Modifié

Albert Rösti: "Il faut une pesée d'intérêt entre la biodiversité et les infrastructures"

L'invité de La Matinale - Albert Rösti, conseiller fédéral contre l’initiative biodiversité
L'invité de La Matinale - Albert Rösti, conseiller fédéral contre l’initiative biodiversité / La Matinale / 12 min. / le 19 août 2024
L'initiative sur la biodiversité soumise au peuple le 22 septembre va trop loin, a jugé Albert Rösti lundi dans La Matinale de la RTS. Le conseiller fédéral en charge de l'Environnement estime que la politique actuelle de la Confédération a fait ses preuves.

L'initiative "Pour l'avenir de notre nature et de notre paysage" (initiative Biodiversité) réclame suffisamment de moyens et de surfaces pour la nature. Elle veut aussi ancrer une meilleure protection du paysage et du patrimoine bâti dans la Constitution.

>> Relire : Le comité de l'initiative Biodiversité lance sa campagne nationale

Pour Albert Rösti, cette initiative n'est pas nécessaire. "On fait déjà beaucoup pour la nature, pour la biodiversité", a estimé le conseiller fédéral dans La Matinale. "Le Conseil fédéral veut toujours faire une pesée d'intérêt entre, d'une part, l'utilisation du paysage pour les infrastructures — qui est aussi dans mon département — et d'autre part, pour la protection de l'environnement."

Le retour des cigognes

Le responsable de l'Office fédéral de l'environnement calcule que, en prenant en compte les forêts, près d'un quart du territoire suisse est protégé d'une façon ou d'une autre. Il rappelle que 20% de la surface agricole est dépourvue d'insecticides et de pesticides. Il en conclut qu'"il ne faut pas aller trop loin, sinon on ne peut plus faire cette pesée d'intérêts".

Comme fils d'agriculteur, je sais bien que sans pollinisation des fleurs, on n'a pas de vie sur ce monde

Albert Rösti

Un tiers des espèces sont néanmoins menacées en Suisse (lire encadré). "Je prends absolument au sérieux ce chiffre", assure Albert Rösti. "Mais il faut quand même savoir qu'on a pu arrêter ce déclin dans les dernières années." Le Bernois explique que le plan d'action pour la biodiversité a par exemple permis d'augmenter le nombre d'amphibiens, de libellules ou de cigognes. "On a maintenant 960 cigognes, alors qu'elles avaient disparu." Selon lui, les mesures prises ces dernières années "ont du succès".

>> Lire également : Pourquoi la biodiversité s’éteint-elle plus vite en Suisse qu'ailleurs?

Le natif de Kandersteg se dit très concerné par la question de la biodiversité. "Comme fils d'agriculteur, je sais bien que sans pollinisation des fleurs, on n'a pas de vie sur ce monde." Mais la Suisse doit aussi œuvrer pour la décarbonisation. Et pour cela, "il faut des énergies renouvelables, il faut pouvoir investir dans des infrastructures de transport", autant de mesures qui "deviendront beaucoup plus difficiles à l'avenir si on accepte l'initiative sur la biodiversité."
                

Un budget actuel de 600 millions

Le texte des initiants et initiantes représenterait une charge supplémentaire d'environ 400 millions de francs par année au budget de la Confédération pour la protection de la biodiversité, qui s'élève actuellement à 600 millions. Cette somme est déjà conséquente, plaide Albert Rösti.

>> Relire : L'initiative Biodiversité va trop loin, estime le conseiller fédéral Albert Rösti

"Nous allons investir le même montant à l'avenir et nous concentrer sur les sujets qui sont les plus importants." Il cite la protection des insectes, indispensables à la biodiversité et actuellement en déclin. "Je pense qu'avec ce montant de 600 millions de francs par année, on arrive à freiner ce déclin."

Albert Rösti rappelle par ailleurs que le Conseil fédéral avait prévu d'augmenter ce budget à travers un contre-projet à l'initiative, mais que celui-ci a été rejeté par le Parlement. "Le Parlement est aussi compétent pour définir les budgets. C'est un signe clair pour le Conseil fédéral."

Propos recueillis par Pietro Bugnon/asch

Publié Modifié

La Suisse mauvaise élève

Le déclin de la biodiversité, problème mondial, n'épargne de loin pas la Suisse. La dernière étude comparative sur la question, publiée par l'OCDE, date de 2017. Elle mentionne qu'en Suisse, la part de territoire complètement protégée est faible en comparaison internationale.

Les parcs nationaux, biotopes, réserves pour oiseaux ou forestière ou encore les surfaces agricoles dédiées à la biodiversité ne représentent aujourd'hui qu'au plus 13% du territoire, selon les estimations. La Convention mondiale sur la diversité biologique, que la Suisse a ratifié, prévoyait une surface d'au moins 17% à l'horizon 2020.

Plus d'un tiers des animaux et plantes recensés en Suisse sont considérés comme menacés. Les mammifères et amphibiens, notamment, sont davantage en danger que dans les pays voisins. La biodiversité en Suisse "se trouve dans un mauvais état", et même dans un état "critique" en plaine, selon le dernier rapport de l'Office fédéral de l'environnement.

>> Les précisions de La Matinale :

Un martin pêcheur dans la reserve naturelle de la Grande Caricaie . [Keystone - Cyril Zingaro]Keystone - Cyril Zingaro
Quel est l'état de la biodiversité en Suisse? / La Matinale / 2 min. / le 19 août 2024