En matière d'égalité, femmes et hommes ne connaissent pas la même Suisse

Prenez dix messieurs au hasard dans la rue et demandez-leur si, selon eux, les hommes et les femmes sont traités de la même façon dans la société suisse actuelle. La moitié d'entre eux assureront que oui. Posez la même question à dix passantes, vous n'obtiendrez plus que deux réponses positives… Une statistique qui peut sembler étonnante, tirée d'un sondage exclusif réalisé au premier trimestre 2023 par l'institut gfs.bern pour la SSR.

Tout d'abord l'état des lieux, implacable: en Suisse, quatre femmes sur dix ont déjà souffert de discrimination liée au genre. Pire encore chez les moins de 40 ans, où 60% des sondées déclarent en avoir été victimes. En face, seul un homme sur dix affirme la même chose.

L’égalité, thématique d'avenir

Aux yeux des Suissesses, l'égalité entre les sexes est clairement un sujet de préoccupation. Près de 60% d'entre elles estiment même qu'il s'agit d'une thématique de société qui va occuper les débats et les discussions dans les années à venir. A l'opposé, trois hommes sur dix se déclarent absolument pas préoccupés par le sujet pour l'avenir. Près de 60% de femmes vont jusqu'à voir dans le combat pour l'égalité des sexes une forme de modernité, en associant toute forme de résistance au siècle passé.

Wokisme et conflit de génération

Pour autant, certains débats très actuels ne font pas l'unanimité chez les sondées, à l'exemple du wokisme. Si un Suisse de plus de 40 ans sur deux estime que les questions wokes et les questions de genre "sont des problèmes de citadins gâtés", seules 30% des femmes de la même tranche d'âge adhèrent totalement à cette idée. Cette hostilité n'est clairement pas partagée par les plus jeunes, ce qui met davantage en lumière un conflit de génération qu'un désaccord entre les sexes.

Parité et éducation des enfants

Le sondage dévoile aussi les combats qui restent à mener, comme la parité aux postes de direction. Une large majorité de 64% de femmes y sont favorables, appuyées seulement par 36% des hommes. Etonnamment, plus on grimpe dans la pyramide des âge, plus les personnes interrogées se déclarent ouvertes à cette question. Les hommes de plus de 65 ans sont par exemple 44% à s'avouer favorables à la parité, contre 33% chez les moins de 39 ans.

Mais si les femmes réclament majoritairement la parité, elles souffrent aussi visiblement de l'image de mauvaise mère que la société leur renvoie si elles ont un emploi qui les tient éloignées du foyer. Près d'une répondante sur deux estime que plus une femme travaille en dehors de l'éducation des enfants, plus elle est considérée comme une mauvaise mère. Seul un quart de la population masculine fait le même constat.

Les hommes ont la vie plus compliquée

En revanche, la population tombe d'accord sur le fait que la Suisse n'irait pas mieux si les femmes restaient davantage à la maison pour s'occuper des enfants, puisque 75,5% des femmes et 67% des hommes se déclarent opposés à cette idée. Pour autant, ces messieurs estiment que les nouvelles attentes en matière de répartition des rôles en Suisse leur ont compliqué la vie: plus d'un homme sur deux semble en tout cas le croire. Une certitude encore plus forte chez les 40-64 ans.

Consensus sur l'avortement

Le sondage aborde également la question des violences domestiques et celle des agressions sexuelles. Près d'une Suissesse sur dix déclare s'inquiéter quotidiennement ou occasionnellement de violence domestique. De même, 15% des femmes affirment se préoccuper quotidiennement ou occasionnellement d'agressions sexuelles. Un chiffre qui monte tout de même à près de 20% chez les femmes de 16 à 39 ans.

Il y a les sujets qui divisent, mais aussi ceux qui fédèrent. Peu importe l'âge ou le sexe, le droit à l'avortement met tout le monde d'accord. En effet, 80% de la population estime qu'une femme devrait pouvoir avorter quelles que soient les circonstances. Ce qui a été un débat virulent au siècle passé semble donc désormais parfaitement intégré dans les mentalités suisses.

Cécile Denayrouse