Aucun dégât majeur lié au froid n'a été signalé jusqu'à présent sur les arbres fruitiers et les vignobles suisses, mais les agriculteurs restent sur le qui-vive face à cette nouvelle réalité du changement climatique.
>> Lire : Avec une nature qui se réveille de plus en plus tôt, le gel tardif fait frémir les maraîchers
Le docteur en agroclimatologie Serge Zaka indique cependant que le vrai problème n'est pas le gel, mais l'évolution des stades de développement des plantes.
"Cette chaleur que nous avons eue début avril a accéléré la croissance des végétaux d'à peu près deux semaines, voire un mois pour certains arbres", explique-t-il dans La Matinale de la RTS. Les hivers doux et les printemps précoces réveillent en effet la nature plus tôt que prévu et certains vergers sont déjà en fleurs ou dans la phase de composition de fruits lorsque les températures plus froides, typiques du mois d'avril, reviennent.
"Il y aura toujours des risques de gel jusqu'à fin avril", affirme Serge Zaka, "certes un petit peu plus faibles, mais sur des végétaux beaucoup plus sensibles". Les plantes deviennent en effet plus sensibles au gel à mesure qu'elles se développent, précise l'agroclimatologue. "Lorsque le bourgeon est fermé, la plante peut résister jusqu'à -15 à -30 degrés, lorsqu'elle est en floraison, c'est plutôt -2,2, -1,8 lorsqu'elle perd les pétales et -0,5 lorsque le petit fruit se forme", détaille-t-il.
Mesures de lutte
Alors que les températures sont encore passées en dessous de 0 degré par endroits dans la nuit de dimanche à lundi, les cultures ont été placées sous surveillance afin de ne pas perdre les récoltes, et ce jusqu'à la fin de la semaine en tout cas. Afin de lutter contre le gel, les agriculteurs tentent de "réchauffer le microclimat de la parcelle", indique Serge Zaka, "en allumant des feux, des chaufferettes ou des ventilateurs pour éviter que l'air froid ne s'accumule au niveau des plantes au sol".
Il s'agit toutefois de mesures à court terme, précise l'expert. "A plus long terme, il faudra mettre en place des éléments socio-économiques et scientifiques sur l'évolution de l'arbre pour faire décaler ces dates d'ouverture des bourgeons", estime-t-il. "Mais il faut aussi faire attention à ce que ce nouveau matériel génétique soit résistant aux sécheresses et aux canicules, donc le problème est assez compliqué".
Evolution des espèces
A terme, certains arbres fruitiers pourraient disparaître en Suisse en raison du manque de froid en hiver. Certains arbres ont en effet besoin de longues périodes avec des températures basses pour bien fleurir au printemps. Mais pour Serge Zaka, il faudra surtout que l'agriculture s'adapte au changement climatique. Cela signifie que de nouvelles cultures pourraient faire leur apparition en Suisse.
"On pourrait voir l'arrivée de nouvelles espèces, comme la figue, l'olive, qui peuvent être intéressantes dans les vallées Sud, ou l'abricot, qui pourrait remonter peut-être dans certaines vallées", observe l'agroclimatologue. "D'anciennes variétés disparaissent, mais d'autres apparaissent dans un nouveau contexte climatique, donc ce n'est pas une fin de l'agriculture, mais une évolution nécessaire pour faire face au changement climatique", ajoute-t-il.
>> Lire à ce sujet : Conséquence du changement climatique, la Suisse se lance dans la culture d'amandes
Météosuisse a annoncé lundi que des températures minimales autour de 0 degré ou légèrement inférieures, ainsi que des gelées au sol, vont se poursuivre les nuits à venir et jusqu'à vendredi.
Propos recueillis: Valérie Hauert
Adaptation web: Emilie Délétroz avec ats