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Accidents en montagne: comment faire pour les éviter? 

"Piège mortel sur la Haute Route – Chronique d'un drame" [SSR; SRF; RTS]
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De fin mars à début mai, des randonneurs du monde entier s’élancent sur la Haute Route. Malgré sa popularité, le fameux tracé qui relie Chamonix à Zermatt n'en reste pas moins exigeant. Les accidents touchent même les plus chevronnés.

Les récents évènements de Tête Blanche nous l’ont tristement rappelé: cinq alpinistes y ont perdu la vie sur le tracé alors que certains d'entre eux s’entraînaient pour la Patrouille des Glaciers. Une femme est toujours portée disparue.

Des éléments qui peuvent faire tout basculer

Le documentaire "Piège mortel en Haute Route", disponible sur Play RTS, reconstitue un autre drame, celui survenu le 18 avril 2018 au Pigne d'Arolla. Un guide de montagne et six de ses clients mouraient de froid dans une tempête, à seulement 550 mètres de la Cabane des Vignettes.  

A travers le témoignage de survivants et survivantes, le film met en lumière certains éléments qui peuvent faire tout basculer. Un changement météo plus rapide que prévu, un objectif à atteindre, l’effet de groupe ou encore la dépendance au matériel électronique. Autant de facteurs qui peuvent conduire à une mauvaise évaluation du risque.  

Pourquoi n'a-t-on pas fait demi-tour? Jamais Mario ne nous aurait mis en danger par négligence. J'en suis convaincue

Julia Hruska, survivante du drame du Pigne d’Arolla

Pour l'Allemande Julia Hruska, survivante du drame, certaines questions resteront toujours sans réponse. Notamment vis-à-vis des décisions prises par son guide et ami Mario Castiglioni: "Pourquoi n'a-t-on pas fait demi-tour? Pourquoi n'a-t-on pas demandé de l'aide plus tôt? Je pense qu'il avait encore l'espoir d'arriver (ndlr: à la Cabane des Vignettes) malgré les intempéries et le grand groupe qu'on formait". Mais elle ajoute également: "Jamais Mario ne nous aurait mis en danger par négligence. J'en suis convaincue". Julia et Mario avaient déjà fait de nombreuses expéditions ensemble. Tout s'était toujours bien déroulé.  

>> "Piège mortel sur la Haute Route – Chronique d'un drame" (Réalisation: Frank Senn) :

Documentaire
Piège mortel sur la Haute Route – Chronique d’un drame / Doc à la Une / 89 min. / le 3 mai 2023

C’est facile de juger après coup, mais nous devons essayer de comprendre pour que ça n’arrive plus

Caroline George, guide de haute montagne

"C’est facile de juger après coup, mais nous devons essayer de comprendre pour que ça n’arrive plus", constate Caroline Georges, guide de haute montagne basée en Valais et présidente du Groupe Spécialisé en Expertise lors d’Accident de Montagne (GSEAM). "Le guide italien décédé avait 59 ans et une longue carrière derrière lui. Jusqu’à ce drame, il avait toujours pris les bonnes décisions", rappelle la guide valaisanne. Qu'est-ce qui a fait que ce jour-là, le guide a décidé de partir malgré les prévisions météo, malgré le grand groupe qu'il menait? Cela reste aujourd’hui encore une énigme.  

>> NDLR : La vidéo ci-dessous a été réalisée quelques jours avant l'accident du 9 mars 2024 survenu à Tête Blanche  : Cinq des six personnes recherchées depuis samedi à Tête Blanche ont été retrouvées sans vie

>> Caroline George réagit à des extraits du documentaire "Piège mortel sur la Haute Route – Chronique d'un drame" :

Docu réactions "Piège mortel sur la Haute Route – Chronique d’un drame"
Docu réactions "Piège mortel sur la Haute Route – Chronique d’un drame" / Docu réactions / 4 min. / le 26 mars 2024

Personne n’est à l'abri d'être influencé par les opinions des autres, par la pression qu'on se met à soi-même ou celle qu'on perçoit des autres

Caroline George, guide de haute montagne

"Les décisions prises en montagne sont toujours en lien avec notre entourage et son contexte. Personne n'est à l'abri d'être influencé par les opinions des autres, par la pression qu'on se met à soi-même ou celle qu'on perçoit des autres. L'élément qui cause le plus d'accidents en montagne, c'est ce facteur humain. Les décisions prises face à un risque. L'humain, par définition, n'est pas infaillible. Même s'il est guide."

Il y a beaucoup d'intérêt pour aller tester ses limites en nature. Mais l'envie réelle de comprendre le contexte dans lequel on évolue passe parfois au second plan

Caroline George, guide de haute montagne

Si s'assurer les services d'un guide reste un gage de sécurité, le risque zéro n'existe pas en montagne. Et cela nous incite à nous responsabiliser davantage, individuellement, pour notre propre vie. "Je dirais qu'il faut garder un certain esprit critique. Avant le départ, prendre le temps de bien communiquer entre les différents membres de la cordée et d'anticiper les différents scénarios possibles."

Et d'ajouter également: "Se renseigner sur les points de sortie d'un itinéraire en cas de problème, être plusieurs à télécharger le tracé GPS pour avoir du back-up en cas de panne. Savoir que faire en cas de rupture du réseau et auquel cas, se demander si on est équipé pour passer plus de temps que prévu sur le tracé. Finalement, l'idéal serait d'essayer d'être le plus utile possible à la cordée, au cas où le guide ou la personne qui mène le groupe se blesse".

Le besoin de tester nos limites 

Les randonneurs sont toujours plus nombreux à partir en montagne. "Il y a beaucoup d'intérêt pour aller tester ses limites en nature. Mais l'envie réelle de comprendre le contexte dans lequel on évolue passe parfois au second plan", constate Caroline Georges. Si la montagne permet de se mesurer à soi-même, elle nous met face à notre vulnérabilité d'être humain. Et ce, quelles que soient nos compétences, notre forme physique ou la performance de nos outils technologiques. 

RTS Documentaires, Muriel Reichenbach 

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