Avec la capsule Sarco, "le côté humain est complètement balayé", selon Alix Noble Burnand
C’est dans une capsule futuriste qu’une Américaine de 64 ans gravement malade a choisi de se suicider lundi dernier, en Suisse. Elle a actionné seule le bouton qui libère l’azote et entraîne la mort par asphyxie. Une mort rapide et indolore, selon les promoteurs de la capsule "Sarco", pour sarcophage. Mais le dispositif relance des débats houleux.
Alix Noble Burnand, fondatrice et directrice de deuils.org, est revenue sur cette question du suicide assisté dans le 19h30 de la RTS. Au-delà des questions légales posées par la fameuse capsule Sarco, la thanatologue s’insurge contre la méthode utilisée.
On a l'impression qu'il y a une fête foraine et qu'ils ont oublié quelque chose.
Commentant une photo publicitaire de la capsule en pleine forêt, elle dénonce un "maquillage" de la mort. "On a l'impression qu'il y a une fête foraine et qu'ils ont oublié quelque chose. […] On a l'impression qu’on est au Salon de l'auto." Un outillage qui pourrait être vendu sous le slogan "suicide, mode d'emploi en dix minutes", ironise la thanatologue.
Forme d'"hyperindividualisme"
Si aujourd'hui l’assistance au suicide sous sa forme ancienne "s'est un peu banalisée", avec cette capsule, "tout d’un coup, on voit l'étape d'après arriver", ce qui heurte les sensibilités, explique Alix Noble Burnand.
C'est une machine. Il y a quelque chose de rapide, d'expéditif.
Le problème de cette "étape d'après", selon elle, c'est la mécanisation de la mort. "C'est une machine. Il y a quelque chose de rapide, d'expéditif. Le côté humain est complètement balayé, il n'y a plus rien". Contrairement à chez Exit, nuance d'ailleurs la thanatologue.
De son expérience professionnelle dans l'accompagnement des endeuillés, elle reconnaît aussi que "ce n’est pas si banal que ça, le suicide assisté". D'où son inquiétude vis-à-vis de la capsule Sarco: "cette forme-là est particulièrement choquante". Une forme qu'elle juge aussi "hyperindividualiste".
Mais par extension, le côté choquant de ce dispositif a le mérite de refaire débattre du suicide assisté et de lever une nouvelle fois le tabou sur la question de la mort, reconnaît-elle. "Cette histoire de Sarco manifeste de façon extrêmement forte quelque chose qu'on n'a plus l'habitude de voir, mais qui est quand même présent dans le suicide assisté."
C'est peut-être un suicide facilité, un suicide assisté, ça n'en reste pas moins un suicide.
D'après les témoins sur place, la personne qui a utilisé la capsule Sarco est décédée de façon paisible et indolore. Mais pour Alix Noble Burnand, le débat sur la désirabilité d’une telle mort "assistée" demeure.
"Je pense que ça soulève le débat que les débuts d'Exit ont appelé. C'est peut-être un suicide facilité, un suicide assisté, ça n'en reste pas moins un suicide", explique-t-elle.
Alix Noble Burnand estime toutefois que c'est une chance "d'avoir un pays qui a légalisé" la possibilité de hâter la mort. "C'est rassurant. C'est important de pouvoir le faire aujourd'hui par rapport à des dérives, par rapport à une vie qui dure, dure, dure. Il y a beaucoup de souffrances là-derrière."
Propos recueillis par Gabriel De Weck
Adaptation web: furr
La Suisse et le suicide assisté
C’est le cadre légal plutôt libéral qui a attiré les promoteurs de la capsule Sarco en Suisse. Plusieurs associations y offrent la possibilité de choisir sa mort, sous des conditions certes très strictes.
La plus connue en Suisse romande, Exit, ne s’est pas imposée sans mal. Fondée en 1982 par deux femmes médecins pour lutter contre l’acharnement thérapeutique, leur démarche choque, et leur droit de pratiquer est menacé.
Il faudra attendre les années 2000 pour que Jérôme Sobel, figure emblématique de l’association, mette en place un cadre précis d’accompagnement pour agir dans la légalité - sans jamais cesser de faire débat.