Après l'attaque de Zurich, le politique doit mieux s'emparer de la prévention des crimes haineux
Samedi, un homme de 50 ans a été grièvement blessé dans la rue par un adolescent de 15 ans. Lors d'une conférence de presse lundi, le conseiller d'Etat zurichois socialiste Mario Fehr a qualifié cet événement "d'attaque terroriste", se référant à une vidéo dans laquelle l'auteur de l'attaque appelle à "combattre les juifs".
Ce dernier se trouve en détention préventive et la police tente d'établir son profil. "Ce qui nous intéresse maintenant, c'est de savoir comment ce jeune homme s'est radicalisé. Avec qui a-t-il eu des contacts? A-t-il agi seul?", a détaillé Mario Fehr.
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La communauté juive ébranlée
Quoi qu'il en soit, la communauté juive a été ébranlée par l'attaque. D'après le secrétaire général de la Fédération suisse des communautés israélites Jonathan Kreutner, son ampleur est inédite: "En consultant les statistiques de cette dernière décennie, je n'ai pas trouvé des cas d'attaque ou de tentative de meurtre sur une personne seulement parce qu'elle est juive. C'est un cas extrême en Suisse, mais aussi en Europe", affirme-t-il.
De son côté, la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD) a dénoncé dans un communiqué un "manque de réactivité" et un "silence assourdissant" de la part des autorités.
La réponse sécuritaire sans la prévention et la sensibilisation, ça ne sert à rien.
"On regrette que notre torrent d'indignation ne soit pas immédiatement davantage partagé collectivement par l'ensemble de nos autorités", déclare mardi son secrétaire général Johanne Gurfinkiel dans La Matinale. Le chef de l'association communautaire juive réclame désormais un "message politique clair".
"On parle d'un adolescent de 15 ans!"
"Lorsqu'on voit ce crime de haine, comment faire arriver cet électrochoc pour que nos autorités réagissent, et pas seulement sur la question sécuritaire?", interroge-t-il. "L'élément sécuritaire est certes fondamental, mais il ne sera jamais la solution. Il y a tout un processus qu'il est nécessaire de conceptualiser en termes de prévention. La réponse sécuritaire sans la prévention et la sensibilisation, ça ne sert à rien!"
Selon lui, la prévention doit se mettre en place à l'école. "Ça me paraît nécessaire. On parle d'un adolescent qui a 15 ans. On n'a pas affaire à un terroriste au bénéfice d'années d'engagement sur le terrain. Et je pense que, malheureusement, cette situation n'est pas unique."
"C'est la première fois en Suisse qu'un assaillant revendique son passage à l'acte en ayant fait une vidéo d'allégeance à l'Etat islamique, qui par essence est antisémite", relève de son côté Géraldine Casutt, sociologue des religions et chercheuse au Centre Islam et Société à l'Université de Fribourg. "C'est aussi la première fois qu'un mineur passe à l'acte violent avec un motif terroriste et également la première fois qu'un canton alémanique est touché par une attaque avec un référentiel djihadiste", souligne la spécialiste mardi dans l'émission Forum.
"On voit que c'est maintenant un phénomène qui touche toute la Suisse, avec des profils d'assaillants très différents, et finalement très représentatifs du type de menaces, quand on parle de terrorisme", note encore Géraldine Casutt.
Appel à la Confédération pour une stratégie nationale
Le Conseil national discutera d'ailleurs jeudi d'éventuelles mesures pour mieux protéger la population contre les crimes haineux. Il doit notamment se prononcer sur une motion qui demande une stratégie de lutte coordonnée au niveau suisse contre la montée du racisme et de l'antisémitisme.
Pour Jacqueline de Quattro (PLR/VD), vice-présidente de la Commission de la sécurité, il faut "se donner les moyens pour que notre population puisse vivre en sécurité sur notre territoire, quelle que soit son origine ou sa croyance, et puisse aussi vaquer à ses cultes, ses rites, ses croyances et ses traditions sans être menacée, discriminée ou attaquée".
Interrogée dans le 19h30 mardi, la Vaudoise a insisté sur l'urgence à agir: "On a besoin d'un signal fort, de montrer qu'en Suisse nous n'acceptons pas ce poison distillé par les antisémites et les racistes. C'est une attaque directe contre notre manière de vivre, notre démocratie, notre cohésion sociale. Nous devons montrer que nous sommes d'une tolérance zéro face à ces attaques", a-t-elle martelé.
Jacqueline de Quattro estime qu'il y a eu une "prise de conscience tardive" générale sur le sujet. "Il est désormais important que la Confédération mette sur pied une réelle stratégie, avec un plan d'action concret, en collaboration avec les cantons et les communes, mais aussi la société civile et les communautés religieuses juive et musulmane", cette dernière étant aussi "concernée par la haine", a rappelé la conseillère nationale.
Traitements radio: Celia Bertholet, Mathias Délétroz, Valérie Hauert
Adaptation web: Pierrik Jordan