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Prisons suisses: le nouveau code pénal sans effet

La prison est occupée à plus de 200%.
La prison préventive de Champ-Dollon, à Genève, est occupée à plus de 200%.
La mort d'un prisonnier à Bochuz (VD) ou la hausse vertigineuse du nombre de détenus à Champ-Dollon (GE) jettent une lumière crue sur les prisons. Introduit en 2007, le nouveau code pénal n'a pas soulagé les établissements comme espéré, du moins pas dans les cantons romands, et encore moins à Genève.

"Trois ans après l'introduction du nouveau code pénal, censé
humaniser le système, la situation s'est détériorée", de l'avis
d'André Kuhn, professeur à l'institut de criminologie et de droit
pénal à Lausanne.

Des incarcérations toujours plus longues

Avec ce nouveau système de sanctions, abolissant les courtes
peines privatives de liberté, on a transféré une partie des
sanctions de 4 mois de prison vers des peines de 6 mois, celles de
6 mois vers 8, etc., explique le professeur.



"Cet allongement général de la durée des peines a conduit à un
accroissement de la population carcérale, ce qui implique moins
d'encadrement personnalisé des détenus, moins de resocialisation et
du coup moins de chances de liberté conditionnelle", énumère le
criminologue. Au final, on est arrivé à davantage de sévérité de la
part des juges.



La Suisse comptait, fin 2009, 6084 détenus pour un taux
d'occupation des prisons de 91%, selon les données de l'Office
fédéral de la statistique (OFS). Si en Suisse alémanique le nombre
de prisonniers est resté stable depuis 1999, la situation s'est
aggravée en Suisse romande.



Le concordat latin, l'un des trois au niveau national qui regroupe
Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Vaud, Valais et Tessin, a
enregistré l'an passé 2085 détenus pour 2082 places
disponibles.

La préventive, une spécialité romande

Mais cette statistique est trompeuse notamment pour les
établissements prévus pour la détention avant jugement. A Lausanne,
Bois-Mermet (100 places) est occupé à 160%, La Croisée (170 places)
à Orbe (VD) à 130%. La palme revient à Champ-Dollon (GE) avec 567
détenus pour 270 places en mars, soit plus du double des
capacités.



La surutilisation des détentions préventives dans le canton du
bout du lac est reconnue par la profession. Et elle ne date pas
d'hier. Christian-Nils Robert, ancien professeur de droit pénal à
l'université de Genève, a publié deux études comparatives sur la
détention préventive, l'une en 1972, l'autre de 2006.



Dans la première, il comparait Genève aux autres cantons romands,
dans la seconde, Genève à Bâle-Ville. "Toutes deux aboutissent au
même résultat, à savoir qu'on arrête plus qu'ailleurs à Genève",
résume le pénaliste.



Interrogé sur les raisons de cette particularité genevoise,
Christian Robert évoque l'hypothèse de l'influence de la France où
règne la culture de l'aveu au moyen de la prison. Pour André Kuhn,
la différence entre cantons alémaniques et romands reflète en effet
une pratique qui varie en Europe, du Nord au Sud.

Punir un peu pour mieux réinsérer

Dans les pays nordiques, on recense environ 70 personnes
incarcérées pour 100'000 habitants, alors qu'en France, on compte
plus de 100 personnes pour 100'000. En Suisse, on en est à 80 sur
100'000.



Dans les pays nordiques, on privilégie des peines courtes qui
donnent de meilleures chances de réinsertion, ce qui au final
diminue le taux de criminalité. Et le juriste de rappeler que la
majorité des infractions en Suisse sont le fait de personnes qui
n'ont jamais commis de délits pénaux auparavant.



Pour Christian-Nils Robert, une amélioration devrait intervenir
avec l'unification de la procédure pénale qui entrera en vigueur le
1er janvier 2011 pour tous les cantons suisses.



ats/jeh

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Mental des détenus à prendre en compte

Après le décès du détenu de Bochuz, la toute nouvelle commission indépendante de prévention de la torture veut se saisir du problème des prisonniers présentant des troubles mentaux.

Dans le cas vaudois, l'homme est mort dans les fumées de l'incendie qu'il avait allumé.

"Pour la commission, qui est entrée en fonction le 1er janvier, il s'agira en priorité de recenser le nombre de détenus présentant des troubles de la personnalité et d'examiner leurs conditions de détention", estime son président, Jean-Pierre Restellini.

La présence croissante de ces asociaux est en partie due au nouveau code pénal introduit en 2007.

L'article 64 stipule qu'un juge peut ordonner l'internement pour une durée indéterminée si l'auteur d'un délit grave est sujet à "un grave trouble mental chronique ou récurrent" et pour qui plus aucun traitement en unité psychiatrique n'est envisageable.

Pour Jean-Pierre Restellini, la présence de ces personnes mentalement fragiles dans les prisons est problématique à la fois pour les malades eux-mêmes et pour les gardiens qui souvent ne sont pas formés de façon adéquate.

Le Conseil de l'Europe a déjà épinglé la Suisse pour le manque de suivi apporté à ces détenus.