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Chappatte déplore que le métier de dessinateur de presse soit "en voie d'extinction"

#Helvetica: Patrick Chappatte, dessinateur de presse
#Helvetica: Patrick Chappatte, dessinateur de presse / #Helvetica / 21 min. / le 27 janvier 2024
Pour Patrick Chappatte, dessinateur pour Le Temps et la NZZ am Sonntag, le métier de dessinateur de presse est en "voie d'extinction". "Perdre le moindre lecteur ou 'se taper' une tempête sur les réseaux sociaux fait peur aux directions des journaux", affirme-t-il dans l'émission de la RTS Helvetica.

Remontant à son enfance, Patrick Chappatte se décrit comme un "dessinateur maniaque" dès l'âge de 6-7 ans, déclarant avoir vécu la "période la plus productive" de sa carrière à 12 ans.

"Les brochures de conjugaison et de mathématiques étaient imprimées uniquement au recto, le verso étant blanc. J'ai donc des cartons entiers de bandes dessinées au recto de mes brochures d'école. J'ai tout de suite commencé par des histoires complètes et compliquées auxquelles je ne comprends plus rien (sourire). Le jeune Chappatte avait beaucoup de choses à dire!" raconte Chappatte, qui œuvre également sur la scène internationale dans Der Spiegel en Allemagne, Le Canard enchaîné en France et The Boston Globe aux Etats-Unis.

L'idée d'en faire un métier est venue bien plus tard. "Quand on est gamin, on dessine sans se poser de questions", souligne le dessinateur, qui amène désormais son crayon sur les planches dans son spectacle intitulé "Chappatte en scène, le spectacle dessiné".

Rendre fier son père

Chappatte se remémore fièrement le premier dessin publié dans le journal La Suisse. "Ce jour-là, j'ai été réveillé un samedi matin par les cris de mon père au salon: 'c'est mon fils, c'est mon fils!'"

Il poursuit: "Je n'ai eu de cesse de travailler pour être publié dans La Suisse et Newsweek, les seuls journaux auxquels mon père était abonné. Tous les enfants veulent épater leur papa." Sa mère était déçue de son choix de devenir dessinateur plutôt que chirurgien, un métier que Chappatte envisageait dans sa jeunesse. "Elle pensait que j'allais devenir le Dr. Chappatte."

Reconnaissance de... l'EPFL

Ironie de l'histoire, en 2022, le Genevois s'est vu attribuer un doctorat honoris causa par l'EPFL. Avec un sourire, il raconte: "Le président de l'EPFL ne m'a pas demandé mes notes en mathématiques (rires)."

Intrigué par ces honneurs, il interrogea le président sur le lien entre le dessin de presse et une institution réputée pour les sciences et la technologie. La réponse du président s'est révélée "convaincante" pour Chappatte: "Je veux introduire plus d'humanité dans le cursus de mes élèves. Ils vont développer des algorithmes, travailler chez Google... Ils vont changer notre monde, mais il faut qu'ils réfléchissent à ce qu'ils font."

Le dessin de presse, malgré tout ce qu'on en dit et des polémiques globales, reste très local

Patrick Chappatte

Avec humour, Chappatte se décrit comme le "meilleur dessinateur de la rive gauche de Genève", soulignant la relative rareté des dessinateurs de presse internationaux. "Le dessin de presse, malgré tout ce qu'on en dit et des polémiques globales, reste très local. (...) Vous connaissez les dessinateurs brésiliens? Non. Pourtant, chez eux, ce sont des stars."

Un avenir incertain

Il note que le dessin de presse est une catégorie "en voie d'extinction" en raison de la disparition de certains titres et de l'arrêt de la publication de dessins de presse par des journaux renommés tels que le New York Times, pour lequel il a travaillé pendant plus de vingt ans. Il juge toutefois qu'il "pourra vivre en dehors de la presse", notamment en ligne.

Chappatte exprime sa préoccupation quant à l'avenir du dessin de presse, soulignant la frilosité des rédactions face aux critiques sur les réseaux sociaux. Il explique que "les rédactions en chef sont refroidies par les coupes économiques. Perdre le moindre lecteur ou 'se taper' une tempête sur les réseaux sociaux fait peur aux directions des journaux... La meilleure manière de gérer le dessin de presse est de ne pas en avoir... Le New York Times a appliqué le principe de précaution à l'humour".

"Un métier de commentateur utilisant l'humour"

Malgré les polémiques, dont une récente liée à un dessin pour Der Spiegel critiqué par le gouvernement indien, Chappatte reste fidèle à sa mission de commenter des questions politiques à travers ses dessins.

"Nous tournions en rond, se demandant si l'on avait le courage ou non de représenter Mahomet, comme si c'était le véritable enjeu. Or, ce n'était pas le cas. Il n'est jamais question de religion, mais plutôt de politique. Que ce soit dans le contexte de la région catholique et des problématiques liées à la pédophilie, le véritable sujet n'est pas la religion, mais bien le pouvoir de l'Eglise et les abus commis par les prêtres."

Et de poursuivre: "Je n'ai pas l'intention de cesser d'aborder ce sujet, mais toujours sous l'angle politique."

Il souligne la nécessité, malgré "les polémiques qui tendent à se multiplier", de ne pas céder face à la pression des réseaux sociaux. Encouragé à monter sur scène pour porter son "plaidoyer", il affirme que son métier de dessinateur de presse est avant tout "un métier de commentateur utilisant l'humour".

Propos recueillis par Philippe Revaz

Adaptation web: vajo

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