Pour la plupart d'entre nous, le Covid n'est plus qu'un lointain souvenir. Mais pour celles et ceux qui ont le malheur d'être atteints de Covid long, il reste un fardeau parfois difficilement surmontable. L'enjeu est de taille: le Covid long affecterait des centaines de milliers de personnes en Suisse, souvent de manière grave. Les femmes sont trois fois plus à risque que les hommes.
"Dès le matin, au réveil, je suis tout simplement morte de fatigue, incapable de me lever", témoigne Nicole Spychiger mardi dans l'émission de la RTS A Bon Entendeur. Cette mère de deux enfants contracte le Covid en octobre 2021.
Selon l'AI, une réadaptation n'est pas possible pour elle. Depuis décembre 2023, son assurance perte de gains ne lui verse plus d'indemnités. Elle perd alors son emploi. Comme elle est malade, elle ne peut même pas se rendre à l'ORP et ne reçoit donc pas d'indemnités de chômage. Quant à l'AI, elle lui conseille de s'inscrire à l'aide sociale.
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Un crowdfunding pour survivre
Au fil du temps, Nicole Spychiger et sa famille ont épuisé leurs réserves avant même d'obtenir une décision d'octroi ou non de rente. C'est grâce à un crowdfunding organisé par une amie qu'elle peut encore joindre les deux bouts.
"Cette campagne de financement, c'est vraiment un acte de désespoir pour nous, parce que nous ne savions plus comment payer les factures, les soins à domicile ni comment remplir le frigo", dénonce la Bernoise. "Et dire qu'on est en Suisse et qu'il faut l'aide financière de nos amis et même de parfaits inconnus pour que nous puissions garder la tête hors de l'eau!"
Je ne me souviens pas de mes préférences alimentaires. Je goûte, je ne sais plus si j'aime, si je n'aime pas
Une histoire qui ressemble à celle de plusieurs autres témoins, dont Sophie Verniers, ancienne infirmière aux HUG. En novembre 2020, en pleine pandémie, elle contracte le Covid à l'hôpital en soignant ses patients, une maladie dont elle ne guérira plus.
Elle décrit à quel point la fatigue et le brouillard mental la diminuent depuis: "La semaine dernière, je me suis perdue dans mon quartier, j'y habite depuis six ans! Et puis je ne me souviens pas de mes préférences alimentaires. Je goûte, je ne sais plus si j'aime, si je n'aime pas".
Une fatigue qui nécessite des jours pour récupérer
Sophie Verniers est aujourd'hui suivie par la Dre Mayssam Nehme, responsable de la consultation post-Covid des Hôpitaux universitaires de Genève, qui accompagne quelque 1600 patients.
Je ne demande rien de plus que ce que à quoi j'ai droit
"Le Covid long ou post Covid se manifeste par plusieurs symptômes, le plus fréquent, c'est ce qu'on appelle la fatigue", commente la spécialiste. "En réalité, ce sont plutôt des malaises post-efforts ou des crashes. Une personne atteinte de Covid long va essayer de faire un effort physique ou mental, parfois minimal, et va ressentir qu'elle est complètement épuisée et qu'elle a besoin de récupérer. Cette récupération prend parfois plusieurs jours."
Travailler devient alors impossible, comme pour Sophie Verniers, elle aussi à bout financièrement: "Aujourd'hui, on n'est plus rien au point de nous laisser crever de faim. Je ne touche évidemment plus d'allocations familiales, puisque je n'ai plus d'employeur". Et de s'interroger: *Heureusement, j'avais de l'argent de côté qui me permet aujourd'hui d'avoir un appartement et de nourrir mes enfants. Sinon je fais comment? Je ne demande rien de plus que ce que à quoi j'ai droit."
"On a des procédures longues, parce que l'on doit d'abord examiner toutes les possibilités de réintégration", explique Florian Steinbacher, vice-directeur de l'Office fédéral des assurances sociales, dans A Bon Entendeur.
Quelquefois "on a besoin d'une expertise médicale et là, on a un problème parce que les experts sont plutôt rares et parfois le délai d'attente prolonge la procédure", détaille celui qui dirige l'assurance invalidité. Et de préciser que les délais sont importants, quelle que soit la maladie en cause: "En moyenne, c'est un peu moins de deux ans. Avec les cas de Covid long, vu que c'est une maladie complexe, c'est un peu au-dessus de la moyenne."
Jusqu'à fin 2023, environ 12% des personnes atteintes de Covid long qui ont déposé une demande auprès de l'AI ont reçu une rente
Le haut fonctionnaire révèle par ailleurs un taux d'octroi de rentes supérieur aux premières estimations. "Jusqu'à fin 2023, environ 12% [des personnes atteintes de Covid long qui ont déposé une demande auprès de l'AI] ont reçu une rente."
Une étude sur le sujet devrait ainsi être publiée en début d'année prochaine. "On voit que la possibilité d'obtenir une rente est plus élevée pour un Covid long qu'en moyenne", conclut Florian Steinbacher.
Claire Braillard, Lison Méric, Linda Bourget, avec SRF