Cette flexibilité, dont parle la professeure au micro de la RTS, existe déjà dans le secteur des soins et des logements. "Il y a un domaine qui évolue et qui nous donne des pistes assez intéressantes, c'est celui des soins et du logement, où on voit de plus en plus de solutions 'intermédiaires' (...) et qui permettent de tenir compte des besoins." Elle cite notamment les logements avec services et encadrement.
Avec le vieillissement, il y a un vrai risque de se retrouver isolé socialement et exclu
De telles pistes permettent de répondre à la diversité qui existe au sein même de la population senior, relève Delphine Roulet Schwab. "Il faut bien se rendre compte que la population âgée est très très diverse (...) Ce n'est pas la même chose d'avoir 65 ou 90 ans. Ce sont deux générations différentes."
Isolement social
Une étude parue fin août démontre que les seniors vivent de plus en plus longtemps et se sentent jeunes plus longtemps, soit jusque vers 80 ans contre 69 ans dans les années 1990.
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"C'est une bonne nouvelle", remarque l'invitée qui reconnaît que "ce regard différent sur le vieillissement est vraiment positif". Mais elle met aussi en garde sur le fait qu'il "comporte d'autres aspects qu'il ne faut pas mettre de côté en étant obnubilé par cette vision positive qui nous rassure", dit-elle.
Il y a une forme de discrimination où tout le monde est mis dans le même panier
"Il y a un vrai risque de se retrouver isolé socialement et exclu", prévient la spécialiste du lien entre vieillissement et santé. La participation sociale est donc le principal enjeu, selon elle. "Quand on pense à la santé, on pense d'abord aux aspects physiques, biologiques. Mais le lien social participe grandement à la santé."
Solutions cantonales
C'est dans ce sens qu'ont été créés beaucoup de projets "qui réfléchissent à comment créer et conserver le lien social avec les seniors, mais aussi entre toutes les générations", indique Delphine Roulet Schwab. "Ça peut être avoir du lien social au niveau de son quartier, de son immeuble, etc. C'est aussi participer aux décisions qui concernent les citoyens eux-mêmes et là, en l'occurrence, les personnes âgées."
Elle donne l'exemple du Conseil des seniors du canton de Vaud qui permet "de réagir en lien avec les décisions prises par le gouvernement et de conseiller le gouvernement par rapport aux décisions qui concernent le vieillissement".
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Discrimination dans les mesures et les prix
Un autre défi d'une espérance de vie plus longue est le fait que l'âge légal de départ à la retraite, par exemple, ne correspond plus au vieillissement physiologique et ressenti. "C'est un élément à questionner aujourd'hui", estime l'invitée de La Matinale.
Il me semble vraiment important d'introduire plus de flexibilité pour mieux tenir compte des situations individuelles, des ressources et des besoins
"L'âge de 65 ans a été fixé en 1948 avec l'introduction de l'AVS. Il correspondait plus ou moins à l'espérance de vie à ce moment-là (...) Aujourd'hui, elle est plus longue d'environ 20 ans. Donc c'est assez normal qu'on ne se sente plus vieux à 65 ans (...) et que la fragilisation liée au vieillissement survient plutôt vers 80-85 ans", explique-t-elle.
Delphine Roulet Schwan pointe du doigt beaucoup de programmes de santé publique de prévention qui "s'adressent aux 65 ans et plus, voire aux 60 ans et plus" en oubliant cette diversité. "Il ne faut peut-être pas mettre en place les mêmes mesures pour une personne de 65 ans et de 90 ans (...) Il y a une forme de discrimination où tout le monde est mis dans le même panier", relève-t-elle.
L'assurance-maladie participe aussi de la discrimination en augmentant la tarification pour les seniors. Cela se justifie "probablement" par le fait que cette tranche d'âge est source de "situations plus complexes qui demandent plus de travail. Mais il ne se passe rien lors du passage de 74 à 75 ans pour que tout à coup la situation devienne plus complexe", souligne la spécialiste.
Supprimer complètement ces inégalités pour les seniors semble difficile pour la professeure, mais "introduire plus de flexibilité pour mieux tenir compte des situations individuelles, des ressources et des besoins" est une solution, conclut-elle.
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Julie Marty