La vice-directrice de la Coopération suisse perd son poste sur fond de crise au Proche-Orient
La vice-directrice de la Coopération suisse Andrea Studer semble faire les frais de l’affaire des ONG palestiniennes sanctionnées par le DFAE au mois de novembre dernier. Ce dossier a suscité une vive polémique et quelques couacs de communication qui ont visiblement déplu à Ignazio Cassis. Le chef du département estime avoir été mal informé au départ sur la solidité des soupçons que le DFAE a dit détenir contre 11 ONG palestiniennes et israéliennes.
Leurs noms ont été rendus publics en indiquant que leur financement était suspendu en raison d’indices de violation du code de conduite de la coopération suisse. En clair, il leur était reproché d’avoir potentiellement dérapé dans leur communication en ne condamnant pas clairement l’attaque du Hamas contre des civils israéliens le 7 octobre dernier.
Des soupçons qui se sont dégonflés
Cet effet d’annonce, appuyé par des déclarations d’Ignazio Cassis lui-même en conférence de presse, a été vivement critiqué par les milieux de défense des droits de l’homme et le DFAE s’est vu reprocher de s’appuyer sur des accusations diffusées par le camp pro-israélien. Des reproches qui ont redoublé après que le DFAE a annoncé n’avoir pu étayer ses soupçons que pour 3 ONG palestiniennes que la Suisse ne soutiendra plus.
Les milieux de défense des droits de l’homme ont écrit plusieurs lettres ouvertes à Ignazio Cassis pour dénoncer le dégât d’image causé à l’ensemble des ONG visées par le DFAE, alors qu’elles ont besoin plus que jamais d’être soutenues. La polémique a ainsi pris de l’ampleur et ont donné lieu à des explications houleuses au sein du DFAE, selon des sources concordantes. Le chef du département estimerait avoir reçu de mauvaises informations de la part des services de la vice-directrice de la DDC, en charge notamment de la région du Proche-Orient.
Un départ qui choque à l’interne
Plusieurs sources internes estiment qu’Andrea Studer paye donc la gestion de ce dossier et plus généralement les tensions entre Ignazio Cassis et la DDC accusée d’être un nid de gauchistes et de pencher trop fortement pour le camp palestinien. "C’est disproportionné d’en être arrivé à licencier cette vice-directrice compétente et expérimentée", confie une de ces sources. "La nouvelle de son débarquement a largement choqué", évoque un autre témoin.
Officiellement, le DFAE se refuse à tout commentaire sur ce départ. Tout au plus le service de communication confirme que la numéro 3 de la Coopération suisse quittera son poste à fin août de cette année. A l’interne, il a été précisé hier qu’Andrea Studer est en vacances et ne reviendra donc pas au bureau. La "rupture de confiance" aurait été évoquée pour justifier de mettre un terme au contrat de cette spécialiste de l’aide humanitaire.
La RTS n’a pas réussi à établir le contact avec Andrea Studer pour obtenir sa version des faits. Elle aura travaillé plus de vingt ans au service du DFAE. En poste depuis 2020 à la tête des régions Moyen-Orient, Europe et Afrique du Nord, elle gérait les deux pires crises du moment, soit la guerre en Ukraine et celle entre Israël et le Hamas.
Ludovic Rocchi, Marc Menichini, Pôle enquête RTS
"Le positionnement de la Suisse a été pour le moins brouillé"
Si la gestion du financement des ONG palestiniennes a effectivement été "mal faite", selon Micheline Calmy-Rey, il ne s'agirait pas du seul problème rencontré par la DDC. Invitée dans l'émission Forum, l'ancienne conseillère fédérale estime que globalement, "le positionnement de la Suisse a été pour le moins brouillé" dans le dossier israélo-palestinien.
L'ancienne ministre des Affaires étrangères cite notamment les critiques concernant le financement de l'UNRWA, l'organisation d'aide aux réfugiés palestiniens. "On a diminué ces financements, alors que l'on voit aujourd'hui que c'est une organisation qui est présente sur le terrain et qui est absolument indispensable pour apporter un tout petit peu - si c'est encore possible - d'aide aux populations palestiniennes", affirme-t-elle.
Enfin, Micheline Calmy-Rey souligne la contradiction d'une suspension du financement des organisations soutenant l'initiative de Genève, tout en prônant une solution à deux Etats. "On se gargarise aujourd'hui d'une solution à deux Etats mais l'initiative de Genève, c'était ça. C'était la concrétisation d'une solution à deux Etats", rappelle-t-elle.