Des crèmes solaires vendues par la société Temu ne respectent pas du tout les normes de protection
Au rayon cosmétiques de la plateforme de vente en ligne Temu, les crèmes et laits solaires se comptent par centaines. Des marques essentiellement inconnues mais qui, à première vue, ne se distinguent guère des produits solaires que l’on trouve en magasin, si ce n’est par leurs prix relativement bas.
Un test de l’émission A Bon Entendeur de la RTS montre pourtant que ces produits sont bien différents: alors qu’ils affichent des indices de protection très élevés, certains n’offrent quasiment aucune protection contre les rayons UV. Sur les sept produits testés, tous présentent des indices ridiculement bas. Ainsi, un produit affichant un indice 50+ n’offre en réalité qu’une protection quasi nulle de 1,6.
"Quand on fait des tests sur des produits achetés en grande surface ou en pharmacie, les résultats ne sont de loin pas catastrophiques à ce point, donc c’est le site sur lequel on les a achetés qui pose souci. Ce sont des produits dangereux, qui ne devraient pas être mis sur le marché", commente Céline Couteau, spécialiste en cosmétologie à l’Université de Nantes.
Des normes nationales non respectées
Différentes enquêtes ont mis en lumière de graves problèmes dans la qualité des produits vendus par Temu, une firme chinoise active en Suisse depuis une année et demie. Ils concernent notamment des jouets, des bijoux ou des articles de sécurité de type casque de vélos. Une quantité non négligeable de produits vendus en Suisse par la plateforme est loin de respecter les normes nationales.
Secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs (FRC), Sophie Michaud Gigon dénonce un double standard qui pénaliserait commerçants et consommateurs suisses. "Si vous êtes une plateforme suisse ou un commerce en Suisse, vous êtes responsable de la qualité et de la sécurité du produit que vous vendez au client. En revanche, si vous êtes une plateforme étrangère, vous n’êtes pas assujetti à la loi, c’est justement ce qu’il faut changer", observe la Vaudoise, qui siège également au Conseil national sous la bannière écologiste.
Des informations parfois fantasques
De facto, dès que le client commande un produit sur l’une de ces plateformes et que celui-ci est remis à un transporteur, les risques liés au produit en question lui sont transférés. "Si on a un modèle délétère de surconsommation avec une croissance folle et que comme consommateur on ne peut pas compter sur la responsabilité de la plateforme, vous imaginez dans quel chaos on va vivre! On doit absolument réguler les plateformes maintenant", insiste la responsable de la FRC.
A noter qu’au-delà de leur manque total de fiabilité, certains de ces produits affichent des informations fantasques sur leurs emballages. Ainsi certains prétendent offrir un indice de protection (SPF) de 60, 70 voire même 90. Alors qu’en Suisse, la valeur admise la plus élevée est de 50, une valeur qui correspond à un taux de protection de 98%.
Par ailleurs, Céline Couteau a décelé un composant imaginaire sur l’étiquette de l’un des produits testés: "En réalité, il s’agit d’un mélange de deux noms de filtres UV connus, avec lesquels on a créé un nom fantaisie, en mélangeant deux bouts de noms de filtres qui existent. Cela montre quand même l’incompétence des personnes qui ont nommé les ingrédients et se sont occupées de l’emballage de ce produit", explique-t-elle.
Stéphane Fontanet, Linda Bourget et Cyril Dépraz
Des contrôles réguliers, selon Temu
Interpelés, aucun des fabricants de ces produits n’ont réagi. En revanche, Temu affirme avoir immédiatement retiré les produits concernés et avoir demandé des certifications supplémentaires à leurs vendeurs.
La plateforme affirme par ailleurs respecter les normes de qualité et de sécurité et effectuer des contrôles réguliers.
Des douaniers démunis
Neuf mois après son lancement, le chiffre d’affaires de Temu en Suisse était estimé à 350 millions de francs. Le nombre de paquets livrés par jour se chiffre en dizaines de milliers.
En Suisse, c’est la douane qui est chargée d’empêcher l’entrée de produits illégaux ou nocifs. "Nous recherchons des stupéfiants et des armes, mais aussi des jouets avec des substances interdites ou des médicaments contrefaits qui peuvent être dangereux pour la santé", précise Lukas Koller, chef de la "Douane Bâle Sud", rencontré au nouveau centre de tri de La Poste à Pratteln.
Un contrôle à 100% impossible
Les douaniers y procèdent à des contrôles visuels des colis mais font aussi recours à des chiens spécialement dressés pour détecter drogues ou explosifs, ainsi qu’à un scanner qui permet de lire les formes des objets à l’intérieur des colis et de détecter les éléments métalliques.
En tout, 160'000 paquets arrivent chaque jour à Pratteln. En une matinée, la douane, elle, ne peut en contrôler qu’un millier, 160 fois moins. De plus, les effectifs en personnels étant limités, les contrôles ne sont de loin pas quotidiens et se font de manière irrégulière. Alors que le nombre d’envois en provenance de Chine, lui, ne cesse d’augmenter.
"C’est de plus en plus compliqué pour nous. Nous faisons des contrôles basés sur les risques. Nous essayons de travailler le plus efficacement possible avec les données dont nous disposons", relève Lukas Koller, qui concède qu’un contrôle à 100% est impossible. "Cela créerait des kilomètres d'embouteillages. Votre commande mettrait trois ou quatre mois pour arriver chez vous, et vous ne seriez pas content non plus."