Alors que tous les cantons romands et le Tessin ont largement soutenu le texte visant à plafonner les primes d'assurance-maladie en fonction du revenu, l'ensemble de la Suisse alémanique a dit non, à l'exception du canton de Bâle-Ville, soit le canton alémanique où les primes moyennes sont les plus élevées.
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Le rejet de l'initiative socialiste est particulièrement marqué dans les petits cantons ruraux de Suisse centrale et orientale. Elle a obtenu moins de 25% d'adhésion à Obwald ou en Appenzell Rhodes-Intérieures, des cantons dans lesquels on paie des primes particulièrement basses.
Le vote alémanique a donc essentiellement été motivé par un intérêt propre et une crainte de devoir payer pour les autres cantons. Pour franchir cet écueil, une solution à la hausse des primes, qui pèsent de plus en plus sur le pouvoir d'achat, devra donc passer par des mesures régionales ou une nouvelle tentative de compromis à l'échelle nationale.
S'adapter aux différentes "réalités cantonales"
En conséquence, le PS planche désormais sur une nouvelle proposition de caisse de santé publique, avec un modèle différent de celui qui a été rejeté dans les urnes il y a 10 ans. "Nous avons déjà une décision de notre congrès sur une caisse unique avec la possibilité de la régionalisation pour s'adapter aux différentes réalités cantonales", explique le coprésident du PS Cédric Wermuth.
"On est en train de finaliser ce modèle et de discuter d'éventuelles alliances", poursuit-il. "Ce n'est pas encore fait, mais le but est clair: il faut arrêter avec cette pseudo-concurrence entre les assurances privées qui nous coûte chaque année plusieurs centaines de millions de francs", estime-t-il.
Pour le conseiller d'Etat valaisan en charge de la santé Mathias Reynard, une caisse publique serait notamment utile pour lutter contre le manque de transparence. "Une caisse en main des collectivités publiques serait beaucoup plus efficace. [...] La vraie solution durable passe par une solution fédérale avec une caisse publique et des primes en fonction du revenu", a affirmé le socialiste, lundi dans l'émission Forum. "Nous avons un très bon exemple, celui de l'assurance accident, qui fonctionne très bien et qui est aussi beaucoup plus juste et égalitaire."
Le président du Centre Gerhard Pfister ne ferme pas la porte à un tel projet. "Jusqu'à maintenant, la Suisse alémanique a toujours refusé et la Romandie a toujours accepté", rappelle-t-il. "Mais j'ai reçu beaucoup de réactions de gens, y compris en Suisse alémanique, qui se disent prêts à discuter d'une caisse unique. Donc si on réussit à faire une proposition adaptée aux différents cantons, je ne dirais pas qu'une telle idée part battue d'avance."
"Recréer de la confiance" envers le système
Invité dans La Matinale, l'élu MCG genevois Mauro Poggia estime quant à lui qu'il faut "se méfier de ce genre de solutions" et aller "pas-à-pas, dans les cantons qui souhaitent le faire".
"On comprend bien qu'en Suisse romande, il y a un certain engouement à maîtriser enfin notre argent, à savoir où il passe", poursuit-il, pointant un manque de transparence: "La question des réserves des caisses est évidemment problématique. Il faut recréer une confiance du citoyen envers ce système. Aujourd'hui, le fait que l'argent serve à maintenir artificiellement basses les primes d'autres cantons, ou à compenser des pertes boursières, par exemple, n'est pas acceptable!"
Une caisse publique, mais pas unique?
À droite, le PLR y est farouchement opposé, jugeant que ça ne réglerait pas le problème des coûts de la santé. Du côté de l'UDC, Céline Amaudruz se dit favorable à l'idée d'une caisse publique mais opposée à celle d'une caisse unique. Selon elle, de tels modèles qui sont en place en France ou au Royaume-Uni sont des "échecs".
"Donc je pense sincèrement que ce n'est pas une bonne solution", dit-elle. "En revanche, si on veut avoir une caisse publique qui se mette en concurrence avec des caisses privées, cela ne me pose aucun problème."
Dans l'intervalle, les coûts vont continuer de s'envoler. L'institut de sondage Comparis prédit déjà une hausse des primes de 6% pour 2025. Et le vent est peut-être en train de tourner: selon un sondage de l'institut Ipsos Suisse publié en septembre dernier, une majorité des Suissesses et des Suisses se disent désormais favorables à une caisse unique.
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Propos recueillis dans La Matinale
Texte web: Pierrik Jordan
Deux contre-projets prévus pour 2026
Si aucun référendum n'aboutit, deux contre-projets entreront en vigueur à la place des initiatives refusées dimanche: l'un fixera des objectifs en matière de coûts et exigera plus de transparence de la part des milieux de la santé. L'autre obligera certains cantons à aider davantage les ménages les plus précaires à payer leur primes. Leur entrée en vigueur est prévue au plus tôt en 2026.
Le premier texte reprend les grandes lignes de l'initiative du Centre qui demandait de limiter les coûts dans l'assurance de base, mais de manière encore moins contraignante. Le Conseil fédéral devra fixer des objectifs pour une période de quatre ans, après consultation des acteurs de la santé. Assureurs, médecins et hôpitaux devront donc mieux justifier l'augmentation qu'ils attendent.
Si le plafond décidé est malgré tout dépassé, gouvernement et cantons seront sommés d'"examiner les mesures à prendre".
Plafond fixé au niveau cantonal
Le contre-projet à l'initiative du PS obligera certains cantons à en faire davantage pour aider les assurés aux revenus modestes. Côté romand, seuls Fribourg, Berne et le Valais devraient être concernés, car Vaud, Neuchâtel, Genève et le Jura remplissent déjà les conditions minimales en matière de subsides.
Ce second contre-projet, demande aussi aux cantons de fixer le pourcentage maximal que les primes pourront représenter par rapport au revenu disponible. Cela permettra entre autres des comparaisons entre les différentes régions du pays.