C’est un revirement spectaculaire et assez inattendu qui intervient dans l’affaire Philippine. Le meurtrier présumé de cette étudiante française, actuellement détenu à Genève, fait volte-face et accepte désormais son extradition vers la France, a appris le Pôle enquête de la RTS. Il y a deux semaines, il avait plaidé exactement l’inverse en s’opposant à son transfert.
"Mon client a pris la décision d'être extradé en toute connaissance de cause des conditions d'extradition et dans l'idée d'aller s'exprimer devant la justice française. Je dirais que c'est une décision qui a été mûrement réfléchie", explique à la RTS Me Florence Yersin, son avocate à Genève. Cette dernière a informé ce mardi l’Office fédéral de la justice (OFJ), chargé de la procédure en Suisse.
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Déjà condamné pour viol
Ce Marocain de 22 ans est soupçonné d'avoir tué, le mois dernier, une étudiante française de 19 ans prénommée Philippine. Le corps de la jeune femme a été retrouvé enterré, le 21 septembre, dans le bois de Boulogne, près de Paris.
L'accusé était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) après une condamnation pour viol. Il a été arrêté le 24 septembre près de la gare Cornavin à Genève. Le 8 octobre, l'Etat français a déposé une demande formelle d'extradition auprès de la Suisse.
Il a fait le point
Après s’être opposé à son extradition devant un procureur helvétique, le 16 octobre, le suspect avait 14 jours pour confirmer sa position auprès des autorités suisses. Selon son avocate, ce délai lui a permis de prendre connaissance plus finement de la demande d'extradition formulée par les autorités françaises. Il a également pu rencontrer et échanger avec son avocate en prison. Chose qu'il n'avait pas pu véritablement faire devant le Ministère public, il y a deux semaines.
Ce n’est absolument pas un aveu de culpabilité puisque la procédure d'extradition est une procédure qui vise à remettre une personne à un Etat pour commencer une procédure pénale
"Mon client a pu comprendre les conditions de l'extradition", précise Me Florence Yersin. "Il a pu saisir qu'il n'est pas forcément utile de prolonger la procédure par des recours, ce qu'il aurait pu faire évidemment, et il lui semble aujourd'hui adéquat de pouvoir être déféré devant les autorités judiciaires françaises pour s'exprimer sur le fond de l'affaire."
Ce virage à 180 degrés n’est d’ailleurs pas une surprise pour l’avocate du prévenu. "Non, ce n’est pas surprenant. Il est important d'avoir un délai de réflexion et il est usuel que des personnes qui sont dans une procédure puissent, durant ce laps de temps procédurale, changer d'avis, mûrir leur réflexion et le cas échéant, effectivement prendre une décision qui va dans le sens de la requête d'extradition."
Pas un aveu de culpabilité
Pour autant, Me Florence Yersin réfute l’idée que ce rebondissement soit lié à une quelconque reconnaissance du crime pour lequel son client est recherché en France.
"Ce n’est absolument pas un aveu de culpabilité puisque la procédure d'extradition est une procédure qui vise à remettre une personne à un Etat pour commencer une procédure pénale. Ce n'est pas du tout la procédure qui vise à décider si la personne doit être condamnée ou pas pour les crimes dont font l'objet la demande d'extradition. Ce sont deux choses très différentes."
Une extradition rapide
Dès réception de la lettre de l’avocate, l’OFJ ordonnera les mesures nécessaires à l’extradition du meurtrier présumé de Philippine, en accord avec les autorités genevoises. Il communiquera ensuite la décision à la France. Les deux pays conviendront alors de la date et du lieu de l’extradition.
"Si l’Etat requérant est un pays limitrophe, la remise de la personne à extrader s’opère généralement à la frontière; vers les autres pays, elle s’effectue par voie aérienne", précise l’OFJ sur son site internet. Les objets ou valeurs trouvés en possession de l’accusé lors de son arrestation en Suisse seront, eux aussi, remis à la justice française, car ils peuvent servir de moyens de preuve ou être le produit de l’infraction.
Le tout ne devrait pas excéder quelques jours. Le dossier sera alors clos côté helvétique et il ne restera plus qu'à régler la facture. En effet, l'usage international veut que ce soit la Suisse qui assume les frais de détention et de transport d’une telle extradition.
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Sujet traité dans l'émission Forum sur RTS La Première
Raphaël Leroy, Pôle enquête RTS