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Alain Berset: "Les arrêts de la CEDH doivent être appliqués, y compris ceux qui condamnent la Suisse"

L'invité de La Matinale - Alain Berset, nouveau secrétaire du Conseil général de l’Europe
L'invité de La Matinale - Alain Berset, nouveau secrétaire du Conseil général de l’Europe / La Matinale / 14 min. / le 12 septembre 2024
L'ancien conseiller fédéral Alain Berset deviendra officiellement secrétaire général du Conseil de l'Europe mercredi prochain. Il aura notamment pour mission d'appliquer les arrêts de la Cour européenne de droit de l'homme (CEDH), qui a récemment condamné la Suisse pour son inaction climatique.

Alain Berset va succéder le 18 septembre à la Croate Marija Pejcinovic Buric au poste de secrétaire général du Conseil de l'Europe. Le Fribourgeois, premier Suisse à occuper cette fonction, a pour objectif de donner plus de visibilité à cette institution (voir encadré).

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L'ancien conseiller fédéral sera également chargé d'appliquer les arrêts de la CEDH, dont le Conseil de l'Europe est dépositaire. Un rôle qui le met dans une position particulière, puisque la CEDH a condamné en avril dernier la Confédération pour son inaction climatique.

>> Relire : La Cour européenne des droits de l'homme condamne la Suisse pour inaction climatique

Invité dans La Matinale de la RTS, Alain Berset rappelle l'importance de la Cour: "La Convention européenne des droits de l'homme est au cœur du Conseil de l'Europe. C'est une convention à laquelle tous les membres du Conseil de l'Europe ont adhéré pleinement."

De vives réactions en Suisse

L'ancien conseiller fédéral ne compte pas réserver un traitement de faveur à la Suisse: "Les arrêts de la Cour sont à appliquer, ce n'est pas un self-service. On ne peut pas dire 'oui, cet arrêt-là me plaît bien, je vais m'en occuper, et celui-là, j'aime un peu moins, on ne va pas l'appliquer'. L'arrêt qui a été pris le 9 avril dernier par la CEDH n'échappe pas à la règle."

Alain Berset reconnaît que cette décision a suscité de vives réactions. "C'est compréhensible. Certains ont pu se demander si la Cour avait vraiment bien compris comment fonctionne la Suisse et sa démocratie. D'autres se sont dits au contraire qu'on n'en faisait pas assez."

>> Relire : "Grave erreur" ou "décision raisonnable", la possible relance du nucléaire divise profondément

Pour l'ancien ministre de l'Intérieur, le Conseil fédéral n'a pas ignoré cette décision. "Il a émis le mandat de clarifier la situation et de rendre une analyse l'année prochaine. C'est ce que j'appelle, sur un arrêt de ce type, prendre les choses au sérieux, même si c'est en râlant évidemment un peu."

Lorsque j'étais conseiller fédéral, j'ai souvent reçu des décisions négatives de Strasbourg contre la Suisse

Alain Berset

Alain Berset précise que ce ne sera pas directement à lui de vérifier l'application des arrêts de la Cour, mais au Comité des ministres. "Ce sont donc les Etats membres eux-mêmes qui vérifient, lorsqu'il y a des arrêts de la Cour, s'ils sont vraiment mis en œuvre. Evidemment, cela ne veut pas dire que je n'ai pas de rôle à jouer là-dedans. Il faudra accompagner ce processus, qui va être certainement être très intéressant."

>> Ecouter l'interview de Damien Cottier sur la condamnation de la Suisse :

Damien Cottier, conseiller national (PLR/NE). [Keystone - Anthony Anex]Keystone - Anthony Anex
Prise de fonction d'Alain Berset à la tête du Conseil de l'Europe: interview de Damien Cottier / La Matinale / 1 min. / le 12 septembre 2024

Un long processus

Il est plus que jamais primordial d'avoir une instance de recours supranationale telle que la CEDH, estime encore Alain Berset. Pour autant, selon lui, un pays doit pouvoir discuter de la mise en oeuvre d'un arrêt de cette Cour. "Vous savez, moi, comme conseiller fédéral, j'ai souvent reçu pendant douze ans de Strasbourg des décisions négatives contre la Suisse."

"L'année passée, c'était pour cette inégalité entre les veuves et les veufs. Qu'est-ce qu'on fait dans ce genre de situation? On se dit que notre système n'est quand même pas si mal, mais on regarde ce qu'on peut faire de mieux, s'il y a quelque chose à changer. Ensuite, dans des cas comme ça, il faut une action législative pour le faire. C'est un processus qui prend un peu de temps, mais qui est très important."

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Version web: Antoine Schaub

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Les principaux défis d'Alain Berset

L'objectif d'Alain Berset est de donner plus de visibilité au Conseil de l’Europe, dont le travail "doit être au cœur de toutes les discussions sur les droits de l’homme et la démocratie".

Les chantiers ne manquent pas, à commencer par l’Ukraine. Le Conseil de l'Europe, qui a chassé la Russie de ses rangs depuis l’invasion de son voisin, n’a pas les moyens d’imposer la paix. Mais il travaille sur l’après-guerre.

Le Conseil de l'Europe se fixe deux priorités. Il veut contribuer d’une part à faire condamner par la justice les criminels de guerre, dont Vladimir Poutine, sous le coup d'un mandat d'arrêt émis par la Cour Pénale Internationale. D'autre part, il prépare la reconstruction de l’Ukraine détruite en tenant un registre des dommages.

Autre gros dossier, le Conseil de l’Europe a présenté en mai dernier sa charte pour le respect des droits de l'homme par l’intelligence artificielle, que la Suisse tarde à la signer.

>> Les précisions de La Matinale :

L'Ukraine sera la priorité d'Alain Berset en tant que secrétaire général du Conseil de l'Europe. [Keystone]Keystone
Alain Berset prendra ses fonctions en tant que Secrétaire-Général du Conseil de l’Europe mercredi prochain / La Matinale / 1 min. / le 12 septembre 2024

Une villa de fonction et 250'000 francs par année

Le poste de secrétaire général du Conseil de l'Europe s'accompagne de la Villa Massol, une maison de fonction de 950 mètres carrés au plein coeur de Strasbourg. "C'est surtout un outil de représentation", sourit Alain Berset, qui assure qu'il continuera de résider en Suisse.

Le Fribourgeois a également brièvement évoqué son salaire. "Le lendemain de ma nomination, j'ai été un peu surpris de voir que dans la presse, la question qui intéressait tout le monde, c'était le salaire. Il y a un salaire qui a été publié. Je peux vous dire qu'il est faux, c'est en dessous de ça. C'est environ 250'000 euros par année."