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Comment refroidir les villes suisses?

Comment refroidir la ville ?
Comment refroidir la ville ? / basik / 26 min. / le 19 août 2024
Avec le réchauffement climatique, nos villes deviennent de véritables fournaises en été. Il existe toutefois des solutions pour ramener de la fraîcheur. Tour d'horizon, de la place de la Planta à Sion à Plateforme 10 à Lausanne.

Depuis 50 ans, Sion est la ville de Suisse qui se réchauffe le plus. Un record de température à 37,6 degrés a été établi le 24 août de l'année passée. Quant aux nuits tropicales, elles ont explosé en 50 ans, passant de deux à onze par an pour la période 2010-2023.

La capitale valaisanne est aussi l'une des villes qui incarne le mieux l'adaptation au dérèglement climatique. Sur la place de la Planta, terriblement chaude en été, des îlots de fraîcheur provisoires ont été implantés: un brumisateur, du gazon et des arbres, des climatiseurs naturels.

"C'est une aventure qui a commencé en 2021 et qui aura demandé trois-quatre semaines de préparation. A l'origine, c'était un projet non pérenne. Mais le succès a été tel qu'on va le conserver jusqu'au réaménagement de la place", a expliqué lundi dans l'émission Basik de la RTS Christian Bitschnau, vice-président de Sion en charge de l'urbanisme et de la mobilité.

La nouvelle place de la Planta devrait voir le jour en 2028. L'ensemble du projet est devisé à quelque 12,85 millions de francs.

La rue des Aubépines, un modèle

Les places emblématiques ne sont pas les seules à subir la hausse des températures et les pluies diluviennes. Les rues périphériques nécessitent aussi des aménagements. Inaugurée en juin 2024, la rue des Aubépines à Sion est un modèle qui rassemble toutes les composantes de la rue du futur.

Sa classification en zone 20 impacte par exemple la dimension de la chaussée: "Plus on a une vitesse qui est faible, plus on va pouvoir réduire la taille de la route et donner de la place à la végétalisation, à la mobilité douce et à d'autres fonctions dans la ville", détaille Vincent Kempf, chef du service de l'urbanisme et de la mobilité de Sion. Moins de bitume, c'est aussi moins de chaleur emmagasinée et rejetée, de jour comme de nuit.

La présence d'eau est un élément important pour la régulation de la température et la lutte contre les îlots de chaleur

Vincent Kempf, chef du Service de l'urbanisme et de la mobilité de Sion

De la végétation et des arbres ont également été plantés pour favoriser la biodiversité, créer de l'ombre et infiltrer l’eau de pluie dans le sol. Un étang a en outre été creusé en contrebas de la rue pour récupérer l'eau de pluie. "La présence d'eau est un élément important pour la régulation de la température et la lutte contre les îlots de chaleur", ajoute le responsable.

Ces travaux sont néanmoins difficiles à chiffrer. "Cette réalisation a été rendue possible par le passage du réseau du chauffage à distance. Sans réalisation d'un nouveau réseau, on n'aurait probablement pas investi les lieux", souligne encore Vincent Kempf.

>> Ecouter le sujet de La Matinale sur les îlots de fraîcheur :

Pour lutter contre la canicule certaines villes favorisent l’installation d’ilots de fraîcheur. [afp - Rob Engelaar]afp - Rob Engelaar
Pour lutter contre la canicule certaines villes favorisent l’installation d’ilots de fraîcheur / La Matinale / 2 min. / le 30 juillet 2024

Polémique autour de Plateforme 10

A Lausanne, l'aménagement du quartier des arts et ses près de 25'000 mètres carrés a suscité de vives réactions, à tel point que certains visiteurs l'ont baptisé "la Plancha". Un surnom qui remonte au week-end d'inauguration de Plateforme 10 en juin 2022. Une place toute noire de bitume avait alors accueilli les visiteurs qui, par 32 degrés, suffoquaient.

Le retard dans les aménagements aura fait couler beaucoup d'encre et de sueur, car, aujourd'hui, les citoyennes et citoyens sont plus que jamais demandeurs d'infrastructures adaptées au réchauffement climatique.

A 26 degrés de température ambiante, il fera 56 degrés au sol sur la place de la gare de Lausanne et 42 sur l'enrobé grenaillé de Plateforme 10

Emmanuel Ventura, architecte cantonal vaudois

Pour l'architecte cantonal vaudois Emmanuel Ventura, Plateforme 10 est tout sauf un îlot de chaleur. Selon lui, il s'agit au contraire d'un îlot de fraîcheur: "Nous avons un couloir à vent, des bâtiments et un sol clairs. A 26 degrés de température ambiante, il fera 56 degrés au sol sur la place de la Gare, alors qu'il en fera 42 sur notre enrobé grenaillé."

Un brumisateur a toutefois poussé au milieu du goudron et de la végétation a été plantée là où c'était possible. "Entre la route et les réseaux qui sont en dessous, il n'y a que cette zone-là où nous avons de la pleine terre. Et encore, dans cette pleine terre, nous avons dû faire des pots à l'intérieur, casser la roche et mettre de la terre végétale pour pouvoir planter", explique Emmanuel Ventura.

Le retour de la pierre?

Si nos villes peuvent être adaptées au dérèglement climatique, il est aussi possible d'agir en amont, en diminuant notre empreinte carbone dans la construction. Le béton représente en effet 8% des émissions mondiales de CO2.

Construit en pierre et en bois, un immeuble situé à la rue de la Coulouvrenière à Genève représente peut-être une partie de la solution. "Ce bâtiment est le finaliste de Materia Award, le prix mondial des architectures contemporaines en matériaux biosourcés et géosourcés. C'est le seul projet suisse qui est finaliste", précise Marlène Leroux, cofondatrice du cabinet d'architecture "Atelier Archiplein".

En plein été, on ne peut pas faire les mêmes activités que l'on fait tout au long de l'année. Il faudrait trouver des moyens d'adapter les horaires des espaces publics

Marlène Leroux, cofondatrice du cabinet d'architecture "Atelier Archiplein"

"Par rapport à un équivalent en structure béton, on est à peu près à 40% en moins d'émission de carbone", détaille l'architecte. "La pierre a déjà été produite par la nature il y a des centaines de milliers d'années. La seule chose qu'il faut faire, c'est l'extraire, la déplacer et la poser. Il n'y a pas d'adjuvant chimique, on n'est pas obligé de la chauffer. Il y a donc tout un tas de phases nécessaires pour la production du ciment qui n'existent pas. Par définition, c'est un matériau qui est beaucoup moins énergivore et qui produit beaucoup moins de carbone."

Quant au coût de construction, "il est le même que s'il avait été fait avec un système de béton préfabriqué à Genève", indique Marlène Leroux.

Si l'adaptation de nos infrastructures au climat est indispensable, pour Marlène Leroux, il faut aussi revoir nos propres usages. "En plein été, on ne peut pas faire les mêmes activités que l'on fait tout au long de l'année. A l'échelle individuelle, on peut se replier dans les endroits frais quand il fait trop chaud. D'un point de vue collectif, il faudrait trouver des moyens d'adapter les horaires des espaces publics, comme les piscines et les parcs." Le tout est de se reconnecter à la nature, dans nos villes et dans nos rythmes, argumente l'architecte.

Charles Reinmann/iar

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