur les autoroutes", explique Lorenzo Quolantoni, porte-parole de l'OFROU.
À Morges, on peut mesurer l'impact. Depuis 2013 la bande d'arrêt d'urgence fait office de 3ème voie lors des heures de pointe. "On observe une augmentation de la fréquentation depuis que la troisième voie a été ouverte de 1 à 2% par rapport à la moyenne lausannoise", admet le porte-parole de l'OFROU. "Mais pour nous, c'est une croissance endémique, il y a plus d'habitants en Suisse et donc plus de voitures sur les routes. Les deux vont de pair."
Joëlle Cachin
Adaptation web: Katia Bitsch
Une solution à long terme?
Sylvain Guillaume-Gentil, directeur du bureau d’ingénieurs Transitec, admet dans l'émission Forum que dans un premier temps la sixième voie va fluidifier le trafic.
À long terme, c'est autre chose: "Le trafic augmente année après année et souvent au bout d'un certain nombre d'années, vous retrouvez à peu près dans le même genre de situation, mais avec trois voies à ce moment-là qui sont saturées".
Il insiste sur l'importance de distinguer le trafic pour des motifs professionnels, pendulaires ou pour les loisirs. Et pour les professionnels il est plus difficile de trouver des alternatives: "C'est plus difficile pour eux parce qu'il y a des marchandises ou des contraintes liées aux véhicules. Dans les villes on peut qualifier ce trafic professionnel de trafic utile".
Il faut alors inciter les autres usagers qui ont le choix à opter pour d'autres moyens de transport.