Le lac de Neuchâtel atteint un niveau record et suscite des inquiétudes à Yverdon

De nouvelles précipitations ont aggravé dans la nuit de jeudi à vendredi la situation autour des lacs et des cours d'eau en Suisse. Si le niveau de certaines rivières a diminué quelque peu, celui des lacs a continué d'augmenter.

Le degré d'alerte le plus élevé (5) reste en vigueur pour les lacs des Quatre-Cantons, de Thoune et de Bienne. La vigilance est aussi désormais de mise concernant les lacs de Neuchâtel et de Morat. Le niveau de l'Aar est également très inquiétant.

>> Le point de situation à la mi-journée dans le 12h30 :

Keystone - Urs Füeler

Le niveau du lac des Quatre-Cantons atteint désormais la marque critique entraînant l'inondation d'une partie du centre-ville de Lucerne. Les ponts piétonniers de la vieille ville sont fermés, ainsi que la jonction autoroutière la plus proche.

Au nord, le Rhin est aussi proche de son pic. La protection civile de Bâle-Ville est en train de déposer des digues de sable sur les rives.

Suite aux intempéries des derniers jours, le réseau d'eau potable de plusieurs communes vaudoises a été contaminé, notamment à Oron.

"Nous avons appris du laboratoire qu'une partie du réseau d'Oron était contaminée avec des germes", indique la commune sur son site internet. Elle explique que les réservoirs d'eau ont été chlorés et que le réseau a été purgé, dans l'attente de nouvelles analyses.

Outre Oron, les localités voisines de Châtillens, Vuibroye, Palézieux-village, Chesalles, Bussigny-sur-Oron et Oron-le-Châtel sont touchées. Des germes ont aussi été détectés dans le réseau alimentant Daillens, Penthaz et Penthalaz.

Ces communes demandent à leurs habitants de bouillir l'eau avant de la consommer. L'eau ne doit pas être bue au robinet, ni utilisée pour laver des aliments.

Pompiers et secours toujours en alerte

Les pompiers vaudois s'activent aussi pour limiter les inondations et protéger les installations publiques. Leurs efforts se concentrent dans le Chablais, les Préalpes et la région Nord vaudois-Broye, où les eaux du lac de Neuchâtel continuent de monter.

"Notre priorité est de sécuriser les installations publiques nécessaires au plus grand nombre, comme les STEP, les réseaux d'eau potable ou les stations électriques", a expliqué l'état-major cantonal de conduite.

Trois secteurs font l'objet d'une attention particulière. Dans le Chablais, la nappe phréatique est saturée. Il y a de l'eau un peu partout. Et elle s'infiltre souvent dans les caves.

Pieds dans l'eau

Des inondations de ruissellement sont également signalées dans les Préalpes vaudoises. De nombreuses habitations ont subi une inondation.

Le troisième point critique se situe dans le nord du canton. Les eaux des lacs de Neuchâtel et de Morat continuent de monter. Les maisons proches des rives se retrouvent les pieds dans l'eau. D'ici vendredi soir, entre 500 et 600 mètres de barrages de protection auront été installés pour protéger les zones sensibles.

Des évacuations ponctuelles de camping ont été effectuées à Cudrefin, dans le secteur d'Yvonand et à Grandson. Selon les prévisions, le niveau du lac de Neuchâtel devrait continuer de grimper jusqu'à samedi.

>> Regarder au 12h45, "La navigation est désormais interdite sur les lacs de Bienne, Neuchâtel et Morat" :

Yverdon interdit l'accès au bord du lac

L'accès aux rives et aux berges est également strictement interdit à Yverdon-les-Bains. Les services communaux surveillent la situation de près. Le retour à la normale pourrait prendre plusieurs jours, voire une semaine.

"La situation est critique, mais sous contrôle", a expliqué vendredi à Keystone-ATS le municipal Christian Weiler. "A Yverdon, le lac de Neuchâtel est arrivé vendredi à un niveau d'eau jamais atteint depuis 1954. Et cela risque de se péjorer dans les heures et jours à venir".

Selon les prévisions, la bise pourrait se lever dimanche et déstabiliser les arbres qui se retrouvent les pieds dans l'eau. Conséquence: les bords du lac sont interdits d'accès.

Eviter les abords des cours d'eau

"La situation continuera à être critique ces prochains jours", relève la porte-parole de la police vaudoise, qui ajoute que si le lac Léman est, lui aussi, en train de monter, la situation semble "moins problématique" qu'autour des lacs de Neuchâtel et Morat. La police recommande également à la population d'éviter les abords des cours d'eau, en particulier pour le Rhône et la Broye.

Du fait de la saturation des sols et des nouvelles précipitations attendues, des éboulements localisés, des chutes d'arbres ou des débordements de cours d'eau pourraient se produire avec les précipitions encore à venir, avertit le canton qui a lancé un appel à la prudence.

La route du Lac fermée

En raison d'un éboulement, la Route du Lac est fermée entre Cully et Rivaz jusqu'à nouvel avis. La fermeture de ce tronçon longeant le lac Léman devrait durer plusieurs jours. Les forces de l'ordre recommandent d'éviter le secteur et de respecter la signalisation.

Les cantons de Vaud, Neuchâtel et Fribourg interdisent la navigation aux particuliers et au trafic touristique sur les lacs de Neuchâtel et de Morat. Sur les rives, de nombreuses zones sont inondées et d'autres sont sur le point de l'être.

Le niveau du lac de Neuchâtel est en passe d'atteindre le niveau de danger 4, sur une échelle qui en compte 5. La population est appelée à respecter strictement le balisage mis en place et à se tenir à distance des rives, indique l'Etat-Major cantonal de conduite du canton de Vaud.

>> Voir la vidéo d'une terrasse inondée au bord du lac :

Vers une inondation préventive de la Maladière

A Neuchâtel, on se préparait à inonder partiellement le parking souterrain du complexe de la Maladière, qui comprend au-dessus un centre commercial et le stade de Neuchâtel Xamax. L'eau envahira le site au fil de la montée des eaux, l'idée consistant à compenser la poussée d'Archimède.

Le complexe devrait comme flotter tel un bateau sur la nappe phréatique, a expliqué sur les ondes de RTN Antoine Bénacloche, ingénieur de la ville. Dans la mesure où il est ancré au sol, il s'agit de le lester en remplissant le parking, fermé en partie par ailleurs depuis jeudi soir, afin qu’il reste en place.

Risques sanitaires

En raison des risques sanitaires liés aux eaux usées, des restrictions de baignade ou des mesures d'évacuation peuvent être ordonnées localement par les communes touchées. Certains secteurs dangereux ou inondés sont interdits d'accès.

Les propriétaires et résidents des rives des deux lacs sont invités à prendre "toutes les mesures utiles" pour mettre à l'abri leurs objets de valeur. Ainsi que les produits présentant des risques pour les eaux, comme les solvants ou les peintures, ajoute l'EMCC.

La crue du lac de Bienne a atteint vendredi un niveau historique. Le lac a dépassé le record enregistré en 2007 et se situait en fin d'après-midi à 59 centimètres au-dessus du niveau de crue.

Vers 22h00, le niveau du lac avait atteint les 430,94 mètres, selon le site Internet des dangers naturel du canton de Berne. Le record de 2007 s'établissait à 430,88 mètres. La hausse s'est toutefois ralentie durant la journée et devrait se stabiliser ce week-end.

La situation restait malgré tout critique avec des inondations dans la plupart des communes autour du lac. Les trains régionaux ne s'arrêtent plus dans le village de Douanne, sur la rive nord, en raison de l'inondation du passage sous-voie.

En raison du niveau élevé du lac, la Suze a commencé à déborder à l'embouchure du lac, s'approchant des bâtiments du gymnase de Bienne.

>> Voir des images aux abords du lac de Bienne :

Coupures de courant

Dans de nombreux immeubles d'un quartier de Nidau, les eaux souterraines ont pénétré dans les caves et les garages souterrains. Des coupures d'électricité ont aussi été signalées, car les stations transformatrices de BKW ont été inondées. L'alimentation en eau potable à Bienne et à Nidau n'est toutefois pas menacée.

La Société de navigation du lac de Bienne a sorti préventivement une partie de ses bateaux du port, car les poteaux d'amarrage sont trop bas pour tenir les cordes.

>> Le reportage du 19h30 :

Des curieux perturbent les secours

Les autorités et l'organe de conduite régional appellent les curieux à ne pas se rendre dans les secteurs inondés afin de ne pas gêner les opérations des pompiers. Les personnes qui franchissent les barrières pour prendre des photos constituent un "grand problème".

Actuellement, plusieurs chemins longeant les rives et les cours d'eau sont érodés par l'eau, ce qui rend leur fréquentation très dangereuse. Les gorges du Taubenloch et les gorges de Douanne restent fermées jusqu'à nouvel avis.

Situation critique en ville de Berne

La situation est aussi devenue critique dans certains quartiers de la ville de Berne en raison de la montée du niveau de l'Aar. Le débit de la rivière, qui a atteint la cote de danger maximal, était de 563 m3/s. Le record de 1999 était de 613 m3/s

La pression de l'eau augmente sur les structures gonflables, sortes de boudins, qui doivent protéger les quartiers les plus menacés des inondations, comme ceux de la Matte ou du Marzili. La rivière a déjà largement débordé entre Thoune et Berne.

La situation du lac de Thoune reste aussi préoccupante. Un foyer pour personnes âgées a ainsi dû être évacué à titre préventif. Les seize pensionnaires ont été conduits dans un lieu sûr, la route d'accès à l'EMS n'étant plus praticable pour les secours.

Le niveau du lac des Quatre-Cantons atteint désormais la marque critique entraînant l'inondation d'une partie du centre-ville de Lucerne. Les ponts piétonniers de la vieille ville sont fermés, ainsi que la jonction autoroutière la plus proche.

>> Voir les images à Lucerne vendredi matin :

Vendredi matin, le lac a atteint la marque de 434,90 mètres. Ce niveau entraîne l'inondation de la Schwanenplatz, place du centre-ville située entre le lac et la vieille ville, indiquent les autorités municipales. Cette situation s'était déjà produite lors des graves inondations de 2005, notamment.

Pour cette raison, la ville a fermé le mythique Pont de la chapelle, de Rathaussteg ainsi que le Reussbrücke et le Spreuerbrücke, les quatre ponts piétonniers sur la Reuss. La bretelle d'accès reliant le centre-ville à l'autoroute A2, le long de la rivière, a également été fermée. Elle est partiellement inondée.

>> Voir les explications de Julien Guillaume depuis Lucerne :

En outre, les bateaux de la compagnie de navigation sur le lac des Quatre-Cantons ne circuleront pas jusqu'à samedi au moins. Le niveau élevé du lac constitue un risque important à l'embarquement et au débarquement, indique la compagnie de navigation SGV. Le bois flottant pose aussi problème.

Dans un communiqué publié jeudi conjointement avec Neuchâtel et Vaud, le canton de Fribourg a indiqué qu'il se coordonnait avec ses voisins pour gérer la montée des eaux au bord des lacs de Neuchâtel et Morat.

Des zones ont déjà été inondées, notamment dans la Broye fribourgeoise. Les autorités ont lancé un appel à la prudence et demandent à la population d'éviter les bords de lacs et de rivières. Le danger de crues est élevé voire très élevé dans toutes les régions.

A Gumefens, au bord du lac de la Gruyère, un camping a été noyé sous les eaux. Il a dû être en partie évacué.

>> Le reportage du 12h45 à Gumefens :

Electricité coupée sur la rive sud du lac de Neuchâtel

Pour des raisons de sécurité, le Groupe E a été contraint vendredi après-midi de couper les installations électriques basses tensions aux abords du lac de Neuchâtel entre Cheyres (FR) et Cudrefin (VD). ll s'agit d’une mesure préventive afin d’écarter tout danger.

La mesure devrait durer jusqu’à ce que le niveau du lac de Neuchâtel redescende, à savoir samedi soir ou dimanche matin, alors qu'il montait de 1 cm environ par heure vendredi. L’eau et l’électricité ne font pas bon ménage, a rappelé le fournisseur d'électricité fribourgeois à la mi-journée dans un communiqué.

C'est pourquoi les spécialistes du Groupe E sont en contact permanent avec les pompiers et surveillent de "très près" la situation, précise le communiqué. La coupure de courant électrique, préannoncée vendredi matin, affecte notamment les habitations et chalets sis aux abords de la rive sud du lac de Neuchâtel.

>> Des images au bord du lac de la Gruyère vendredi matin :

La Suisse a investi 4,5 milliards de francs depuis 2005 dans la protection contre les crues. A chaque grave incident, des actions sont prises. Ce fut par exemple le cas il y a vingt ans après le débordement du Rhône en Valais, qui avait coûté la vie à 16 personnes.

Il reste toutefois beaucoup à faire pour sécuriser la plaine du Rhône en Valais. Selon un rapport publié en 2015, on estime qu'une crue centennale pourrait encore toucher près de 12'000 hectares de terre. Ce chiffre pourrait même doubler d'ici 30 ans avec l’intensification de l’usage du sol.

>> Le sujet du 19h30 sur la crue du Rhône en 2000 :

"Apprendre de ce qui s'est passé"

Antoine Magnollay, suppléant du chef de section Protection contre les crues à l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), explique de le 19h30 qu'il est encore "difficile d'estimer les risques qui ont pu être évités" grâce aux investissements faits ces dernières années dans la prévention des crues.

"L'objectif pour nous est de pouvoir apprendre de ce qui s'est passé, de pouvoir tirer les leçons, voir ce qui a fonctionné et moins bien fonctionné, pour pouvoir progresser et nous améliorer à l'avenir."

>> L'interview d'Antoine Magnollay dans le 19h30 :

La Chaîne du Bonheur a lancé vendredi un appel à la solidarité pour venir en aide aux personnes touchées par les inondations. Des dons peuvent être versés sur le fonds permanant de l'organisation dédié aux catastrophes naturelles en Suisse, via le site internet www.bonheur.ch, puis en choisissant la mention "Catastrophes naturelles en Suisse".

Les dons à ce fonds permanent serviront à financer l’aide rendue nécessaire par les épisodes d’intempéries présents et futurs. Les ménages de Suisse gravement touchés par des événements météorologiques extrêmes peuvent se renseigner sur la procédure de demande de soutien auprès de Caritas Suisse et de la Croix-Rouge suisse.

La Chaîne du Bonheur n'exclut pas de lancer une collecte spécifique pour les inondations actuelles si la situation devait encore prendre de l'ampleur.

Cette météo pourrie en plein été n'a rien d'inhabituel, rassure Dean Gill, de MétéoSuisse. Tous les quatre ans environ, la Suisse connaît un été un peu plus morose que ceux des autres années et ce, malgré le réchauffement climatique. "Il ne faut pas confondre climat et météo", rappelle le spécialiste. Ces épisodes de froids sporadiques ne permettent pas de tirer des conclusions sur l'évolution climatique.

Les faibles températures et les violentes précipitations qui s'abattent sur la Suisse sont dues à un phénomène météorologique appelé "goutte froide". Il désigne une poche d'air froid qui est abandonnée par la calotte du pôle Nord.

Un répit la semaine prochaine

Cette masse est ensuite "étranglée" et "attaquée" de part et d'autre par un air plus chaud. Elle se met alors à tourner sur elle-même jusqu'à former une dépression, donnant lieu à des orages et de fortes pluies.

La Suisse s'apprête à connaître des jours meilleurs. Cette poche d'air se déplace très doucement en direction des Balkans et devrait laisser place à des températures plus estivales dès samedi. Mais rien n'est moins sûr pour les semaines à venir. "Il ne serait pas étonnant qu'un nouvel épisode de froid ressurgisse", avoue Dean Gill.