Modifié

Dans une société égalitaire, "les hommes ne se sentiraient pas obligés de toujours prouver leur masculinité"

Où en sont les droits des femmes en 2024? Interview d’Irène Herrmann
Où en sont les droits des femmes en 2024? Interview d’Irène Herrmann / La Matinale / 5 min. / le 8 mars 2024
Où en sont les droits des femmes en 2024? Des progrès restent à faire en Suisse, notamment du côté de la législation, estime Irène Herrmann, professeure ordinaire en histoire transnationale de la Suisse à l'Université de Genève. Selon elle, une société égalitaire profiterait aussi aux hommes.

Les hommes ne vont pas délibérément accepter d'introduire l'égalité femmes-hommes, alors qu'on leur présente cette égalité comme une perte de privilèges, estime Irène Herrmann, interrogée dans la Matinale vendredi 8 mars, journée internationale du droit des femmes.

>> Lire aussi: : En matière d'égalité, femmes et hommes ne connaissent pas la même Suisse

Pour l'historienne, il faudrait peut-être présenter aux hommes "de manière plus nette" qu'aujourd'hui l'égalité femmes-hommes "comme étant une grande chance pour eux aussi".

Les hommes auraient donc aussi des avantages à tirer d'une société plus égalitaire. "Une société dans laquelle les femmes évoluent de manière libre et sûre, c'est aussi une société qui est plus libre et plus sûre pour les hommes", estime Irène Herrmann. Une telle société "devrait être un peu moins brutale" et les hommes "ne se sentiraient pas forcément obligés de toujours devoir prouver leur masculinité", poursuit la chercheuse.

La retraite à 65 ans, une égalité "au détriment des femmes"

Irène Herrmann pointe du doigt le vote sur l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes en 2022. "On élève l'âge de la retraite des femmes au nom de l'égalité (...) mais cette égalité-là se fait au détriment des femmes", dit-elle dans la Matinale.

"Les femmes travaillent globalement deux mois gratuitement", rappelle également l'historienne. "C'est une inégalité qu'on ne pense pas encore rétablir totalement. C'est assez intéressant de voir là où sont les priorités. On préfère tout d'abord diminuer les inégalités qui touchent les hommes avant de diminuer les inégalités qui touchent les femmes."

Il y a aussi eu des progrès en Suisse

Après la vague #MeToo, il y a eu aussi en Suisse une certaine libération de la parole, estime Irène Herrmann. "Il y a eu aussi un autre phénomène dont on a un peu moins parlé: des choses deviennent indicibles", poursuit l'historienne.

Et d'ajouter: "Ça ne veut pas dire qu'on n'y pense plus, ça ne veut pas dire que les pensées sexistes n'existent plus, mais c'est un peu plus difficile de les exprimer en public."

Les femmes souffrent des crises et de la situation internationale

"La crise du Covid a pesé essentiellement sur les épaules des femmes", selon Irène Herrmann. L'historienne évoque également la situation internationale "qui crée quand même de grandes craintes pour la sécurité et qui pousse les différents acteurs, notamment les citoyens et les citoyennes, à essayer de se tourner vers des solutions qu'on pense positives, mais qui sont très généralement des solutions conservatrices qui laissent une place assez réduite aux femmes".

Irène Herrmann craint un recul de l'égalité hommes-femmes lors des prochaines élections dans le monde cette année, notamment les élections européennes. Les populistes eurosceptiques devraient arriver en tête dans neuf pays de l'Union européenne, comme l'Autriche, la Belgique, la France et les Pays-Bas.

>> Ecouter le sujet de La Matinale sur la perception des inégalités de genre chez les jeunes :

Les jeunes Suisses perçoivent moins d'inégalités de genre dans la société. [RTS - Gaël Klein]RTS - Gaël Klein
Les jeunes Suisses perçoivent moins d'inégalités de genre dans la société / La Matinale / 2 min. / le 8 mars 2024

Interview radio: Valérie Hauert

Adaptation web: Julie Liardet

Publié Modifié

Dialoguer sur la question

Journée de mobilisation

Les femmes se mobilisent ce vendredi 8 mars à travers la Suisse pour leurs droits et l'égalité, à l'occasion de la Journée internationale des femmes. Outre une réception traditionnelle au Palais fédéral, des actions syndicales et d'organisations féminines sont menées dans tout le pays.

Conformément à la tradition, la présidente du Conseil des Etats Eva Herzog (PS/BS) reçoit ce vendredi à Berne environ 300 femmes de toute la Suisse et d'horizons divers au Palais fédéral. L'accent est placé sur l'indépendance financière des femmes ainsi que sur leur sécurité et leur situation au niveau international.

Ruth Metzler et Ruth Dreifuss, deux anciennes conseillères fédérales invitées au Parlement à l'occasion de la journée du droit des femmes. [KEYSTONE - PETER KLAUNZER]
Ruth Metzler et Ruth Dreifuss, deux anciennes conseillères fédérales invitées au Parlement à l'occasion de la journée du droit des femmes. [KEYSTONE - PETER KLAUNZER]

Des discussions avec la présidente de la Confédération Viola Amherd, ainsi qu’avec celle du CICR, Mirjana Spoljaric, sont au programme. Les anciennes conseillères fédérales Ruth Metzler, Ruth Dreifuss et Simonetta Sommaruga participeront à des ateliers.

Les syndicats Travail.Suisse et Syna remettront à cette occasion à Viola Amherd le rapport d'évaluation de la loi révisée sur l'égalité entre femmes et hommes. Syndicats et organisations féminines ont aussi prévu une série d'actions dans tout le pays.

En Suisse romande, Unia va notamment occuper la place Roland Béguelin à Delémont avec des militantes de la restauration. Le syndicat promet une action contre le harcèlement sexuel en solidarité avec les femmes travaillant dans l'hôtellerie et restauration à Neuchâtel.

A Genève, le collectif de la grève féministe appelle à une manifestation contre les violences patriarcales, les inégalités salariales et les discriminations de genre. La grève féministe manifeste à Lausanne tandis que le Syndicat des services publics (SSP) se mobilise à Fribourg. (ats)