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Après la colère, quelles revendications pour le monde agricole?

Agriculteurs.trices. [Keystone - Martial Trezzini]
Colère paysanne en Suisse: la bataille de représentants / La Matinale / 4 min. / le 26 février 2024
La mobilisation des agriculteurs est forte en Suisse avec des actions aux quatre coins du pays ce week-end. Ils souhaitent se faire entendre, mais doivent aussi se mettre d'accord sur leurs revendications et sur la suite du mouvement. Des divergences, parfois anciennes, ressurgissent.

Les quelque 50'000 exploitations du pays sont représentées par des dizaines d'associations, qui sont réparties par canton, région et secteur: le lait, la viande ou encore les céréales. A niveau national, on retrouve l’Union suisse des paysans (USP), puissante faîtière qui regroupe presque 100% des familles paysannes.

Dans le sillage des révoltes paysannes en France, l'USP a remis il y a deux semaines une pétition au conseiller fédéral Guy Parmelin ainsi qu'à la grande distribution. Elle demande notamment une meilleure prise en compte de la réalité du terrain et une augmentation des prix aux producteurs de 5 à 10%.

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Cette pétition, dont les revendications sont exprimées en termes relativement larges, a obtenu plus de 65’000 signatures en quelques jours. Le syndicat Uniterre - membre de l'USP - ne l’entend pas de cette oreille et n’hésite pas à critiquer publiquement les actions de sa faitière.

Changement de système

Uniterre est un syndicat minoritaire qui représente environ mille familles paysannes, principalement en Suisse romande. Ces derniers temps, il donne de la voix pour dénoncer la "tiédeur" de l'USP dans sa manière de défendre les paysans.

"L'USP est sur une position défensive alors qu'elle est la mieux placée pour savoir ce que les paysannes et les paysans peuvent apporter au système alimentaire, à la souveraineté alimentaire et à la sécurité alimentaire en Suisse", regrette dans La Matinale Rudi Berli, président de la section genevoise d’Uniterre.

La situation est grave, et on ne peut pas simplement sacrifier l'agriculture suisse sur l'autel du libre échange

Rudi Berli, président de la section genevoise d’Uniterre

"Et là, on ne peut pas se permettre d'être sur une position défensive, parce qu'on assiste à un massacre. La situation est grave, et on ne peut pas simplement sacrifier l'agriculture suisse sur l'autel du libre échange."

Uniterre appelle à un changement de système en profondeur. Le syndicat veut notamment instaurer davantage de protectionnisme aux frontières et une augmentation des prix aux producteurs beaucoup plus élevée que ce que demande l'USP (ndlr: il souhaite pouvoir rémunérer les professions agricoles 40fr/h).

Chacun son rôle

Selon Uniterre, l'USP est trop proche des milieux économiques et de la grande distribution et n'ose pas s'opposer frontalement à eux. Anne Challandes, vice-présidente de l'USP, estime que leurs rôles sont complémentaires. "Cela peut peut-être donner l'impression d'une certaine mollesse, mais il faut aussi voir tout ce qui se passe dans les discussions internes, qui sont moins étalées sur la place publique."

"Chacun a son rôle dans sa sphère d'influence, en fonction de ses moyens, de son public aussi. Ce qui compte, ce sont les éléments de convergence, et là je crois qu'on peut être d'accord pour dire qu'on a tous le même but, celui de représenter les familles paysannes."

Dans le milieu, on résume la situation ainsi: où l'USP se positionne comme le puissant lobby politique qui doit pouvoir s’asseoir autour d’une table avec tous les partenaires, Uniterre joue le rôle du groupe de pression qui agit comme poil à gratter. Ce rapport de force entre ces deux entités ne date pas d'hier, mais le contexte actuel semble le faire ressurgir. 

Se faire entendre directement

Parallèlement à cette opposition, la mobilisation importante des milieux agricoles a vu émerger une nouvelle voix: le mouvement né sur les réseaux sociaux "Révolte Agricole Suisse". L'initiateur de ce mouvement est Arnaud Rochat, un agriculteur vaudois de 24 ans. Il disait récemment dans une interview ne pas vouloir s'opposer aux associations existantes - que ce soit l'USP ou Uniterre - tout en concédant qu’il les trouve parfois "trop molles" ou "trop extrêmes".

On a besoin de personnes vraiment combattantes, qui sont prêtes à taper du poing sur la table

Arnaud Rochat, fondateur du mouvement "Révolte Agricole Suisse"

Arnaud Rochat plaide pour du changement. "On a peut-être besoin d'un renouveau, de plus d'énergie, de personnes qui sont vraiment combattantes, qui sont prêtes à taper du poing sur la table et à dire 'stop, maintenant il faut du changement'. C'est ça qu'il manque, un peu de fermeté. On a besoin de plus d'énergie pour se défendre de manière plus efficace."

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Il est pour l'heure trop tôt pour savoir si de nouvelles revendications vont émerger et être portées au niveau national. L’ensemble des personnes contactées dans le milieu reste convaincu qu'il est nécessaire de tirer à la même corde. Cependant, depuis quelques semaines, il est déjà très clair que les paysans et paysannes souhaitent désormais se faire entendre directement, sans passer systématiquement par les intermédiaires traditionnels.

Tania Sazpinar/asch

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