Beat Jans: "La Suisse ne peut résoudre à elle seule le défi de la migration et de l'asile"
Près d'un an après avoir succédé à Alain Berset au Conseil fédéral, l'heure est au bilan pour Beat Jans. Le ministre socialiste en charge du Département fédéral de justice et police (DFJP) a essuyé de nombreuses critiques de son propre parti, l'accusant de mener une politique d'asile trop ferme. Il a aussi été régulièrement tancé par la droite, notamment par l'UDC, sur les questions migratoires.
Cette semaine, le conseiller fédéral a connu un lourd revers après le durcissement par le Parlement des conditions d'accès au statut S pour les réfugiés ukrainiens. La mise en œuvre de cette mesure "ne sera pas à une tâche facile, car il n'y a actuellement aucune région sûre en Ukraine", a réagi Beat Jans dans La Matinale de la RTS.
Le Bâlois craint une contrainte supplémentaire sur le système de l'asile. "Il est désormais possible que des Ukrainiens déposent une demande d'asile au lieu d'une demande de protection, ce qui risque d'augmenter les cas en suspens et la pression sur les cantons et les communes", s'inquiète-t-il.
"Nous devons travailler avec nos pays voisins"
Lors d'une rencontre à Chiasso (TI) entre Beat Jans et le ministre italien de l'Intérieur Matteo Piantedosi fin novembre, ce dernier s'est dit prêt à rediscuter du transfert des cas Dublin, l'Italie refusant depuis deux ans de reprendre les requérants d'asile enregistrés sur son sol.
>> Lire sur cette rencontre : La Suisse et l'Italie unies contre l'immigration illégale
Pour le conseiller fédéral, il s'agit d'"un très bon signal". "Nous devons travailler avec nos pays voisins. La Suisse ne peut résoudre à elle seule le défi de la migration et de l'asile, qui est un problème mondial", a insisté le socialiste, estimant que le pacte migratoire européen adopté cette année par les Etats-membres de l'UE représente un "progrès en ce sens".
>> Lire aussi : La Suisse va-t-elle appliquer le pacte migratoire européen?
En Suisse, l'UDC exige un contrôle strict de l'immigration et a déposé une initiative populaire qui veut limiter la population résidente permanente à dix millions de personnes d'ici à 2050.
Beat Jans dit "prendre au sérieux" les inquiétudes sur la croissance démographique. Mais selon lui, la Suisse a "besoin de main-d'œuvre étrangère et l'initiative de l'UDC n'apporte pas de réponses à ce problème". Le texte "représente un risque pour notre économie, notre prospérité et notre sécurité", a-t-il poursuivi, ajoutant que l'initiative remet aussi en question "la voie bilatérale avec l'Union européenne".
D'autres dossiers
Le conseiller fédéral se montre globalement satisfait de sa première année en fonction, se félicitant de "résultats positifs" et d'avoir apaisé une "situation tendue" lorsqu'il a hérité du DFJP. Il cite notamment la mise en place des procédures accélérées qui ont "amélioré la sécurité dans et autour des centres fédéraux d'asile" ainsi que la "diminution" des demandes et des cas en suspens.
Outre le dossier de l'asile, Beat Jans a mis l'accent sur la lutte contre les violences domestiques et sexuelles. Une loi pour améliorer l'aide aux victimes est actuellement en consultation.
>> Lire : Le Conseil fédéral veut améliorer l’aide aux victimes de violences domestiques et sexuelles
Le Bâlois a par ailleurs chargé l'Office fédéral de la police (fedpol) d'élaborer une stratégie nationale de lutte contre la criminalité organisée afin de mieux lutter contre le trafic de drogue et d'armes, le blanchiment d'argent et le traite des êtres humains, a-t-il rappelé.
>> Lire à ce sujet : Fedpol va élaborer une stratégie de lutte contre le crime organisé en Suisse
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Sujet radio: Romain Carrupt
Article web: iar
Réflexions en Suisse autour de l'externalisation de l'asile
En octobre dernier, l'Italie a expulsé un groupe de migrants vers des centres qu'elle gère en Albanie. Une opération jugée illégale par un tribunal italien, ce qui a mené au renvoi de ces migrants vers le territoire italien.
En Suisse, des réflexions sur une externalisation de l'asile sont actuellement menées "à la demande du Parlement", a fait savoir Beat Jans au micro de la RTS. "Nous avons vu en Italie que cela pose des questions juridiques délicates. Nous voulons savoir qui fait quoi et s'il y a des approches qui fonctionnent", a déclaré le conseiller fédéral, affirmant être "ouvert aux solutions".
Une telle démarche doit néanmoins pouvoir se faire dans le respect de la Constitution et du droit international en matière de droits humains, rappelle le ministre.
>> Lire aussi sur ce sujet : Beat Jans se dit ouvert à l'idée d'"externaliser" certaines procédures d'asile